Avec la « clause Molière », c’est la préférence nationale qui s’applique

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La « préférence nationale » déjà appliquée

Elle se cache notamment sous le nom de « clause Molière » !

La présidente LR de la région Ile de France, V. Pécresse s’en est emparée pour en faire une condition pour l’attribution de chantiers aux PME « franciliennes ». Il s’agit d’une discrimination dont le caractère xénophobe est évident, à l’encontre des ouvriers étrangers, à travers l’introduction d’une clause exigeant la maîtrise de la langue française sur les chantiers sous prétexte d’éviter des accidents de travail !

Cette affaire a mis en lumière une pratique qui sévit déjà dans plusieurs départements et régions (*). A Angoulême, celui qui l’a mis en place ne s’embarrasse pas de considérations sur les risques d’incompréhension sur les chantiers : « il s’agit de lutter contre les entreprises qui cassent les prix en allant chercher des travailleurs détachés sans que ces salariés ne cotisent à la sécurité sociale ».

C’est donc la question des « travailleurs détachés » qui est en toile de fond, de ce qui n’est pas seulement une polémique politique, à quelques semaines des élections.

L’origine de cette catégorie de travailleurs

Une directive européenne datant de 1996 a introduit cette notion. Elle prévoit qu’une entreprise d’un pays membre de l’UE peut détacher temporairement un salarié dans un autre pays de l’UE. , en continuant à payer les cotisations sociales du pays d’origine. Les cotisations sociales n’étant pas payées dans le pays de destination, continuent à être payées dans le pays d’origine. L’intérêt des patrons est de jouer sur la différence du niveau de cotisation entre les pays. Entre la France et les pays dits de l’Est cette différence étant de l’ordre de 20% et sans doute plus.

Cette disposition a notamment été mise en place pour permettre aux dirigeants des pays de l’est européen de « convaincre » les opinions publiques des bienfaits de l’intégration au sein de l’UE, au moment où ils mettaient en œuvre des « politiques d’assainissement » draconiennes, pour soi disant mettre leur pays « au niveau des standards européens ». Les vagues de suppressions d’emplois dans les entreprises insuffisamment rentables, au regard des critères néolibéraux, devaient être « compensées » par l’accès aux emplois dans les autres pays de l’UE. Cette mesure de dumping social à grande échelle était basée sur la différence du montant des cotisations sociales, sans oublier le fait que cette main d’œuvre potentielle était formée.

Ce qui était présenté comme une possibilité « temporaire », a bien évidemment été utilisée, pour développer une catégorie de travailleurs surexploités et flexibles. Les garanties de salaire (la directive prévoyait que les salariés devaient être payés sur la base du salaire minimum en vigueur dans le pays dans lequel ils étaient détachés), ont très vite été contournées, notamment par l’imposition de « prélèvements » concernant le logement. Logement qui peut se réduire à une baraque de chantier… et quand c’est un hôtel, c’est de toute façon le salarié qui paie.

Les premiers bénéficiaires des conséquences de cette clause, ce sont avant tout les grandes entreprises, notamment du BTP, de l’intérim, des transports, de l’agriculture et de l’agro alimentaire, qui font jouer la concurrence entre sous traitants qu’ils utilisent de la main d’œuvre détachée, pour faire pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail de tous les salariés, quel qu’en soit le statut.

Les chiffres officiels font état de 1,5 millions de travailleurs détachés en Europe, provenant à 90% des pays membres de l’UE. Ils sont évalués à 150 000 en France, un nombre quasi similaire à celui des travailleurs de France, détachés dans un autre pays de l’UE. C’est d’ailleurs là-dessus que s’appuient des élus de droite pour contester l’opportunité de mettre en œuvre des clauses du type « Molière » destinées à rendre difficile le recours à des travailleurs détachés sur les chantiers financés par les collectivités territoriales.

Même salaire, mêmes droits, mêmes conditions de travail

En 2014, une réforme de la directive sur les travailleurs détachés a été engagée, pour « lutter contre les abus et les fraudes ».

En outre, qui dit « lutte contre les fraudes », dit agents chargés de les constater : or le nombre des agents de l’inspection du travail ne cesse de diminuer.

La question ne peut être résolue dans l’intérêt de tous les salariés, que si on impose le principe de « même travail, même salaire, mêmes droits ».

Il ne faut pas inverser les choses : c’est le patronat, le gouvernement, l’UE qui ont créé cette catégorie et non les salariés, en majorité des ouvriers ! C’est le capital qui organise la division et la mise en concurrence de tous contre tous.

C’est dans l’intérêt de tous les salariés de combattre ces politiques de division : les grandes luttes, les grèves de travailleurs et travailleuses sans papiers pour leur régularisation l’avaient déjà mis en lumière et y avaient contribué. Il faut s’en inspirer.

(*) Des exécutifs des départements suivants ont mis en place cette clause : Charente, Nord, Vendée, Haut Rhin, et plusieurs régions : Pays de Loire, Hauts de France, Normandie, Centre Val de Loire.