Brésil : Les fascistes battus aux élections municipales

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Nous publions l’article par dans le journal A Verdade su Parti Communiste Révolutionnaire, du Brésil

Luiz Falcão

Le résultat des élections municipales a révélé un rejet massif par le peuple brésilien du gouvernement militaire du capitaine Jair Bolsonaro et de sa politique économique de baisse des salaires et en faveur des banquiers, de sa gestion calamiteuse de la crise du Covid-19 et son total asservissement au milliardaire ex-président des USA, Donal Trump.

Les faits : sur un total de 59 candidats soutenus publiquement par le fasciste pendant ses sessions vidéo en « live » réalisées au Palais du Planalto ([1]), dans un acte évident d’utilisation des ressources publiques à son profit dans cette élection, seuls quatre ont été élus. A São Paulo, son candidat Celso Russomanno (Républicains) est arrivé quatrième position avec 10,5% des voix. À Rio de Janeiro, Crivella (Républicains) a perdu son poste et n’a pas été réélu. Carlos Bolsonaro (Républicains), deuxième fils et chef du cabinet de la haine, bien qu’ayant fait une campagne utilisant des millions de Réais, n’a obtenu que de 35000 voix et a vu Tarcísio Motta (PSOL), l’un des leaders du mouvement « Qui a ordonné la mort de Marielle? ([2]) » élu, avec 86 243 voix, soit le nombre le plus élevé de tous les candidats.

Son ex-femme, Rogéria Bolsonaro, n’a obtenu que 2000 voix, moins que la militante de l’UJR ([3]) Giovanna Almeida (UP), qui a obtenu 2488 voix. A Belo Horizonte, Bruno Engler (PRTB) s’est fait balayer et n’est même pas pu se présenter au deuxième tour. A Recife, sa candidate, la déléguée Patrícia (Podemos), après s’être rendue à Brasilia et avoir participée à un « live » avec l’ex-capitaine, est tombée à la quatrième place … A Fortaleza, le capitaine Wagner, après s’être présenté comme le candidat de Bolsonaro, a perdu le soutien de la population et, au second tour, il n’est pas passé…

Malgré toutes ces évidences, les fascistes et les corrompus du gouvernement tentent de nier la défaite retentissante du gouvernement en propageant de fausses informations selon lesquelles les élections auraient été truquées. De leurs côtés, les grands médias bourgeois et leurs commentateurs achetés pour faire des analyses dans l’intérêt de la classe dirigeante, ont mis en avant la conquête des préfectures par les partis de la droite conservatrice, qu’ils qualifient de centriste, passant sous silence les millions de Réais que ces partis ont dépensés aux élections.

En plus du faible score que les candidats fascistes ont obtenu, les élections municipales ont montré une augmentation importante du vote à gauche.

À São Paulo, la liste Boulos-Erundina du PSOL a battu le candidat de Bolsonaro au premier tour et a atteint 40,6% des voix. A Belém, Edmilson Rodrigues (PSOL) a été élu maire. A Belo Horizonte, le binôme d’Áurea Carolina (PSOL) et Leonardo Péricles (UP) a obtenu le plus de voix parmi les candidats de gauche dans la capitale du Minas Gerais.

A Noter également, l’augmentation des divisions PCdoB ([4]). À Recife, le PCdoB a conclu une alliance avec le candidat João Campos (PSB), mais son député d’État, João Paulo, a soutenu Marília Arraes (PT). À São Luís (Etat du Mato Groeso), le gouverneur Flávio Dino (PCdoB) a fait campagne pour Duarte Júnior, du parti « Républicains», parti de Crivella et Russomano.

Le PT continue à perdre des mairies. En 2012, 630 maires étaient élus; en 2016, 256; en 2020, 183; mais le PT est allé au deuxième tour dans deux capitales Recife (PE- Pernambouc) et Vitória (Espírito Santo – ES) et a remporté les mairies de Contagem et Juiz de Fora (en Minas Gerais – MG), Diadema et Mauá (en São Paulo – SP).

La UP (Union Populaire) et l’agitation révolutionnaire

Après une campagne dynamique et intense qui a duré deux ans et le recueil d’un million 200 000 signatures pour sa légalisation, l’Unité Populaire (UP) s’est présentée pour la première fois aux élections. La légalisation de l’UP n’a pas été une petite victoire, car, à ce jour, Bolsonaro et ses partisans, même avec le soutien des forces armées, de riches capitalistes, n’ont pas été en mesure de légaliser le parti Alliance pour le Brésil, malgré les deux années d’occupation du pouvoir.

Lors de cette première participation, l’UP a lancé 15 candidatures de maires et 99 conseillers municipaux. Sans temps d’audience à la télévision et à la radio, l’UP a obtenu un total de 16 960 voix pour les têtes de liste (maires) et 32 056 pour les conseillers municipaux; il devance donc le PCO (4 546) et le PCB (2 416). Le PSTU (parti socialiste des travailleurs) a obtenu 33 053 votes pour les maires et 20 343 pour les conseillers.

Le fait que ces partis soient légalisés depuis plus de trois décennies et que l’UP est un parti de travailleuses, de travailleurs, de chômeurs, qui n’a pas eu de publicité télévisée et radiophonique, ne bénéficie d’aucun financement et n’a eu qu’une somme dérisoire en termes de fonds électoraux, est à prendre en considération.

Mais le plus grand obstacle pour l’UP lors de ces élections a été, sans aucun doute, les limitations imposées par la pandémie de Covid-19, qui a déjà tué plus de 175 000 Brésiliens. En effet, la pandémie a imposé plusieurs restrictions à notre agitation et à notre propagande: les mesures de distanciation sociale, les mesures pour éviter les rassemblements et le contact entre individus, en particulier les personnes à risque, ont créé des difficultés pour aller au dialogue avec les familles, chez elles. De plus, les annulations des cours dans les universités et les écoles, a fortement limité l’agitation politique, principal travail des communistes pour obtenir les votes. Cela a favorisé les candidats des partis de la classe des riches. En fait, aucun parti n’a été plus touché par les restrictions liées à la pandémie que l’Unité Populaire. Il ne faut pas non plus oublier que la grande majorité des partis qui ont remportés les mairies, en plus de la publicité à la télévision et à la radio accédant aux foyers, ont dépensé des millions de Reais mis à leur disposition par le financement des partis et par le fond électoral, en plus des torrents d’argent versés par la bourgeoisie, comme le montrent les innombrables publicités payantes sur YouTube, Instagram et WhatsApp. Une enquête menée par le site d’information G1, à partir des données du Tribunal électoral supérieur (TSE), a révélé que sur les 5 400 maires élus au premier tour des élections municipales, 1158 sont millionnaires. Ainsi, un élu sur cinq à des mairies a déclaré un patrimoine supérieur ou égal à 1 million de Reais. 35 maires élus ont déclaré aux impôts plus de 20 millions de Reais; 81 élus ont déclaré plus de 10 millions de Rais et sept plus de 100 millions de R (https://g1.globo.com). C’est cela, la véritable fraude aux élections dans une démocratie bourgeoise.

Défense de la révolution et du socialisme

Nous rappelons la position sur les élections donnée par le IIIe Congrès de l’Internationale Communiste: «la campagne électorale doit être menée non pas dans le sens d’obtenir le plus grand nombre possible de représentations parlementaires, mais de mobiliser les masses autour des mots ordre de la révolution prolétarienne ». En d’autres termes, notre objectif principal dans les élections est d’élever la conscience et l’organisation des masses, c’est d’œuvrer pour surmonter les illusions de la démocratie bourgeoise et de propager que seule une révolution qui mettra fin au capitalisme rendra possible la fin du chômage, de la faim, du racisme, des féminicides et de l’exploitation.

Avoir un parti légal au Brésil qui fait ce travail d’agitation parmi les masses, qui dénonce le caractère fasciste du gouvernement et ses crimes, au lieu de répandre des illusions ou de faire des alliances qui renforcent la domination de la classe dirigeante, c’est déjà une grande victoire. Comme l’écrivait Lénine, il ne suffit pas d’avoir une tactique qui utilise correctement les élections, il est nécessaire d’appliquer une politique pour élever et non rabaisser le niveau général de conscience et la capacité de combat des masses. (voir « Le Gauchisme, la maladie infantile du communisme »). C’est pourquoi, il est essentiel de saluer tous les camarades qui, surmontant les difficultés et les obstacles de la pandémie, le manque de ressources, et pour beaucoup sans moyen d’être véhiculé pour parcourir de longs trajets, et avec très peu de matériel de campagne, sont descendus dans les rues, équipés de masques et de gel hydro alcoolique, pour présenter le programme révolutionnaire de la UP, pour vaincre le virus du fascisme, démasquer la «municipalisation» et montrer la nécessité d’une révolution populaire, sans oublier les centaines de brigades du journal « A Verdade ».

À Belém do Pará, par exemple, pendant la campagne électorale, les militants de l’UP ont vendu 850 journaux. De cette manière, sans renoncer à nos principes, ils ont remporté honorablement des milliers de voix qui sont une véritable déclaration en faveur du pouvoir populaire et du communisme. Il est clair que les faux socialistes, qui ont depuis longtemps renoncé à se battre pour une révolution, feront tout pour sous-estimer notre travail; après tout, ils adoreraient nous emmener dans le marécage dans lequel ils se trouvent. En d’autres termes, le travail de l’UP n’est pas et ne peut pas être évalué de la même manière que celui des partis sociaux-démocrates de gauche qui sont devenus esclaves de l’électoralisme bourgeois et qui voient dans l’élection la solution à tous les problèmes de la société. C’est plutôt l’inverse. Quiconque aspire à une véritable transformation de la société doit utiliser tous les moyens légaux pour hisser l’étendard de la révolution et faire comprendre que la véritable cause de la pauvreté c’est un système économique qui enrichit une minorité en s’appuyant sur l’exploitation des travailleurs.

De plus, l’expérience récente de la social-démocratie créant des alliances avec la grande bourgeoisie nationale pour atteindre le gouvernement et, en contrepartie, maintenir les privilèges de la classe riche, montre qu’en plus de bureaucratiser ses partis, elle leur a fait perdre la confiance des masses, des opprimés et des exploités. Or, perdre la confiance des masses en échange d’un petit siège au parlement, en plus de la trahison qu’elle signifie, est une erreur qui empêche un parti de croître et d’être l’avant-garde de la révolution.

En résumé, nous avons remporté des votes libres et conscients grâce à un travail honorable dans une guerre du sou contre le million.

Améliorer le travail en direction des masses.

Rien de tout cela, cependant, ne remet en cause la nécessité d’approfondir l’autocritique afin d’améliorer et de faire progresser le travail avec les masses populaires, en particulier avec les travailleurs. En effet, si le nombre de votes a été fortement affecté par la fermeture des écoles et des universités et les restrictions due à la pandémie, il révèle qu’il est en décalage avec le nombre de syndicats, d’associations de quartier et de collectifs que nous avons dans les entreprises, quartiers et bidonvilles. Par conséquent, plus de travail et de détermination sont nécessaires pour surmonter ce retard et conduire de plus en plus de luttes, pour recruter davantage, pour optimiser les quelques ressources que nous avons, pour concentrer les forces et d’éviter la dispersion. Le plus important est de savoir que dans la prochaine période, il sera nécessaire de faire progresser les luttes ouvrières et populaires et de surmonter la confusion politique et idéologique de ces dernières années.

Chaque jour, de plus en plus de secteurs de la population prennent conscience de l’incapacité du gouvernement de l’ex-capitaine et des généraux fascistes à résoudre les problèmes du pays et qu’il s’agit d’un gouvernement corrompu ennemi des travailleurs et des pauvres. Le chômage augmente et des millions de Brésiliens se retrouvent sans salaire et incapables d’acheter de la nourriture pour leurs enfants ou de payer un loyer. Aujourd’hui, le taux de chômage est de 14,6% et pourrait atteindre 20% en janvier, avec les licenciements qui auront lieu en décembre. Ainsi, le pays comptera environ 30 millions de Brésiliens à la recherche d’une place sur le marché du travail au début de l’année 2021. La faim augmente dans toutes les villes et l’inflation et la flambée des prix réduisent les salaires.

Les chiffres de l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE) indiquent que plus de 13,7 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté extrême, c’est-à-dire qu’elles survivent avec 151 Rais par mois et 52 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec 436 Rais par mois. Il y a 80 millions de Brésiliens, adultes et enfants, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et d’extrême pauvreté. C’est le résultat d’un régime qui profite à une minorité de milliardaires et au gouvernement militaire actuel. La faim, le chômage, la mort, la destruction du Système Unique de Santé (SUS) et de l’éducation publique, l’expulsion de milliers de familles, la destruction des forêts, le racisme, le viol et la violence contre les femmes, voilà ce que la bourgeoisie et le système capitaliste dépassé ont à offrir au peuple brésilien.

Un exemple: le 25 novembre, 41 travailleurs de l’usine textile Status Jeans, située dans la ville d’Itajaí, à l’intérieur de São Paulo, ont perdu la vie en raison d’une absence totale de sécurité dans le bus dans lequel ils étaient transportés. L’entreprise profite de la sueur et du travail des travailleurs, mais refuse de fournir un transport sûr.

Pire, les gouvernements collectent des milliards d’impôts payés par le peuple, mais ils allouent presque tout cet argent pour payer les intérêts aux banquiers et laisser les pauvres et leurs enfants sans ressources. Pour toutes ces raisons, les exploités et les opprimés se dressent contre ce système et ce gouvernement. La répression, comme toujours, sera le moyen utilisé par la grande bourgeoisie pour maintenir ses privilèges et empêcher les travailleurs et les peuples de se battre et de gagner leurs droits. Mais il n’est pas possible d’arrêter la force d’un peuple organisé. L’UP est un parti qui croit à l’union et à l’organisation des masses ouvrières, à l’avancée de leur conscience; il doit donc continuer à œuvrer pour une solution révolutionnaire à la grave crise économique, politique et environnementale que le capitalisme impose au Brésil et au monde.

Une année 2021 d’organisation, de luttes et de victoires!

Lula Falcão, membre du Comité Central du Parti Communiste Révolutionnaire et direteur de redaction de A Verdade).

Traduit par nos soins


[1] Le Panalto est le siège du gouvernement à Brasilia

[2] Marielle Franco a été assassinée le 14 mars 2018 à Rio. Militante LGTB et défenses intransigeant des droits démocratiques, elle était élue municipale du Parti soicaliste et liberté PSOL.

[3] Union de la jeunesse révolutionnaire, liée au Parti Communiste Révolutionnaire – PCR – qui a soutenu les liste de l’UP.

[4] Le PCdoB (Parti communiste du Brésil) est devenu un parti social-démocrate.