En direct de Tunisie : les mobilisations contre la politique d’austérité de la coalition au pouvoie

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Nous reproduisons les informations transmises par le Parti des Travailleurs de Tunisie

 

« Qu’attendons-nous ? », nouvelle campagne de refus des politiques d’austérité de la coalition au pouvoir

 

L’annonce de l’entrée en vigueur de quelques mesures prévues par la loi des finances qui venait d’être adoptée par le parlement tunisien à majorité réactionnaire a déclenché une vague de protestation dans tout le pays.

Avant même sa présentation au parlement et alors qu’elle se discutait à huis-clos dans les commissions spécialisées, le Front Populaire, à qui revenait constitutionnellement la présidence de la Commission des Finances, a mis en garde publiquement contre les mesures antipopulaires qu’elle contenait et qui n’avaient de but que de faire porter le fardeau de la crise aux classes populaires. Dès le mois de novembre, par la distribution massive de tracts et la tenue de réunions et meetings partout dans le pays, les dirigeants du Front alertaient les travailleurs et les plus démunis sur les jours difficiles à venir.

Tout le long du mois de décembre, à l’occasion des débats sur le nouveau budget de l’Etat, le bloc parlementaire du Front a été très entreprenant, multipliant les interventions à l’intérieur comme à l’extérieur du parlement pour dénoncer ce qui se tramait contre le peuple. Mais cela n’a pas empêché l’alliance réactionnaire au pouvoir, forte d’une large majorité, de faire adopter le 31 décembre 2017 le nouveau budget et la nouvelle loi des finances.

Le lendemain, les premières augmentations de prix sont annoncées. Le Parti des Travailleurs publia sa première prise de position, considérant que le gouvernement venait de déclarer la guerre au peuple. Et depuis les prises de position refusant les nouvelles mesures gouvernementales se succèdent. Elles émanaient non seulement du Front populaire et de ses différentes composantes, mais aussi d’un certain nombre de partis politiques et d’organisations de la société civile.

Le 3 janvier au matin, les murs de la capitale et des grandes villes étaient couverts d’un même slogan « Qu’attendons-nous ? », écrit durant la nuit par des centaines de jeunes annonçant le début d’une campagne de protestation baptisée du même nom. Dans la journée, les premiers rassemblements de jeunes se tiennent à la même heure dans plusieurs villes du pays pour expliquer les objectifs de la campagne.

Ils expliquent que cette campagne a été décidée par une jeunesse révolutionnaire qui a perdu toute confiance dans les instances du pouvoir et dans les promesses pompeuses débitées lors des échéances électorales ; et que si elle vient juste à la suite de l’augmentation des prix des matières de base, elle s’organise autour de revendications plus larges :

  • une réduction des prix des produits de base,
  • une couverture sociale et sanitaire pour les chômeurs,
  • l’augmentation des subventions accordées aux familles nécessiteuses,
  • l’embauche immédiate d’un membre au moins de chacune de ces familles et l’octroi de logements sociaux pour les plus démunis,
  • l’élaboration d’un plan national de lutte contre la corruption,
  • la cessation de la privatisation des institutions publiques,
  • et l’élaboration d’une politique fiscale plus juste, et dans l’immédiat, la suspension de l’application de la nouvelle loi des finances jusqu’à ce qu’une alternative qui tiendrait compte des intérêts des classes populaires soit trouvée.

 

Aussitôt lancée, la campagne a été favorablement accueillie par des franges de plus en plus grandes de jeunes et de moins jeunes. Aujourd’hui elle prend de l’ampleur et attire de nouvelles catégories sociales, à savoir tous ceux qui se sentent lésés non seulement par les dernières mesures gouvernementales, mais par toutes les politiques antipopulaires menées depuis sept ans par les gouvernements successifs au profit d’une bourgeoisie compradore dont le seul objectif est de mettre fin à ce processus révolutionnaire entamé en 2011.

 

La violence de la réaction des autorités

Mais ce qui va attiser davantage la protestation, c’est la réaction des autorités qui ont riposté par la seule violence policière dans l’espoir de tuer dans l’œuf ce mouvement. Dans les faubourgs de la capitale, des attaques nocturnes sont organisées contre les postes de police, contre les patrouilles anti-émeutes, mais aussi contre les grands magasins et les agences bancaires. Les affrontements ont même causé la mort d’un jeune homme percuté par un véhicule de police, dans la ville de Tébourba (banlieue ouest de la capitale). Plus d’un millier de jeunes ont été interpelés et une série de procès est en cours de préparation.

Le Parti des Travailleurs ainsi que le Front Populaire n’ont pas caché leur soutien à ce mouvement de protestation ; au contraire, leurs dirigeants ont multiplié les appels à l’adresse du peuple pour qu’il investisse la rue et s’exprime contre la politique ultralibérale menée par la coalition au pouvoir qui veut lui faire porter à lui seul les conséquences d’une gestion chaotique des affaires du pays. La manifestation organisée par le Front populaire le 14 janvier en plein centre-ville de la capitale a regroupé quelques milliers de citoyens ; d’autres forces y ont pris part dont les activistes de la campagne « qu’attendons-nous ? ». Des mouvements similaires ont été organisés dans les principales villes du pays (Sousse, Sfax, Gafsa, Sidi Bouzid, Kasserine, Bizerte… 16 villes au total, au nord comme au sud).

Une campagne de diabolisation du Front et de ses dirigeants est organisée à travers les médias à la solde du gouvernement (comme au bon vieux temps). Dans la prêche du vendredi 12 janvier, dans les cinq milles mosquées parsemées dans tout le pays, l’ordre a été donné aux « imams » de dénoncer le Front populaire et de le considérer comme fauteur de troubles ; certains propos frôlaient l’incitation au crime. La réponse ne s’est pas fait attendre. Le local du Parti des Travailleurs dans le village de Aroussa (nord ouest du pays), village natal de Hamma Hammami, a été incendié le soir même.

En contrepartie, une large coalition de forces politiques et sociale a vu le jour autour du front populaire et elle s’est fixée pour objectif immédiat : la suspension de l’application de la loi des finances, en vue de la réviser. Si ça aboutit, cela marquera la fin de ce gouvernement, et le début d’une nouvelle étape de lutte.