Espagne : sur la motion de censure

Communiqué collectif sur le succès des marées populaires du 26 Mai
30 mai 2018
Avignon : occupation d’un bureau de poste
6 juin 2018

La situation en Italie est suivie de près par les responsables de l’UE qui veulent imposer « leur » gouvernement, totalement acquis à la politique néolibérale. La Forge de juin, qui sortira dans quelques jours donnera la position de nos camarades d’Italie.

La situation en Espagne est tout aussi chaotique, avec un gouvernement Rajoy sur la sellette, suite à la condamnation du Parti Populaire pour avoir « participé à titre lucratif au scandale de corruption Gürtel, qui rappelle l’affaire Odebrecht en Amérique latine.

le PSOE a déposé une motion de défiance qui, si elle est votée, devrait lui permettre de faire élire au poste de chef de gouvernement son secrétaire général.

Podemos, qui sort d’une mini crise interne provoquée par la polémique sur la luxueuse villa de son dirigeant et de sa compagne, a apporté son soutien conditionnel au PSOE.

Cuidadanos, parti de droite nationaliste, qui a les faveurs de Valls, préfère passer par des élections anticipées, qu’il espère gagner.

Nous reproduisons la prise de position de nos camarades du Parti Communiste d’Espagne (marxiste-léniniste) et de la JCE (ml) sur les enjeux de cette motion de défiance et qui trace la voie pour une véritable rupture avec le régime monarchique corrompu, au service de l’oligarchie.

Sur la motion de censure

Le jugement de l’affaire Gürtel1 a montré que la corruption éclabousse toute la structure du PP et, de ce fait, également le Gouvernement central et son Président. Cela a déclenché une crise que les principaux partis du Parlement essaient de résoudre en avançant des élections ou en déposant une motion de censure.

Il ne fait aucun doute que la chute du gouvernement du PP serait une grande nouvelle pour la classe travailleuse et les peuples d’Espagne. C’est un gouvernement qui représente une caste de profiteurs politiques qui s’est mis en place avec l’aide active ou bien le silence d’autres forces bourgeoises, sans oublier la brutale politique de régression sociale, du droit du travail et de restrictions politiques qui ont porté gravement atteinte aux intérêts de la majorité des travailleurs.

Ceci dit, nous devons dénoncer le fait qu’il existe pratiquement une unanimité entres les forces politiques qui vont engager les initiatives parlementaires pour passer sous silence le fait que ce scandale s’inscrit dans l’une de plus longue série d’affaires qui prouvent l’impunité avec laquelle agit le bloc politique qui contrôle les rouages de l’État monarchique, qui achète les consciences et qui coopte les dirigeants chargés d’appliquer la politique profitant à une minorité exploiteuse. Il s’agit de ce un pour cent qui, à lui seul, accapare la même richesse que les 70% de la population et qui utilise l’État pour garantir sa domination et la rentabilité de ses affaires.

C’est toute la structure du régime monarchique qui est corrompue jusqu’à la moelle, depuis la tête de ce régime – un Roi non élu, qui tire sa « légitimé » du franquisme – jusqu’au système électoral, le pouvoir judiciaire, intimement lié à l’Exécutif qui fait la promotion des juges dociles, ou bien les réduit au silence, jusqu’à son appareil de manipulation et de propagande.

Il y a longtemps (voir notre Rapport au Comité Central de mars 2018) qu’il est évident que Ciudadanos – une obscure force politique qui joue dangereusement avec beaucoup des nombreuses ambiguïtés rhétoriques du populisme fasciste et qui défend des positions, sur de nombreux sujets, encore plus réactionnaires que le gouvernement Rajoy – est une force que veulent faire monter au gouvernement ceux qui appuyèrent, en leur temps, Felipe Gonzalez2, Aznar3 et le même Rajoy qu’ils rejettent aujourd’hui.

On ne peut pas comprendre autrement le fait qu’une partie importante des dernières accusations de corruption – qui ont provoqué par exemple la démission de la Présidente de la Communauté de Madrid4 – viennent précisément de personnages et de secteurs de communication les plus réactionnaires du PP. Comment ne pas penser que ces cas et bien d’autres étaient déjà connus et qu’ils n’ont été rendus publics qu’aujourd’hui, quand le risque de perdre le contrôle de la situation est suffisamment faible pour permettre un lifting et continuer la même politique antipopulaire, sans le danger de la radicalisation et de la politisation du mouvement populaire ?

Il est évident qu’un parti comme le PP, plein de corrompus, ne peut pas diriger le gouvernement ; nous insistons sur le fait que cette chute serait un motif de joie pour tous. Mais notre Parti appelle à démasquer le cynisme de la droite politique et de ses moyens de propagande, de Ciudadanos et de toutes les forces qui ont soutenu et nourri ce régime (« par responsabilité politique », cela a toujours été leur excuse) ; ceux qui ont protégé il y a quatre ans Juan Carlos en le nommant Roi Émérite afin d’éviter une possible enquête sur les nombreux cas de corruption auxquels il était lié ; ceux qui, au sein de la gauche institutionnelle, ont détourné le regard en refusant de dénoncer cette décision corrompue en alléguant que ça n’était pas une priorité ; ceux qui acceptent le vol « légal », par l’Église Catholique, du patrimoine historique par le biais de l’immatriculation de milliers d’immeubles ; ceux qui garantissent tous les types d’avantages fiscaux aux grandes entreprises et entités financières, ou qui paient à la charge de l’État les aventures entrepreneuriales d’une poignée de gens malhonnêtes qui alimentent leurs comptes à coup de subventions, d’exemptions fiscales et de tous types de prébendes, sans parler de la surexploitation légalement autorisée de millions de travailleurs et de travailleuses.

Si, finalement, le gouvernement PP tombe, si ceux qui l’ont appuyé jusqu’aujourd’hui (il y a quelques jours à peine, le PNV et Ciudadanos lui donnaient leur vote pour le Budget Général de l’État, malgré son caractère antisocial) lui refusent leur soutien, il est clair qu’ils le font seulement pour cacher la pourriture de tout le régime et pour tenter une « deuxième transition » qui clôturerait la période d’instabilité qu’ils sont en train de vivre, en confortant les éléments les plus réactionnaires de la Constitution de 1978.

Ce ne sont pas les solutions techniques, telles que la mise en œuvre d’une motion de censure ou bien des élections anticipées qui peuvent inverser le processus de constante dégradation démocratique et les attaques contre les droits sociaux et politique de la majorité travailleuse. Nous ne pourrons y faire front qu’en répondant, unis, avec la fermeté et la clarté politique que la situation exige, au régime monarchique réactionnaire et illégitime pour qui la corruption est consubstantielle. Faute de cela, avec un système politique et électoral aussi pourri, la conclusion finale de cette crise serait la substitution du PP par une force elle aussi réactionnaire.

Quoi qu’il arrive dans les prochains jours, le PCE (m-l) appelle toutes les forces de gauche à travailler activement pour l’Unité Populaire et pour la République. Seule la rupture définitive avec la continuité monarchique, incapable de satisfaire les aspirations de la majorité, qui a maintenu un État lié à la caste entrepreneuriale et politique imposée en son temps par le franquisme, peut ouvrir une possibilité d’avancer dans la lutte pour la véritable démocratie et libérer les forces sociales pour l’instaurer.

28 mai 2018

1 Affaire politico-financière qui implique un réseau de corruption lié au PP (Parti Populaire – principal parti de droite) dont le leader, Mariano Rajoy, est leader du PP depuis 2003 et aujourd’hui Chef du gouvernement depuis 2011.

2 Historique leader du PSOE d’après le franquisme, Président du gouvernement de 1982 à 1996.

3 Ex-leader de droite, ancien président du PP et Président du Gouvernement de 1966 à 2004.

4 Cristina Cifuentes, membre du PP. Elue en 2015 à la Présidence de la Communauté de Madrid avec l’appui de Ciudadanos. Elle démissionne en avril 2018 suite à des accusations de corruption.