Le point de vue d’un militant anti raciste mahorais

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Nous publions, à sa demande, un article d’un lecteur vivant à Mayotte, auquel nous envoyons notre journal. Nous avons voulu faire connaître son point de vue de militant anti raciste, qui se bat courageusement contre le harcèlement dont sont victimes les Comoriens qui vivent à Mayotte, surtout les milliers de jeunes abandonnés dans la plus grande précarité.

Il y a dix ans que vous m’envoyez toujours gratuitement au nom de l’association des droits de l’homme à Mayotte votre journal « La Forge » que j’ai toujours apprécié. Devenu Président de la Ligue des droits de l’homme section de Mayotte depuis 2014, j’ai toujours combattu avec sacrifices les injustices que subissent en particulier les Comoriens assimilés à des immigrés. En mai et juin 2016 j’ai supporté avec des bénévoles la charge de nourrir et de protéger 600 personnes chassés par les Mahorais de leur domicile sous le regard des militaires français. Deux ans plus tard, nous voici avec la même crise. Actuellement près de 100 personnes mineurs et adultes sont retenus il y a plus de 2 semaines dans le centre de retentions et dans les brigades de gendarmerie.

Je vous remets cet article en vue de le publier, en qualité de citoyen Mahorais.

ASSANY Mfoungoulie.

ex-president de la LDH Mayotte

 

Le Gouvernement Comorien va-t’il encore une fois se prosterner face à l’impérialisme?

Depuis le début de cette énième «chasse à l’étranger» à Mayotte, le gouvernement des Comores néo-colonisées manifeste un semblant de patriotisme en refusant de recevoir ses ressortissants «expulsés» de Mayotte par certains Mahorais sous l’encadrement des militaires Français.

Aujourd’hui, au regard de ce semblant de protestation de la part de ce gouvernement, on se demande dans quelle mesure la France et ses militaires se retrouvent-ils coincés entre le respect de la volonté de certains Mahorais incitateurs à la haine (acteurs des expulsions) et le semblant d’insoumission que je qualifierai de temporaire de l’actuelle gouvernement Comorien?

Face à cette situation du moment, nous avons fait un droit de retrait car en luttant pour le respect des droits des 600 personnes chassées de leur domiciles dans le Sud de Mayotte il y a deux ans de cela, les gouvernements Français et Comorien n’ont pas compris que nous «Humanitaires» faisions le travail à leur place. Je rappelle qu’en mai-juin 2016, avec le soutien de certains compatriotes bénévoles, nous avons mené une action d’assistance aux expulsés et leurs enfants, ainsi qu’une lutte de résistance sur la Place de la République avec succès, tant contre les autorités françaises et Mahoraises que contre la presse locale qui se forçait à camoufler ou à détourner l’information.

Actuellement, un mouvement qui, au départ, se disait contre l’insécurité, qui concerne d’ailleurs tous les habitants du Territoire de Mayotte, organisé au départ par les professeurs des lycées et collèges, s’est vu rapidement transformé en mouvement contre les étrangers (les Comoriens) : d’où l’envahissement de la Préfecture par les collectifs et syndicats pour interdire l’octroi des titres de séjours aux étrangers. Ainsi toute la population étrangère résidant à Mayotte et les Mzungu (nom donné aux Blancs en dialectes Comorien) en particulier, se sont retirés du mouvement qui a pris un autre aspect, une autre forme et une autre conjoncture.

Pour les leaders du mouvement, la délinquance est forcement liée à l’immigration «clandestine». Plus ou moins vrai, mais cette argumentation mérite réflexion.

Le 1er mai 2002, j’ai tenu un discours public sur la Rocade de Mamoudzou lors d’une marche pour la fête du travail et contre le candidat à la Présidence, Monsieur le Pen, en attirant l’attention sur les mineurs qui fouillaient les poubelles et vendeurs des brèdes tout au long des routes. J’ai bien insisté que la politique des expulsions menée par la France, expulsant les deux parents en abandonnant leurs enfants, fabriquerait plus tard de vraies bombes à retardement. Les besoins de ces enfants allaient évoluer et conduiraient à des vols et des agressions. Plus tard, Mayotte serait invivable ai-je bien précisé. A cela se rajoute le manque de moyens donnés à la justice et aux collectivités de construire des maisons d’insertion et de rééducation de ses enfants isolés. Le visa Balladur «Fait du prince car sans aucune base législative», empêchant la libre circulation des personnes et des biens, et engendrant ces pratiques d’expulsions sauvages, n’a fait qu’accentuer le phénomène de l’immigration clandestine à récidive aux risques des drames en mer. En effet, une grande partie des expulsés retentent à plusieurs reprises de rentrer sur le territoire. Aujourd’hui on se retrouve avec 3 000 à 6 000 mineurs isolés étrangers selon le rapport de L’Insee de 2017. A noter que la moitié des 41% de la population dite étrangère est en situation administrative régulière.

Parmi les revendications du Collectif et des Syndicats figure l’Abolition du droit du sol pour empêcher aux enfants étrangers de devenir un jour des enfants Français. Regrettable que des avocats comme le Député Mansour Kamardine, et Marine le Pen en tête de file ne sachent même pas que ce fameux droit de sol n’existe plus en France métropolitaine et dans les Dom-Tom. Ils ignorent que l’acquisition de la nationalité française n’est pas automatique : il y a des conditions de naissance et de résidence très précises, comme par exemple le fait qu’à 16 ans, l’adolescent puisse réclamer seul la nationalité française s’il a vécu en France (de façon continue ou discontinue) pendant au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans. Le caractère automatique de l’acquisition de nationalité pour un enfant né en France de parents étrangers avait été abrogé en 1993, sous le gouvernement Balladur celui qui a envoyé balader ou mourir les Comoriens dans les océans (estimés à plus de 14 600 morts et/ou disparus). Mais cette loi a été supprimée par le gouvernement Jospin en 1998 avant qu’un courant de l’UMP (La Droite Forte) ne propose de la rétablir en 2010. À Mayotte, 58 % des enfants nés en 2016 ont au moins un parent français (Insee). Reconnaissance de complaisance ou légale, le droit c’est le droit.

On répète souvent que la maternité de Mamoudzou est la plus grande de France. Normal car nous avons une seule maternité dans une île de 256 518 habitants (chiffre 2017). Il n’y a qu’une seule maternité à Mayotte et les autres Maternités annexes (de Dzaoudzi, Dzoumogné, Kahani et Mramadoudou) servent de lieux de transfert mais n’ont pas les mêmes équipements que la Maternité du chef lieu.

Plus d’un adulte sur deux vivant à Mayotte, n’y est pas né et l’ironie est que ceux là mêmes qui luttent en avant garde contre les nouveaux arrivants ont au moins l’un des parents ou grands parents venus de la partie soit disant indépendante. Ces «venants» d’hier osent dire que, je cite: «je n’ai pas demandé à ce qu’ils viennent éjaculer leur sperme ici à Mayotte.» C’est peu dire l’expression de la haine contre l’autre Pourquoi donc migrer ailleurs quand tout va bien chez soi?

Voici un bilan de l’émigration des natifs de Mayotte :

« En 2012, 26% des natifs de Mayotte résident en France métropolitaine et principalement à La Réunion. (25 %), des jeunes Mahorais des moins de 25 ans résident hors de Mayotte. Ainsi les Mahorais eux aussi émigrent massivement vers d’autres pays, ou lieu géographiquement éloigné de leur île d’origine.

Tourner le dos à son Eldorado de naissance n’est pas aussi étonnant car : Le journal My French City publiait qu’aux USA, ils seraient plus de 150 000 Français vivant dans la clandestinité et surtout dans la peur quotidienne des services migratoires et ce, afin de vivre le rêve Américain. La seule ville de New-York concentrait 10 000 clandestins français en 2013 ce qui représente 2% des clandestins donc des travailleurs illégaux vivant dans cette ville avec une fois attrapés, l’expulsion assortie d’une interdiction de rentrer aux USA durant 10 ans. Si on parle de clandestins, cela veut dire qu’ils sont sans papiers. Eux, ont eu certes la facilité de pouvoir rentrer avec un visa touristique de 6 mois mais se refusent de rentrer chez eux dans le paradis de la France métropolitaine d’où ils sont originaires. Ce n’est pas le cas du citoyen des trois îles voisines voulant se rendre à Mayotte.

Ces Français devenus experts ou maîtres dans l’art du camouflage, dans le pays de l’Oncle Sam ces français se dotent de faux papiers américains pour pouvoir y travailler. Vivant dans une situation précaire car ils ne bénéficient pas de carte de sécurité sociale, indispensable pour avoir un travail légal ou obtenir une carte de crédit, ils n’ont nullement accès à l’assurance maladie. Ils se trouvent ainsi dans l’impossibilité de quitter le territoire américain, quelle que soit la raison qui les y pousse. Le moyen de se faire régulariser est le mariage avec un ou une citoyen(ne) américain(e). Donc les Comoriens ne sont pas les premiers champions des mariages en blancs, n’en déplaise à certains. Selon le journal «Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le mariage blanc est un véritable business informel». Dans certains états aux USA, il peut se monnayer 15 000 dollars, en échange de quoi, le citoyen américain s’engage à ne pas demander le divorce avant la période réglementaire des deux ans pour obtenir une green card, à déclarer conjointement ses impôts et à ouvrir un compte commun. Des pré-requis qui tournent bien souvent à l’échec d’une union factice, puisque les services d’immigration ont l’art et la manière de les traquer ».

Si l’immigration demeure l’un des fléaux qui rongent nos sociétés, c’est tant à cause des problématiques politico-économiques des sociétés d’origine, qu’à cause de la mauvaise intégration des immigrés dans leur société d’accueil. En outre, elle ne peut qu’être positive à certains égards car un philosophe contemporain français disait que «le français est l’étranger venu en France auparavant ». Donc il est essentiel de cultiver le bon vivre, plutôt que la haine de l’autre, au point que certains aient peur que les autres prennent leurs places dans les lits d’hôpitaux qui devraient leur être réservés.

Mais pour certains ne serait il pas préférable de manifester afin d’obtenir la nomination de notre député Mansour comme Ministre de l’intérieur et Marine le Pen comme Préfet de Mayotte? Car nous (Mahorais) avons chassé le Préfet Thomas Degos lors du mouvement contre la vie chère en 2011, Jacques Witkowski qui lui a succédé n’a fait qu’un an et 6 mois, puis nous avons encore chassé Seymour Morsy en mai 2016 lors du mouvement pour la chasse aux étrangers. Ensuite, en ce mai 2016, nous avons ramené avec les honneurs Frédéric Veau comme l’homme de la situation, celui qui allait nous débarrasser de ces «impurs» Comoriens. Presque 2 ans plus tard nous avons réclamé son départ pour incompétence, refusé les propositions de la Ministre et malmené notre Sénateur, 3ème personnalité de l’État. Par contre nous acceptons la mandature d’un préfet et d’un officier de Gendarmerie lesquels, administrativement sont des subordonnés. Ainsi va notre Territoire.

  1. Mfoungoulie