Témoignage sur la mobilisation des enseignants du lycée G. Fébus à Orthez (64)

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Conférence de presse des enseignants du lycée d'Orthez

Nos camarades de Pau ont recueilli le témoignage d’un enseignant du lycée Gaston Fébus d’Orthez engagé avec ses collègues dans la mobilisation contre les réformes Blanquer.

Le lycée Gaston Fébus d’Orthez est marqué depuis l’année dernière par une mobilisation très importante des enseignants. Depuis janvier, on voit les lycéens se mobiliser contre les épreuves continues du Baccalauréat, les fameuses E3C.  Pourquoi les enseignants et les élèves refusent-ils de participer aux E3C?

Ces épreuves s’inscrivent dans la réforme du lycée refusée en bloc par les associations de spécialistes, les syndicats d’enseignants et les élèves. Les élèves des classes de Premières doivent ainsi subir des examens dont les résultats compteront pour le Bac dans certaines matières : les deux langues vivantes, l’histoire / géographie et les maths (pour les séries technologiques). Ces premières épreuves, dites E3C-1, sont programmées pour janvier ou février. Chaque établissement choisit la date de passation des épreuves, ce qui pose aussi le problème de la fuite des sujets. Ces derniers sont compilés dans une banque de sujets qui a largement fuité via les réseaux sociaux.

Les jeunes dénoncent la pression constante, le bachotage devenu systématique, le sentiment d’être sous contrôle permanent. Beaucoup sont stressés et expriment un mal-être croissant.

Quant aux enseignants, hormis la charge de travail supplémentaire, ils dénoncent une réforme faite à la hâte, une perte de sens de leur travail, des programmes impossibles à mettre en œuvre compte-tenu d’exigences très ambitieuses et de conditions de travail fortement dégradées.

Concrètement, qu’avez vous fait (enseignants, lycéens, parents d’élèves) pour montrer votre refus des E3C? 

Les enseignants ont la possibilité de se mettre en grève, ce qui a été fait assez massivement lors des surveillances des épreuves. Les retraités auxquels l’inspection académique a eu recours pour nous remplacer ont finalement refusé de surveiller lorsque nous leur avons expliqué qu’ils avaient été envoyés pour briser une grève. Les enseignants ont aussi animé des AG et organisé des conférences de presse qui ont été bien relayées par les médias.

Quant aux élèves, à deux reprises, ils ont organisé des blocus pacifiques de l’établissement. Tout s’est passé dans le calme, notre proviseur ayant privilégié le dialogue au recours à la force.

La troisième fois, la rectrice de l’académie a contraint le Proviseur à organiser toutes les épreuves la même journée. Tous les élèves du collège, ceux de Secondes et de Terminales ont été invités à rester chez eux tandis que seuls les profs munis de convocation pour les surveillances étaient autorisés à pénétrer dans l’établissement. Les abords de l’établissement étaient surveillés par la force publique De agents de l’équipe mobile de sécurité du rectorat filtraient les élèves. A ce propos, il serait intéressant de déclencher une enquête parlementaire sur le rôle et les missions précises de ces agents.

Les épreuves se sont finalement déroulées dans des conditions peu favorables à la réussite des élèves : 3 à 4 épreuves dans la même journée.

Blanquer estime que tout s’est bien passé pourtant. Qu’en penses-tu? 

C’est du déni. Même les médias les plus conservateurs ont du mal à cacher la réalité. Le Ministre a eu recours à l’intimidation (menace d’un zéro), à la répression (lycéens parfois gazés, gardes à vue, etc). Beaucoup de jeunes s’en souviendront. Ils ont ressenti l’entêtement du Ministre comme une provocation. Cette mise au pas et cet autoritarisme brutal ont aussi affecté les enseignants qui ne ressentent plus que de la défiance envers ce Ministre.

Quelles sont les pressions et répressions que vous avez subies? 

Il y a une volonté de la Rectrice d’identifier les meneurs et d’organiser la répression. Les élèves se sont montrés exemplaires dans l’organisation et la mise en œuvre de leur résistance. Ils ont privilégié le dialogue, l’échange. Il n’y a eu aucun acte de violence ou de dégradation.

Quant aux profs, la meilleure façon de se protéger, c’est de se mettre en grève … tant qu’on ne nous retire pas ce droit !

Quelles sont les suites que vous pensez donner à votre mouvement. 

Ce combat s’inscrit aussi dans ceux que nous menons contre la réforme du lycée, de Parcoursup et plus globalement contre la réforme des retraites. Ce gouvernement veut imposer avec une brutalité inouïe une société du chacun pour soi. Ils se disent pragmatiques mais sont pétris d’une idéologie ultra-libérale qu’ils veulent nous imposer quitte à utiliser la répression de masse.

Ce combat n’est qu’une étape. Si la plupart des élèves auront bien passé les E3C dans quelques semaines, quelles que soient les conditions, Blanquer a perdu la bataille de la communication et a dévoilé son vrai visage devant la jeunesse. Cela laissera des traces.