Lors de sa quatrième intervention télévisée, Macron a fait plusieurs annonces concernant la levée progressive du confinement, qui devrait commencer le 11 mai. Annoncée plusieurs jours auparavant, elle a été suivie par des millions de personnes, signe de la montée de l’inquiétude et des difficultés grandissantes liées au confinement, qui aggrave les inégalités sociales et met en danger des secteurs de la population déjà marginalisées (dans les prisons, les centres de rétention, les sans-logis, les campements de migrants…).
Il y a le contenu et il y a la forme.
Si les annonces concrètes sont encore limitées et parcellaires, la forme a été travaillée, pour essayer de donner à Macron une stature de président plus proche de la population, moins arrogant et plus à l’écoute. Il a pris soin de n’oublier personne dans ses remerciements et ses hommages, en insistant sur les personnels de la santé. Il a également fait des promesses de revalorisations salariales, pour les emplois dont l’utilité sociale n’est pas suffisamment reconnue ; on les lui rappellera !
S’il a abandonné la rhétorique guerrière de ses derniers discours, c’est aussi pour tenir compte des critiques de plus en plus fortes qui montaient de toute part sur le fait que les « premiers rangs », les personnels soignants, « montaient au combat » sans avoir les moyens humains et matériels. De plus, l’insistance de Macron à mettre en avant l’armée – qui a mis plus d’une semaine à monter un hôpital de campagne, qui a envoyé des bateaux de guerre, non équipés de moyens de réanimation aux Antilles, à Mayotte… est de plus en plus incongrue.
Moins martial, plus humble et surtout, se voulant garant de l’unité nationale, en appelant à la mobilisation de toutes et tous pour fabriquer des masques, les porter… Ce qui était « inutile » hier, devient un geste « barrière » supplémentaire aujourd’hui.
Mais il a quand même beaucoup de mal à se départir de son mépris et de sa suffisance de classe, qui s’expriment notamment dans le recours systématique au « je » et à de « petites phrases », comme celle sur le « peuple indiscipliné ».
Macron renvoie évidemment à plus tard tout bilan sur les causes profondes des dysfonctionnements, des « erreurs », des « retards »…, avec un engagement à faire appel dès maintenant aux élus, aux responsables politiques, pour organiser la « sortie » du confinement, pour relancer l’économie.
Macron est resté silencieux sur l’appel du représentant du grand patronat, le dirigeant du Medef, qui, la veille, appelait « les entrepreneurs qui le peuvent à reprendre dès maintenant leur activité », avec, bien sûr, toutes les mesures de protection… Le même qui déclarait le lendemain de l’intervention, qu’il faudra revenir sur les RTT, sur les congés d’été… Macron n’est pas intervenu là-dessus, mais plusieurs de ses ministres relaient jour après jour les exigences des patrons qui ont déjà obtenu, à travers les ordonnances de l’état d’urgence sanitaire, l’allongement du temps de travail, le recours aux heures supplémentaires… et qui vont encore plus loin, sur le terrain. Et la plupart des directions des confédérations syndicales, « consultées », sont prêtes à beaucoup de compromis « pour relancer l’économie », surtout s’il s’agit de « relocaliser ».
Cela signifie que les travailleurs, les syndicalistes qui défendent leurs droits, auront besoin de beaucoup de soutien, pour tenir face au patronat. Cette bataille a déjà commencé dans plusieurs entreprises, où le patronat veut « regagner le temps perdu », à tout prix.
La réouverture des établissements scolaires pose de nombreuses questions légitimement soulevées par le corps enseignant. De même, la décision de ne tester que les personnes présentant des symptômes et de les confiner, n’est pas une méthode de prévention.
Dans cette décision, il faut aussi voir une nécessité économique, pour les tenants du système, à savoir celle de « libérer » une partie de la main-d’œuvre – les parents qui travaillent – de la garde des enfants.
La décision de « pister », via leur téléphone portable, les personnes ayant été infectées, n’est pas encore prise et Macron a laissé entendre que cela resterait « volontaire ». Raison de plus de faire exprimer l’opposition la plus forte à ce contrôle exercé notamment par les grandes entreprises connues sous l’acronyme de Gafa, pour faire échouer ce projet.
Nous voulons souligner un aspect : le changement de ton de Macron s’explique aussi par la crainte de voir monter et exploser la contestation sociale, que la pandémie n’a pas fait qu’alimenter en mettant à nu les graves conséquences des politiques néolibérales menées notamment dans le domaine de la santé publique. Le confinement et ses conséquences qui ont creusé les inégalités sociales et menacent de faire plonger des pans entiers des masses populaires dans la misère, la volonté patronale d’envoyer travailler les ouvriers et les travailleurs, au mépris de leur santé, rien que pour assurer les profits, vont dans le même sens.
Macron a lancé à la fin de son intervention, un appel : « Ne cherchons pas tout de suite à y trouver la confirmation de ce en quoi nous avions toujours cru. Non. Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier. » Cet appel à tourner rapidement la page et à unir les efforts pour relancer le système capitaliste impérialiste, s’adresse notamment à la social-démocratie, qui a géré les affaires de l’impérialisme français des années durant, aux forces qui partagent avec lui le souci de sauver le système de la profonde crise dans laquelle il s’enfonce.
La lutte de classe ne se confine pas : c’est dès maintenant qu’il faut se battre pour refuser de payer la crise de ce système.