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C’était le thème de la conférence-débat qui s’est tenue à Grenoble, samedi 15 janvier organisé par les « Amis de La Forge »

Après l’accueil par une camarade du PCOF, le débat a été introduit par trois interventions.

L’ODJ (Organisation démocratique de la jeunesse) est intervenue sur le thème suivant : « de l’insurrection de 2014 aux luttes d’aujourd’hui ». En place depuis 27 ans, Blaise Compaoré était considéré comme indéboulonnable et incontournable, il a été chassé ! Pour expliquer les racines profondes de ce mouvement qui vient de loin, le camarade a rappelé le collectif contre l’impunité constitué après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et 1998, les émeutes de 2011 au cours desquelles Blaise Compaoré avait dû fuir le palais présidentiel pendant plus de 24 heures, le collectif  contre la vie chère… Il a expliqué comment ces mouvements avaient ouvert des espaces : pour les syndicats, pour le mouvement étudiant, mais aussi pour les paysans qui pour la première fois ont fait des sit-in ! Dès lors, le « si tu fais, on te fait » n’a plus réussi à intimider. Des notables du parti présidentiel, compagnons de Compaoré ont commencé à se désolidariser et à créer leurs propres partis … Il a évoqué le travail du Parti Communiste Révolutionnaire Voltaïque PCRV et des organisations révolutionnaires pour consolider les acquis de l’insurrection, et continuer à construire l’unité populaire pour un véritable changement révolutionnaire pour mettre fin à l’ordre néocolonial. Sa conclusion : « Nous avons osé chasser le laquais de l’impérialisme français et donc touché l’impérialisme français qui est notre ennemi et celui du peuple français ».

L’Association des Etudiants Burkinabè en France (AEBF) a donné des éléments sur la crise sécuritaire qui touche « les zones rouges au sens figuré et au sens propre » et ses conséquences terribles avec des milliers de morts et plus d’un million de déplacés. le camarade a expliqué que cette crise s’inscrivait dans une crise plus globale liée à la faillite de l’Etat néocolonial dans tous les domaines, au niveau de la santé, de l’Education et de tous les services publics sans exception, indiquant que sur les 13 régions administratives du pays, 7 étaient hors du contrôle de l’Etat ! Il a évoqué la colère des populations, la solidarité qui s’organise. Il a rappelé que l’Impérialisme français n’avait pas de but humanitaire, juste des intérêts économiques, stratégiques et politiques à défendre et conclu en disant que le peuple burkinabè qui n’a rien à attendre de bon de l’impérialisme et de l’Etat burkinabè, n’a pas d’autre choix que de s’organiser.

L’intervention de notre Parti (que nous reproduisons ci dessous) a porté sur la dénonciation de la présence militaire française dans la région et conclu sur la nécessité de faire connaître les luttes du peuple burkinabè et les organisations qui les conduisent, sur la solidarité à développer et sur l’importance, comme élément fort de cette solidarité, de continuer à faire grandir l’exigence du retrait de l’Armée française !

Le débat a été dense et riche, avec des questions importantes nourries par l’Histoire et l’actualité : comment se battre et s’organiser quand on manque de tout, comme c’est le cas dans certains villages et qu’il faut à chaque instant lutter pour sa survie ? Est-ce qu’une révolution peut réussir ? Est-ce que le changement peut être apporté par un putsch militaire ?  …

Femmes Egalité, les Jeunes communistes de Lyon …, ont apporté leur contribution dans ces échanges. L’association Survie a contribué dans le débat et avec sa librairie et ses nombreux ouvrages parmi lesquels « L’empire qui ne veut pas mourir, Une histoire de la Françafrique. » . Des militants de différents pays (Mali, Niger…) étaient présents et sont intervenus dans le débat.

Beaucoup de participants sont repartis avec notre journal La Forge et avec les documents de l’ODJ, de l’AEBF, de l’UJR, de Femmes Egalité.

Tout le monde a insisté sur l’importance de cette initiative et sur les prolongements que nous pourrons lui donner.

Après les interventions introductives, un débat dense et riche

L’intervention de notre parti

En février 2013, quelques semaines après le lancement de l’opération Serval, Hollande paradait à Tombouctou. On nous montrait en boucle des images de liesse populaire. C’était paraît-il le plus beau jour de sa vie !

Il s’agissait, soi-disant de répondre à l’appel d’un pays amis, de protéger les populations, d’éradiquer le terrorisme.

Mais les peuples malien, burkinabè, nigérien… l’ont dit à maintes reprises : aucune de ces 3 affirmations n’est vraies Et un mot d’ordre s’impose dans tous ces pays : « Armée française dégage », « soldats français rentrez chez vous ! » comme on l’a encore vu récemment avec les mobilisations contre le convoi militaire français qui acheminait du matériel d’Abidjan vers Gao

Macron a dû ravaler sa colère devant ce nouveau camouflet. Revenons un peu en arrière. En janvier 2020 au Sommet de Pau, il avait sommé les chefs d’Etats africains, et tout particulièrement IBK de faire cesser les critiques contre l’armée française. En août 2020, IBK sautait. En avril 2021, Idriss Deby- un des piliers de la Françafrique et du G5 Sahel- était tué dans une embuscade. En mai 2021, un nouveau putsch au Mali mettait encore un peu plus en difficulté l’impérialisme français.

Le 10 juin 2021, Macron était contraint d’annoncer un redéploiement des forces françaises dans la région.  Le 14 décembre 2021, les derniers soldats français ont quitté Tombouctou. Les trois « emprises françaises » du nord du Mali (Tessalit, Kidal et Tombouctou) ont, à présent été « rétrocédées au Mali » selon une terminologie militaire à forte coloration colonialiste.

Ce redéploiement des forces françaises ne veut pas dire que la question sécuritaire est réglée : les attentats continuent toujours aussi meurtriers au Mali, au Burkina, au Niger.

Comme nous l’écrivons dans l’édition de janvier de La Forge, ce redéploiement est un redéploiement forcé qui est la conséquence d’un double échec : militaire et politique.

Sur le plan militaire, cette guerre qui s’enlise dans les sables du désert sur plus de 3000 Km de la Mauritanie jusqu’au Tchad est de plus en plus problématique pour l’impérialisme français.

Elle mobilise trop d’hommes et trop de moyens, use trop de matériel, alors que les tensions s’aiguisent dans d’autres zones, dont l’impérialisme français ne veut pas être absent (dans la zone indopacifique notamment) … Ceci à un moment où la haute hiérarchie militaire affirme, par ailleurs, que la France doit préparer son armée à de futurs conflits de haute intensité.

Les militaires savent, et certains commencent à le dire, que cette guerre n’est pas gagnable. Elle élimine des chefs djihadistes, neutralise des combattants, mais d’autres réapparaissent ailleurs.

Macron depuis le Sommet de Pau, désigne comme ennemi principal le GSIM (affilié à la mouvance Al-Qaïda) Sa préoccupation majeure de l’heure et l’avancée de l’onde djihadiste vers le Sud, en direction du Golfe de Guinée. Le centre de gravité du dispositif militaire français s’est donc déplacé du Nord-Mali vers la zone des 3 frontières entre le Mali, le Burkina et le Niger où se trouvent les bases de Gao et de Niamey. La crainte est celle d’une prolifération qui commence à toucher la Côte d’Ivoire et le Benin.

Ce que nous pouvons dire aujourd’hui :

C’est que le terrorisme n’est pas près d’être éradiqué, parce que tous les ingrédients pour qu’il se développe sont toujours là : la pauvreté et la défaillance des Etats-néocoloniaux en matière de santé, d’éducation, d’infrastructure, le pillage impérialiste, l’occupation étrangère et l’humiliation sont un terreau pour les djihadistes, mais aussi pour tous les groupes mafieux et les bandits d’une économie de la misère.

Ce que nous pouvons dire :

C’est que ni l’armée française, ni les armées étrangères, ni les Etats néocoloniaux ne peuvent protéger les populations :

Les Etats néocoloniaux, à cause de leur délabrement total, de la corruption et de l’incurie dont on prend la mesure quand on voit, au Burkina, que des soldats censés protéger la population – en l’occurrence surtout les mines- en sont à devoir aller chasser pour se nourrir, faute de ravitaillement !

Les armées étrangères, et spécifiquement l’armée française, parce qu’elles ne sont pas là pour ça ! Leur mission fondamentale c’est de protéger le droit de piller (l’uranium du Mali, l’or du Burkina, …).  C’est d’être présents sur place pour empêcher d’autres pays de prendre la place. C’est de protéger autant que faire se peut les régimes réactionnaires de la région avec qui l’impérialisme français fait affaire !

Nous sommes contre l’intervention française. Nous disons comme et avec les peuples de la région : « Armée française hors du Mali, et du Sahel ». Nous disons « Ni Barkhane, ni Tabuka « ! (La Task Force européenne sur laquelle Macron voudrait s’appuyer pour faire porter une partie du fardeau à d’autres pays de l’UE.) Nous   disons « Armée française hors du Burkina… ! »

Nous refusons l’argument qui consiste à dire : « si ce n’est par la France ce seront les Russes ou d’autres ! » Il n’est pas recevable. Les peuples se battent – notamment au Burkina, pour prendre eux-mêmes en mains leur avenir : c’est à eux et à eux seuls qu’il appartient de prendre en mains leur sécurité, qui ne peut en aucun cas être assurée par l’armée française, ni par aucune armée d’occupation.

Nous   disons « Armée française hors du Burkina… ! » et des autres pays … parce que l’histoire a montré à maintes reprises que la présence militaire française est une menace grave pour les mouvements populaires, les organisations anti-impérialistes et révolutionnaires qui se battent pour le progrès social et l’Independence véritable.

Voilà pourquoi nous pensons que l’exigence de retrait de l’armée française est un élément fort de notre solidarité.

Être solidaires, c’est nous battre ici contre la Françafrique, contre cette guerre que la France, en tant qu’Etat impérialiste, mène non pas pour, mais contre les peuples africains.

Nous saluons la luttes des peuples qui comme le peuple Burkinabé s’affrontent à l’impérialisme français et lui portent des coups. Nos intérêts sont communs : nous battre ensemble contre cette politique et ce système qui ne sont bons ni pour les peuples dominés et occupés, ni pour les travailleurs et le peuple de notre pays.

Continuons à faire connaître leurs luttes et les organisations qui les conduisent. Merci à nos camarades de l’ODJ et de l’AEBF d’en avoir témoigné.  Continuons à le faire connaître ces résistances populaires dans nos cadres syndicaux, associatifs, dans notre presse, dans nos initiatives politiques ! Et avec eux continuons à nous battre pour le retrait de l’armée française !