Communiqué du PCE (ml) sur les résultats des élections en Espagne

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Nous publions la traduction du communiqué du comité exécutif du Parti Communiste d’Espagne (marxiste-léniniste) sur les résultats des élections municipales et dans les Autonomies. La droite et l’extrême droite sortent vainqueurs, la coalition au pouvoir (Parti socialiste ouvrier espagnol – PSOE, le Parti des socialistes de Catalogne -PSC et l’alliance Unidas Podemos -UP), sont les perdants de ce scrutin. Le chef du gouvernement, P Sanchez a annoncé la convocation d’élections générales en juillet.

Communiqué du Comité Exécutif du PCE (m-l) sur les résultats des élections du 28 mai 2023

Le résultat des élections municipales et dans les autonomies de ce 28 mai peut se résumer en quelques chiffres qui montrent de façon aiguë le virage à droite dans les institutions et le rôle que chaque force joue dans l’Etat libéral monarchique. Le PP (Parti Populaire) est la force qui a recueilli le plus de voix, avec presque 800 000 votes de plus que le PSOE ; Vox ([1]) est le parti qui – proportionnellement – progresse le plus ; la gauche réformiste, qui partage le gouvernement avec le social-libéralisme s’effondre encore plus et perd toute représentation dans des parlements ou des mairies aussi importants que ceux de Madrid ou de Valence.

Ce sur quoi nous avons insisté depuis longtemps apparaît aujourd’hui de façon crue : la gauche institutionnelle a perdu tout l’élan électoral qu’elle avait gagné quand elle a surgi, dans un contexte de mobilisation générale qu’elle a activement contribué à tarir. De plus, la politique réformiste de ses dirigeants a eu comme conséquence un éloignement toujours plus grand de la majorité des travailleurs de la politique.

La réalité c’est que plus les coups frappent les intérêts populaires, plus évidents sont les intérêts que défendent les principales institutions de l’Etat monarchique : c’est la droite la plus radicale et néo franquiste qui peut se présenter cyniquement comme « antisystème » et tenter de faire tourner la roue de l’histoire en arrière, et c’est précisément la gauche institutionnelle qui monte au créneau pour défendre le régime et ses « valeurs », en oubliant le mot d’ordre qu’elle brandissait lors des grandes mobilisations d’il y a 10 ans : la lutte est dans la rue, pas au Parlement.

Pour expliquer les causes de cette déroute, on peut prendre comme exemple les évènements qui se sont passés ces derniers mois dans la Communauté de Madrid, fief d’Isabel Diaz Ayuso, personnage médiocre en politique et mauvais gestionnaire, profondément réactionnaire, mais qui, par contre, a renforcé son contrôle sur l’Assemblée Régionale.

A Madrid, depuis novembre dernier, deux grandes mobilisations ont eu lieu, en défense de la Santé Publique, rassemblant près d’un million de personnes. Ce sont des mobilisations qui ont montré et stimulé l’esprit de lutte du peuple madrilène pour défendre ses droits. Des mobilisations que les représentants de cette gauche institutionnelle et les dirigeants syndicaux ont laissé passer, sans rien faire : ils ont laissé s’épuiser la grève des médecins généralistes, sans leur apporter le moindre soutien effectif, sans bouger le petit doigt pour essayer de rallier à cette lutte le reste des travailleurs pour la défense des services publics contre le gouvernement régional. Alors qu’ils partageaient le gouvernement régional avec le PSOE, ils n’ont pas davantage essayé de changer les lois d’Etat, qui permettent au PP et aux autres forces réactionnaires de privatiser à marche forcée des services aussi essentiels que la santé et l’éducation. En définitive, ils ont laissé l’initiative à un gouvernement, en l’occurrence celui d’I. Diaz Ayuso, alors qu’il était ouvertement contesté dans la rue. C’est ce qu’ils ont fait partout, en détournant la lutte dans la rue vers les institutions ; étouffant la dynamique populaire, en s’appropriant l’initiative des masses pour la noyer dans des discussions stériles au sein des institutions telle l’Assemblée de Madrid ou bien les tables « de dialogue » avec le patronat, dialogue que contrôlent la droite la plus réactionnaire, les forces qui parlent de démocratie et de patrie, mais qui la foulent aux pieds et la vendent tous les jours.

La récompense de leur allié, Pedro SANCHEZ ([2]), c’est la convocation d’élections générales pour le 23 juillet prochain ; ce qui équivaut, concrètement, au certificat de décès de toute tentative visant à repeindre la « façade » pour continuer sa politique de négociation encore et encore, « sans bruit », pour la « paix sociale » pour, soi-disant, faire avancer les droits sociaux face à la minorité antisociale et antidémocratique qui contrôle les rouages de l’Etat…

Peu importe en fin de compte ce que feront les dirigeants de la gauche institutionnelle dans le Gouvernement : le plus prévisible c’est qu’ils continuent à soutenir un régime en qui plus personne n’a confiance. Il est très possible que la lecture de la situation par les leaders de la gauche institutionnelle se limite (comme ils l’ont déjà fait auparavant) à faire porter la responsabilité de leur déroute sur le dos des électeurs, sur les travailleurs, sur les classes populaires, qui n’auraient pas compris les enjeux de ces élections. Le césarisme de leurs dirigeants, leur dédain pour l’action organisée de la majorité travailleuse, les ont complètement éloignés d’elle et on en voit la conséquence. De fait, en marge de la droite et particulièrement de l’extrême droite de Vox qui, comme nous le disons, a notablement augmenté sa présence dans les institutions municipales et les autonomies ([3]), ce sont précisément les forces nationalistes qui, d’une façon ou d’une autre, sont perçues comme opposées à l’actuel état des choses, qui ont maintenu, ou clairement renforcé leur présence dans les élections.

Le plus important encore, ce seront les leçons que tireront les organisations (y compris nous-mêmes) qui ont dénoncé le réformisme ; les gens et les forces qui ont déjà tourné le dos à une façon de faire de la politique, qui ne sert qu’à entretenir la pourriture du régime ; ceux qui, déjà, résument l’attitude à tenir à travers le mot d’ordre devenu populaire : « quel que soit celui qui gouverne, les droits de la majorité doivent être défendus ».

Car, après tout, les élections ne représentent pas le véritable état des choses dans la politique nationale ; elles ne limitent pas les possibilités de lutte et de résistance face à la catastrophe permanente que vivent les classes populaires. Que faire, à partir de maintenant ? C’est la question principale que nous devons nous poser pour agir en conséquence.

Le nouveau cadre politique issu de cette séquence électorale renforce quelque chose qui est évident pour tous – sauf pour ceux qui s’entêtent à voir le monde avec les œillères de leurs préjugés sectaires – à savoir que notre classe, notre peuple, ont besoin d’unité ; non pas une unité construite en cachette, dans des bureaux, à coup de pactes et d’arrangements entre dirigeants ; mais une unité réelle, dans la rue, dans la lutte.

Sans une réelle et efficace structure organisationnelle dans les quartiers, qui permette d’unir l’énergie collective, sans la fermeté des syndicats dans les entreprises ; autrement dit, sans la force de la majorité regroupée et organisée dans un commun effort pour des objectifs politiques qui iront plus loin que le « traintrain » des institutions et du bruissement des pas sur les moquettes de palais, les urnes ne feront que confirmer ce que la vie nous dit tous les jours. La gauche, les organisations politiques, sont en marge des gens ; elles ne font rien pour organiser la lutte ; elles se limitent à se présenter sur le marché électoral comme de bons gestionnaires. Ce qui est d’ailleurs faux, comme l’a montré la pratique, car la peur politique, la complicité avec l’ordre existant, n’ont jamais servi à avancer, n’ont jamais servi à mobiliser l’unique facteur qui peut changer les choses pour de vrai : l’action unie de la majorité sociale, dirigée avec clarté et fermeté contre l’ennemi commun.

Les représentants de ces forces continuent à participer aux jeux des postes à pourvoir entre dirigeants qui mettent en avant l’organisation « Sumar » (Rassembler) alors qu’ils veulent simplement se répartir les places sur les listes électorales. Quant à nous, nous nous rangeons vraiment dans le front populaire, le front le plus puissant, autour d’une proposition qui permette, une fois pour toute, de régler les comptes avec le passé. Sans mettre fin aux lois qui la permettent, nous ne mettrons pas fin à la privatisation des services publics. Sans mettre fin à l’activité d’une minorité d’oligarques financiers, qui alimentent leurs comptes en banque avec l’argent de tous et qui font de nos besoins les plus élémentaires (logement, travail, scolarité, santé, etc…) leur commerce particulier. Sans contrôler une poignée d’institutions qui dictent réellement la politique de notre pays, sans rompre définitivement avec le régime monarchique, il n’y a aucune possibilité d’avancer en démocratie et en droits, ni dans la résolution des principaux problèmes du pays. Et le résultat de ces élections, comme celui des prochaines élections générales, ne changeront en rien cette vérité.

La conclusion pratique de cette nouvelle défaite nous implique tous : il faut avancer dans la construction de l’unité populaire pour défendre nos droits ; rompre la paix sociale avec ceux qui menacent ces droits et diriger avec fermeté la lutte contre la réaction et le fascisme rampant.

Travailleurs, peuples d’Espagne, luttons unis pour cet objectif !

Le 29 mai 2023.


[1] VOX : Parti d’extrême droite créé en 2013 par des anciens membres du PP

[2] P. SANCHEZ : Premier ministre en exercice.

[3] L’Espagne compte 17 Communautés Autonomes, auxquelles s’ajoutent les villes autonomes de Ceuta et Melilla (sur le territoire marocain).