Equateur : un soulèvement populaire est en marche

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Nous publions des articles du journal En Marcha, du parti frère d’Equateur, le Parti Communiste d’Equateur Marxiste Léniniste (PCMLE). Les travailleurs et les peuples d’Equateur sont en train d’écrire une nouvelle page de leur combat pour leur émancipation. Nous alimenterons cette page avec les informations qui nous parviendront. Nous appelons nos camarades, amis, lecteurs, à suivre cette mobilisation qui évolue rapidement. Nous exprimons notre soutien et notre solidarité avec les travailleurs, les masses populaires et les peuples de l’Equateur, notamment les peuples indigènes et à leurs organisations politiques, syndicales, sociales… de lutte.

Photos publiées par En Marcha

EN MARCHA, n° 2006, du 22 au 28 juin 2022

Editorial

DEHORS LASSO, GOUVERNEMENT POPULAIRE !

Un nouveau soulèvement indigène et populaire se produit en Equateur. Des dizaines de milliers d’indigènes, de travailleurs, de paysans, de jeunes, d’étudiants, de femmes, d’habitants des quartiers populaires, de chômeurs, de commerçants sur les marchés et de vendeurs des rues protestent dans tout le pays, car il n’est plus possible de continuer à supporter la cherté de la vie, la pauvreté, la faim qui menace les foyers, le manque de travail, les bas salaires, l’impossibilité d’accéder à la santé et à l’éducation.

La crise que vit le pays depuis plusieurs mois, dans tous les domaines, comporte aujourd’hui un élément qualitatif nouveau : la présence des masses dans la rue, ce qui est devenu aujourd’hui l’élément principal du scénario politique. La contradiction peuple-gouvernement s’est exacerbé au point que, en plus des revendications initiales qui ont motivé la lutte des masses, c’est le départ du président qui est aujourd’hui exigé. Dans tout le pays retentit « Dehors Lasso ! Gouvernement populaire ! ».

Le développement de la lutte de masses a brisé, dans les faits, l’état d’exception décrété par le gouvernement pour freiner la protestation. La mobilisation de nombreuses troupes de l’armée et de la police n’a pas pu freiner ni les actions de lutte développées dans toutes les provinces ni l’arrivée à Quito de la marche forte d’importants contingents d’hommes et de femmes. Les menaces n’ont pas eu d’effet quand la conscience et le courage vont de pair ; l’expérience de combats passés permet d’affronter dans de meilleures conditions les forces répressives et de déjouer leurs attaques et les encerclements.

Cette lutte est en train de faire reculer le gouvernement. Celui-ci, après sa position initiale de dire : « il n’y a rien à voir et aucun motif de protestation », a pris sous la pression un certain nombre de mesures, comme la déclaration d’état d’urgence dans la santé, ou l’augmentation du budget pour l’éducation interculturelle bilingue. Il en a annoncé d’autres qui en restent au niveau de vœux pieux. Il avait pensé que cela suffirait pour démobiliser la protestation mais, une fois encore, il s’est trompé : la lutte a pris de l’ampleur, avec la conviction que, oui, il est possible d’arracher une victoire plus grande.

Le peuple est en train d’acculer le gouvernement, il combat les effets de la politique néolibérale – et le néolibéralisme lui-même -, qui est le credo économico-politique des factions bourgeoises les plus puissantes du pays. Il combat les effets de l’exploitation et de l’oppression qu’exerce le capitalisme.

Il y a dans notre pays un peuple qui se lève, qui écrit l’histoire par sa lutte, qui forge l’unité des exploités et opprimés en combattant ce gouvernement représentant des intérêts des patrons, du grand capital. Le peuple est en train d’écrire une nouvelle victoire.

La lutte populaire avance contre le gouvernement de Lasso

Indigènes, travailleurs, paysans, étudiants, femmes, organisations populaires et politiques de gauche prennent les villes contre la politique de Guillermo Lasso et défient l’état d’exception pour freiner sa politique antipopulaire et exiger qu’il satisfasse les revendications des peuples.

Le mécontentement populaire contre la politique du gouvernement s’est généralisé dans tout le pays et a pris la forme d’une lutte ouverte. Depuis le 13 juin, toutes les provinces sont des terrains de lutte du mouvement indigène, de la jeunesse, des enseignants, des hommes et femmes des quartiers populaires. Auparavant il y avait déjà eu des actions de protestation des étudiants du secondaire et des universitaires, des enseignants regroupés dans la UNE (Union Nationale des Enseignants). Elles faisaient partie d’un ensemble d’actions préparées par les organisations membres du Front Populaire.

La lutte s’est généralisée après le lancement de l’appel de la Conaie (Confédération des Nationalités Indigènes de l’Equateur) à une protestation, progressive et indéfinie, pour exiger du gouvernement qu’il applique une plateforme en 10 points qui reprend les aspirations de la grande majorité du peuple équatorien. Entre autres points : le gel des prix des combustibles ; un moratoire auprès des banques pour les personnes endettées et celles en difficultés économiques ; des prix justes pour les productions agricoles ; une amélioration de l’emploi et des droits du travail ; la non augmentation de l’extraction minière et productiviste ; l’augmentation des budgets pour la santé et l’éducation ; un contrôle des prix et de la spéculation sur les produits de première nécessité ; la sécurité et la mise en œuvre de politiques publiques pour freiner la vague de violence et la délinquance qui frappe le pays.

La lutte indigène et populaire a soulevé les villes de Latacunga, Otavalo, Quito, en premier lieu ; ensuite elle s’est généralisée. Sa capacité organisationnelle, la force de ses bases, plus la conviction d’obtenir des réponses du fait de la mobilisation, ont fait que des milliers d’indigènes et de paysans ont marché sur les capitales de province et les ont encerclées, particulièrement Quito. Ceci, conjointement à l’action des populations des quartiers et des communes dans les paroisses rurales, bousculant à plusieurs reprises les forces répressives.

Il est important de souligner que dans les différentes actions de mobilisation qu’il a menées à bien, le peuple a appris à affronter son ennemi, à déterminer ses objectifs, à surmonter les barrages répressifs, à déjouer les encerclements militaires et, en avançant avec détermination, à prendre le contrôle des villes. Il ne s’agit pas d’une action minoritaire, car elle a impliqué des centaines de milliers d’indigènes, de population rurale, d’habitants des quartiers, des jeunes, des femmes, des étudiants, qui ont largement submergé les forces militaires et policières. Dans des villes comme Cuenca et Latacunga, il faut signaler la mobilisation des universités, où les directions universitaires ont pris la tête des manifestations.

Le 16 juin, dans 23 provinces, les étudiants et les enseignants universitaires, les travailleurs organisés dans l’UGTE (Union Générale des Travailleurs d’Equateur), les collectifs et les organisations de femmes, les instituteurs avec l’UNE (Union Nationale des Educateurs), les petits commerçants, les étudiants organisés dans la FESE (Fédération de l’Enseignement Supérieur d’Equateur) et la FEUE (Fédération des Etudiants Universitaires d’Equateur) et d’autres forces du Front Populaire, ont organisé des mobilisations, au-delà des limites fixées par la force publique. Dans certains secteurs, dans des actions conjointes avec le mouvement indigène, les militants de l’Unité Populaire et du PCMLE ont participé à la fermeture des voies de circulation. Nelson Erazo, président du Front Populaire, précise que « la lutte que mènent les peuples indigènes et paysans n’est pas seulement pour leurs droits mais aussi pour ceux de tous les Equatoriens ; ils se lèvent contre le coût élevé de la vie ».

Ce soulèvement populaire a une signification importante dans la vie des peuples, car il démontre la force de l’unité des travailleurs de la campagne et ceux de la ville, ainsi que leur importance dans l’économie du pays. Pendant ces 8 jours de paralysie, de larges secteurs de la production et du commerce ont subi des pertes économiques, particulièrement le secteur agro exportateur de fleurs ; la production pétrolière de 5 puits est arrêtée ; le commerce intérieur a diminué. Sur le plan politique, la crise provoquée par la politique néolibérale de ce gouvernement se heurte à un peuple organisé, aux objectifs clairs et plein de vitalité.

La lutte de la UNE (1) a démontré que l’on peut obtenir des victoires sans fléchir un seul moment. Maintenant, le peuple va à la conquête du droit à la santé, à l’éducation et à des emplois dignes.

Lasso avait décrété l’état d’exception dans 6 provinces pour réprimer ceux qui ont pris le contrôle des principales routes du pays. A travers ce décret, il tente de priver les peuples de leurs droits fondamentaux, tels que le droit à résister, la liberté d’expression et de libre circulation. Les travailleurs de la campagne et de la ville, les jeunes, les femmes ne fléchiront pas devant la violente répression du gouvernement, car la solution des problèmes n’est ni la répression des peuples ni la militarisation des villes. La solution est d’écouter les besoins de la population et de donner les moyens pour satisfaire ces exigences.

Pour le 22 juin, le Front Populaire et le FUT (Front Uni des Travailleurs) appellent à une mobilisation de leurs organisations et syndicats, pour continuer à exiger du gouvernement la satisfaction des nombreux besoins des Equatoriens. Quant à l’UGTE et les organisations du Front Populaire, elles resteront mobilisées en permanence pour exiger du gouvernement qu’il tienne ses promesses de campagne, qui n’ont pas été tenues.

Il est urgent de travailler à la mise en place d’une Assemblée du peuple, en tant qu’espace de débat et de discussion des propositions programmatiques pour faire face à la crise du pays et d’assurer la continuité cette action de lutte, ainsi que des autres.

Note

  • (1) La UNE (Union nationale des Educateurs) a arraché de haute lutte une loi de financement du système éducatif, avec des grèves de la faim, d’innombrables manifestations, de mobilisations qui ont été largement soutenues, y compris par le mouvement syndical ouvrier, les lycéens et étudiants, les parents d’élèves… Le combat s’est aussi mené sur le terrain du parlement et de la justice.