Il faut arrêter les destructions et les expulsions à Mayotte

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24 avril 2023
Communiqué de la CIPOML sur la situation au Soudan
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Le 21 avril, le ministre de l’intérieur et des Outre-Mer, G Darmanin, annonçait le début de l’opération Uwambushu, prévoyant la destruction de plusieurs bidonvilles, l’expulsion de 10 000 habitants « en situation irrégulière » et l’envoi de moyens pour mettre en œuvre « une justice plus efficace contre la délinquance ». Pour cela, 1800 policiers et gendarmes ont été mobilisés, qui ont commencé à se déployer dans toute l’île. Sur le plan juridique, différents dispositifs ont été mis en place pour éviter que les expulsés ne puissent déposer des recours et pour traiter les dizaines d’interpellations quotidiennes escomptées. Le préfet de ce département français (101ème département), chargé de la mise en œuvre de cette opération de destructions, d’arrestations et d’expulsions, prétend agir pour le bien des habitants, en détruisant les bidonvilles et les habitations informelles insalubres. Il parle de la « montée en puissance » de cette « opération » qui a commencé en réalité depuis plusieurs jours, et parle cyniquement « d’hébergement temporaire » pour les personnes dont les cases en tôle auront été détruites !

Des affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes et villages, comme la ville de Tsoundzou, où la CRS 8 (l’unité spéciale chargée des opérations de « maintien de l’ordre » les plus violentes, comme dans certains quartiers de Marseille) et le Raid, ont tiré des centaines de grenades, effectué des dizaines de tirs LBD et même, des tirs « en l’air » de leurs armes de poing (leur pistolet automatique) pour disperser les jeunes qui ont lancé des cailloux et autres projectiles.

Le 24 avril, le tribunal judiciaire, saisi par des avocats défendant les habitants du bidonville Talus 2 de Majicavo, au nord de l’île, déclarait les destructions d’habitations illégales et suspendait l’opération jusqu’à nouvel ordre. Immédiatement, le préfet faisait appel de cette décision, et Darmanin montait au créneau pour la justifier et pour affirmer sa détermination à la mener jusqu’au bout.

il a le soutien de Macron et des deux députés de Mayotte, qui « attendent beaucoup de cette opération ». Un élu est allé jusqu’à dire à la télévision, qu’il fallait « peut être tuer un de ces terroristes », parlant des jeunes délinquants qui vivent sans parents sur l’île. Ils sont entre 3 et 4000 selon les statistiques du ministère, « mineurs isolés », non expulsables car Français, laissés à l’abandon dans ce département parmi les plus pauvres, où 50% de la population a moins de 17 ans, 84% vivent en dessous du seuil de la pauvreté et où il manque au moins 850 école primaires… Comme le dénoncent les militants progressistes, le gouvernement prétend résoudre la misère sociale par la répression et la désignation de boucs émissaires, à savoir les Comoriens dont certains vivent à Mayotte depuis plus de 30 ans…

Les autorités des Comores ont refusé l’accostage d’un bateau de migrants refoulés par la police à Mayotte. Macron et Darmanin font monter la pression sur elles pour expulser les Comoriens sur l’île d’Anjouan qui fait partie des Comores. Un scénario souvent utilisé par les autorités françaises, mais qui, cette fois, prend une dimension plus grande et qui provoque de nombreuses réactions de dénonciation.

Le mouvement indépendantiste de la Martinique a dénoncé cette politique coloniale : « Ce sont des populations en profonde détresse qui sont violemment attaquées. La xénophobie est instrumentalisée par les autorités, comme c’est le cas dans tous les pays occidentaux, pour désigner à la population des boucs émissaires. La violence qui sévit à Mayotte est le résultat de la grande pauvreté engendrée par la domination coloniale. » (extrait du communiqué du CNCP du 22 avril).

Le collectif de l’UCIJ (Uni-e-s contre une immigration jetable), Survie, et d’autres ont pris l’initiative d’un texte que notre parti a signé et que nous reproduisons ci dessous. La CGT, Solidaires et la FSU ont également pris position.

Ce qui se passe aujourd’hui à Mayotte doit être mis en lien avec la loi Darmanin sur l’immigration. C’est pourquoi, l’exigence de l’arrêt de l’opération Wuambushu à Mayotte fait partie des thèmes de la manifestation du 29 avril contre la loi Darmanin.

Non à l’opération Uwambushu !

A partir du 22 avril, date de la fin du ramadan, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin et le gouvernement français prévoient une violente opération contre les résidents de Mayotte provenant d’autres îles des Comores. Nommée « Uwambushu », celle-ci a été validée discrètement par Emmanuel Macron en conseil de défense au nom de la lutte contre la « délinquance » et « l’habitat informel ».

Au programme : 400 expulsions quotidiennes pour un total de 24 000 expulsions sur deux mois, destruction de 10% l’habitat informel de l’île par jour : l’État se prépare à jeter à la rue et à expulser des milliers de personnes et prévient les professeurs que certains de leurs élèves vont « disparaître ». Pour l’occasion, 1000 policiers supplémentaires sont attendus en renfort, avec parmi eux des policiers de la CRS8 ou de l’ERIS pour appuyer le RAID et le GIGN déjà sur place.

De façon cynique, l’État compte par ailleurs sur la saturation des capacités de la justice à traiter les dossiers pour pouvoir agir au mépris de tout cadre légal. Si « Uwambushu » est lancée, c’est donc à un déchaînement de violences qu’il faut se préparer, dans le cadre d’une opération quasi-militaire qui s’inscrit dans la continuité du durcissement autoritaire du gouvernement et de sa répression violente des étrangers.

L’offensive actuelle est d’ailleurs justifiée par un discours que ne renierait pas l’extrême-droite, faisant des Comoriens les coupables de la situation sociale sur l’île et de tous les maux qui frappent ses habitants. Celui-ci masque la réalité d’un territoire où 77% des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté et où le taux de chômage atteint les 34%, mais surtout l’origine de cette misère.

La France est pourtant responsable historique d’une situation schizophrénique depuis qu’elle a arraché Mayotte à l’archipel des Comores au milieu des années 1970 pour conserver des positions dans l’Océan Indien. Depuis 1976, 20 résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies ont affirmé la souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte, restée officiellement sous domination française.

Le nouvel État comorien indépendant amputé s’est retrouvé aux prises avec une politique néocoloniale caricaturale, qui a laissé ce pays exsangue. Tandis que la politique permanente de division des communautés, consubstantielles du colonialisme, a ancré de plus en plus la société mahoraise à la France, faisant de l’île un territoire d’outre-mer puis un département.

L’État a continuellement durci sa politique migratoire et les conditions d’accueil des Comoriens des autres îles : mise en place du « visa Balladur » par Charles Pasqua en 1995, réduction des délais de demande d’asile à 7 jours, durcissement du droit du sol… Des lois d’exception qui ont donné lieu à une chasse aux sans-papiers, qui viennent et reviennent sur des embarcations de fortune, prenant des risques démesurés et créant un véritable cimetière marin entre Mayotte et l’île voisine d’Anjouan. La Cimade estimait en 2016 le bilan humain de cette politique à plus de 12.000 morts en mer.

Nous dénonçons fermement « Uwambushu ». Cette démonstration de force sécuritaire ne fera qu’aggraver une situation déjà dramatique et offrir à Darmanin un laboratoire pour sa politique migratoire. Le combat contre l’opération est indissociable de la lutte pour faire reculer l’offensive autoritaire en cours, il est fondamental que l’ensemble des organisations du mouvement social s’en emparent.