Le projet de loi déposé par des députés de la Nupes, qui dénonce la politique d’apartheid menée par Israël contre le peuple palestinien, a soulevé un tollé et une campagne hystérique dans les milieux sionistes. Plusieurs personnalités, organisations, militants politiques et militants de la cause palestinienne ont pris position contre ces attaques. Beaucoup ont dénoncé l’impunité dont bénéficie Israël, qui bombarde, emprisonne, nie les droits du peuple palestinien, et traite d’anti sémite tous ceux et celles qui critiques sa politique sioniste.
Nous reproduisons la lettre écrite par le président le l’AFPS de Pau qui répond de façon claire et argumentée à la question : oui, Israël mène une politique d’apartheid vis à vis du peuple palestinien. Cette lettre est une réponse à l’éditorial calomnieux paru dans la République des Pyrénées.
Réponse à Jean-Marcel Bouguereau pour son éditorial du 26 juillet
L’éditorial de la République des Pyrénées du 26 juillet titrait « Quand les parlementaire de
gauche flattent le communautarisme ». Ce n’est non pas seulement insupportable, mais
insultant. Il continue « C’est un tout autre objectif qui est visé, bassement électoraliste ». Sont
visés par cet article 37 députés, tous de gauche, qui veulent une loi qui reconnaisse l’apartheid
pratiqué par Israël contre le peuple palestinien. Membre de l’Association France Palestine
Solidarité de Pau, je ne suis encarté dans aucun parti, mais j’en connais un certain nombre de
ces députés et je peux dire que ce sont des gens dignes et qui se sont engagés à défendre la
Palestine depuis longtemps.
J’ai moi-même passé une cinquantaine de jours en 5 voyages en Palestine, pendant lesquels
j’ai dormi chez les Palestiniens, voyagé avec eux dans leur bus, et j’ai passé dans des check
points indignes où ils sont parqués comme des bêtes en attente de l’abattoir. Et pour moi le mot apartheid est le terme évident quand par exemple vous roulez sur des routes défoncées alors qu’à côté il a une belle route qui est réservée aux colons et aux militaires qui les protègent.
Quand ces routes se croisent, c’est avec des ponts et les colons passent au dessus. Le parapet
du pont est fait en planche de telle façon que les regards ne peuvent pas se rencontrer. Ignorer
l’autre à tout prix.
En 2006, Jimmy Carter parlait d’un système d’apartheid.
En 2012 le tribunal de conscience Bertrand Russel dans sa cession au Cap en Afrique du Sud
avait déclaré que la façon de traiter les Palestiniens était un apartheid.
Dernièrement, des organisations comme Amnesty International, Human Right Watch, mais
aussi des ONG israéliennes reconnues comme Yesh Din, B’tselem ont dénoncé l’état
d’apartheid.
Pour B’Tselem, « Dans la région entière entre la Méditerranée et le Jourdain, le régime israélien
applique des lois, des pratiques et une violence d’État conçues pour cimenter la suprématie
d’un groupe — les Juifs— sur un autre — les Palestiniens … Israël accorde aux Palestiniens un
ensemble de droits bien distinct dans chacune de ces unités — mais toujours inférieur à celui
accordé aux citoyens juifs. »
En 2021, deux anciens ambassadeurs d’Israël en Afrique du Sud ont publié sur le site sud-africain groud-up un article d’opinion dans lequel ils déclaraient : « Il est plus clair que jamais
que l’occupation n’est nullement temporaire et qu’il n’y a aucune volonté politique au sein du
gouvernement israélien pour y mettre fin ».
En 2022, Le rapporteur de l’Onu, Michael Lynk, qualifie l’occupation israélienne des territoires
palestiniens d’apartheid en présentant son rapport final au Conseil des droits de l’Homme de
l’Onu à Genève.
Le 28 juillet 2022, l’Afrique du sud demande que l’Etat d’Israël soit déclaré « Etat d’apartheid».
« Le récit palestinien évoque des expériences de la propre histoire de ségrégation raciale et
d’oppression de l’Afrique du Sud », a déclaré Naledi Pandor, ministre sud-africain des relations
internationales et de la coopération.
Et il y en a d’autre comme Kairos une association chrétienne présente dans le monde entier
(lire plus bas)
Dans le Larousse le mot apartheid est défini comme un mot afrikaans (Afrique du Sud) signifiant séparation, discrimination, voire exclusion, d’une partie de la population, qui ne dispose pas des mêmes droits, lieux d’habitation ou emplois que le reste de la collectivité.
En droit international, le seuil pour définir un crime d’apartheid est atteint lorsque trois
critères principaux sont réunis :
un système institutionnalisé d’oppression et de domination d’un groupe racial par un
autre ;
un ou des actes inhumains, tels que transferts forcés de populations, tortures et
meurtres, commis dans le cadre de ce système institutionnalisé ;
une intention de maintenir la domination d’un groupe racial sur un autre.
L’apartheid est considéré par la communauté internationale et la Cour Pénale Internationale
(CPI) comme un crime contre l’humanité depuis la fin des années 1990.
En réalité il n’y a pas un apartheid contre les Palestiniens il y en a au moins quatre principaux.
A Gaza, « c’est simple : les Palestiniens n’ont que le droit d’être régulièrement bombardés » :
Dominique Vidal, journaliste (1) « Ils sont séparé des autres Palestiniens par quelques kilomètres et n’ont quasiment aucun droit de sortir de « leur prison à ciel ouvert » fermée par des murs du côté terre, par l’Egypte au sud et par un blocus maritime en Méditerranée. En Cisjordanie, ils ne bénéficient d’aucun des droits dont jouissent les colons. La séparation la plus évidente est que la Cisjordanie occupée depuis 1967 et divisée entre colons dont la vie est réglée par les lois israéliennes et les Palestiniens gouvernés par des centaines d’ordres militaires dont on sait qu’ils sont édictés quand le besoin s’en fait sentir par l’occupant : la définition même de l’apartheid. A Jérusalem-Est, « ils ont – lorsqu’on ne le leur a pas retiré – un statut de résident qui comporte des droits sociaux (sécurité sociale, retraite), mais aucun droit politique » comme le dit encore Dominique Vidal. L’une des plus grandes menaces auxquelles ces Palestiniens sont exposés est la perte de leur droit de rester à Jérusalem-Est. Transfert forcé de population, une des caractéristiques considérées comme de l’apartheid par l’ONU. En Israël, « les Palestiniens (appelés couramment « Arabes israéliens ») ont, comme chacun le sait, le droit de voter et celui d’être élu. Ils n’en subissent pas moins tout un ensemble de discriminations ». Et comme l’indique le rapport des chrétiens de Kairos (2) : « En faisant voter en 2018 la loi fondamentale sur l’État-Nation, Israël s’est défini comme étant l’État des seuls Juifs et non l’État de tous ses citoyens. La discrimination de facto des citoyens palestiniens d’Israël est ainsi devenue une discrimination de jure. Il y a par ailleurs environ 63 lois accordant des privilèges aux seuls Juifs et non aux citoyens palestiniens arabes d’Israël. »
Il y a en Israël environ 20% de la population qui n’est pas juive : apartheid !
Ici nous ne traitons que le point géographique ou géopolitique, Mais il y en d’autres tout aussi
grave sinon plus.
En 1947, après le partage de la Palestine historique donnant 56% aux juifs pour créer leur pays
qui deviendra Israël en mai 1948, la communauté internationale reconnaitra cet Etat qui sera
alors agrandi à 78%, chassant de chez eux 800.000 Palestiniens et détruisant plus de 530
villages, donc 22% pour la Palestine. La période appelée Nakba (catastrophe) n’a pas pu être
classée dans la catégorie apartheid car la CPI qui a défini les crimes contre l’Humanité n’est en
place que dans la fin du siècle dernier.
Ni Israël, ni les Etats Unis, ni un certain nombre de dictatures ne sont signataires du traité de
Rome qui porte la CPI.
La Palestine n’a pas été reconnue par l’ONU et donc Israël ne se reconnait pas de frontière.
Pour la Cisjordanie ils parlent de territoires disputés.
Autre remarque, si Israël a été reconnue en fin 1948 par la résolution 194, en contrepartie Israël
devait permettre à tous les gens qui avaient été chassés de chez eux de revenir. Aujourd’hui
aucun Palestinien n’a jamais eu le droit au retour.
Et aujourd’hui la définition de l’apartheid par l’ONU dans son deuxième alinéa : « un ou des
actes inhumains, tels que transferts forcés de populations, tortures et meurtres, commis dans le
cadre de ce système institutionnalisé » est réel. Il y a en Israël 4.600 prisonniers politiques
palestiniens et nous savons que la torture est monnaie coutante. Les exécutions extra
judiciaires sont appliquées couramment. Et ici, les enfants, les étudiants, les parlementaires
palestiniens, les journalistes, les soignants payent une très lourd tribu.
On pourrait aussi parler du traitement de l’eau qui est totalement différent, en prix et en quantité quand il s’agit d’un Palestinien ou d’un colon israélien. Le quotidien israélien Haaretz a publié en 2012 des passages d’un rapport d’information pour la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, remis en décembre par le député socialiste Jean Glavany, qui décrit la question de l’eau comme « révélatrice d’un nouvel apartheid au Moyen-Orient ». Dans son rapport, M. Glavany, ancien ministre de l’agriculture, souligne que « la priorité est donnée aux colons en cas de sécheresse, en infraction au droit international, les puits forés spontanément par les Palestiniens en Cisjordanie sont systématiquement détruits par l’armée israélienne, alors qu’à Gaza, les réserves d’eau ont été prises pour cible en 2008-2009 par les
bombardements ». Ayant été plusieurs fois en Palestine entre 2008 et aujourd’hui, partout, j’ai
constaté ces même faits. Mais il faut juste savoir que des parlementaires pro-Israël sont tombés
à bras raccourcis sur les membres de la commission.
Pour finir, mais il y a encore pleins de cas reconnus : les exactions de colons sur les terre de
Cisjordanie et de Jérusalem Est, soutenus par l’armée israélienne sont considérés par tout le
monde comme un obstacle majeur à ce que pourrait être la paix dans cette région.
On ne doit pas toucher à Israël.
Alors oui, Israël est un multirécidiviste de l’Apartheid ! Il n’est qu’à voir la guerre qui est menée
contre la CPI, Israël et Etats-Unis en tête. Et nous savons que l’Europe et la France ne sont pas
loin derrière.
Monsieur Bouguereau, si aujourd’hui 37 députés se sont mis en quête d’un vote à l’Assemblée
Nationale pour condamner l’apartheid israélien, sachez que nous sommes des millions dans le
monde et depuis longtemps à reconnaître ce fait. Je ne vois pas où on peut taxer cette
démarche d’électoralisme.
Quant au Hamas, même si nous ne sommes pas d’accord avec lui, il faut aussi le reconnaître
comme un mouvement de résistance. L’ONU reconnait à un pays occupé le droit de résister y
compris avec des armes. Il faut aussi savoir que ce sont les Israéliens qui ont encouragé la
création du Hamas pour diviser le Fatah et mettre les bâtons dans les roues d’Arafat. Lire le
livre de Charles Enderlein « le Grand Aveuglement » chez Albin Michel (octobre 2009).
Stanley L Cohen s’est préoccupé toute sa vie par les violations de droits de l’Homme, d’abord
en grandissant en Afrique du Sud, puis en étudiant l’emprisonnement en Angleterre et enfin en
Palestine. Il fonde le Centre pour l’Étude des droits de l’homme à la London School of
Economics : « Il est temps pour Israël d’accepter le fait suivant : en tant que peuple occupé, les
Palestiniens ont le droit de résister – de toutes les manières possibles ».
Quant aux attentats en Israël ou dans les colonies, oui nous les condamnons tous. Mais il faut
aussi reconnaître le désespoir qui frappe les Palestiniens à qui on ne laisse aucun espoir d’une
vie en liberté avec les mêmes droits pour chacun. Et dans ce chapitre vous auriez pu rajouter
que pour un mort israélien, il y a entre 10 et 50 fois plus de morts palestiniens. Dans son
rapport annuel « Enfants et Conflit Armé », l’ONU a écrit que les forces israéliennes ont tué 78
enfants palestiniens, estropié 982 autres et détenu 637 en 2021. Mais on en parle rarement de
ça dans les journaux.
Alors à quoi servirait la reconnaissance de l’apartheid israélien ? La première réflexion c’est
qu’Israël a toujours fait ce qu’il voulait en Palestine, même si une centaine de résolutions l’ont
condamné. De temps en temps on hausse le sourcil, mais guère plus. C’est là qu’on trouve le
deux poids deux mesures en prenant comme exemple la Russie face à l’Ukraine alors que la
Palestine est occupée depuis 1948 pour une partie, puis 1967 pour le reste. Il est temps que
des sanctions soient prises et la reconnaissance de cet apartheid devra conduire à la
condamnation par la CPI. Ce qui terrorise Israël, qui est certes une démocratie mais
uniquement pour les Juifs
Nous soutenons fermement le BDS. Si nous pouvons agir par le Boycott d’Israël et de ses
produits, si nous préconisons le Désinvestissement, c’est à la communauté internationale, aux
pays que revient le devoir d’imposer des Sanctions.
Quant au problème antisionisme / antisémitisme, en France comme dans d’autres pays c’est un
argument qui est défendu par tous les amis d’Israël et les dirigeants israéliens eux-mêmes.
L’attaque est trop facile et simpliste. Les militants sincères de la cause palestinienne rejettent
tous fermement l’antisémitisme. Quand nous manifestons pour la Palestine, et c’est souvent le
cas, nous ne tolérons jamais les slogans anti juifs. En Israël dans les manifestations de 2021
contre les Palestiniens résonnait souvent de cris de « Morts aux Arabes » jamais réprimés et
même encouragés par le pouvoir.
Dans beaucoup de cas, le sionisme est à lui seul le ferment de l’antisémitisme.
Mandela a dit un jour, lui qui connaissait mieux que quiconque l’apartheid : « nous ne
serons entièrement libre que quand les Palestiniens le seront aussi ». Et Desmond Tutu
son compagnon de combat : « Si tu restes neutre dans un cas d’injustice, tu choisis le
camp de l’oppresseur ».
Souhaitant que vous soyez allés au bout de ce texte, je reste à votre disposition si vous le
désirez. Il y a encore tellement de chose à dire.
Yves Goaër, président de l’Association France Palestine Solidarité – Pau
L’AFPS salue la proposition de résolution présentée par 38 député⸱e⸱s contre l’apartheid
israélien !
https://www.france-palestine.org/L-AFPS-salue-la-proposition-de-resolution-presentee-par-38-depute-e-s-contre-l
(1) Dominique Vidal, est né à Paris le 18 juin 1950, fils du linguiste et professeur émérite des universités, spécialisé en judéo espagnol, Haïm Vidal Sephila, d’origine turque et rescapé d’Auschwitz Birkenau. Merci a lui pour son autorisation de le publier. Il coopère au Monde Diplomatique.
(2) Kairos : « Nous, Kairos Palestine, ainsi que la coalition mondiale Global Kairos for Justice née en réponse à l’appel du document Kairos Palestine « Un moment de vérité : Une parole de foi, d’espérance et d’amour venant du cœur de la souffrance palestinienne », nous lançons cet appel urgent aux chrétiens, aux Églises et aux organisations œcuméniques. Nous le faisons en union avec des chrétiens engagés en Palestine et dans le monde entier. C’est un appel à une action décisive sur un sujet qui, à notre avis, concerne les exigences fondamentales de notre foi chrétienne. » Le rapport de Kairos fait 23 pages très documentées, Il date de 2022.