Quelques jours avant la date anniversaire de la signature du traité de Rome, qui a donné naissance en 1957 au marché commun européen, Hollande a donné une longue interview au Monde et à plusieurs journaux, dans laquelle il trace sa vision pour l’avenir de l’UE. Une Union européenne en pleine crise, dans laquelle les divisions entre les gouvernements des Etats membres s’étalent dans de nombreux domaines, dont celui de la politique en matière d’accueil de réfugiés. Une « Union » qui plonge la Grèce dans une spirale de la misère sans fin, qui met les agriculteurs, éleveurs de plusieurs pays dans la rue, car menacés de disparition, qui essaie de diviser les travailleurs en organisant le dumping social et salarial, au profit des grandes entreprises…
Partout, la contestation de cette Europe néolibérale se développe et s’exprime à chaque consultation électorale. Les tenants de l’UE ne veulent y voir que la montée des « populismes » et du repli sur soi, balayant du même coup le profond rejet des ouvriers, des travailleurs des villes et des campagnes, des peuples, d’une construction européenne dont les seuls bénéficiaires sont les monopoles, l’oligarchie financière.
Hollande, en continuité avec les présidents qui se sont succédé, a poussé le processus de construction européenne, la présentant comme la seule voie pour sortir le système de la crise économique, pour renforcer la puissance économique des grands groupes bancaires, industriels, commerciaux… français, dans le cadre de la concurrence internationale pour le contrôle des marchés, pour accroître leur main mise sur les matières premières des pays d’Afrique.
Le leitmotiv de cette construction européenne a été longtemps la préservation de la paix, notamment en Europe et entre les Etats d’Europe. Construire l’Europe Unie, c’était construire la paix.
Aujourd’hui, il y a un renversement dans le discours : c’est l’Europe de la défense qui est présentée comme le principal moteur de la construction européenne. « L’Europe peut se relancer par la défense, pour agir dans le monde, pour chercher des solutions aux conflits qui la menacent. C’est ce que les Européens doivent avoir, en cohérence avec l’Otan, comme priorité ». Et bien évidemment, la France a un rôle essentiel à jouer dans la mise en place de cette politique européenne de défense et les marchands de canons ont beaucoup à y gagner.
C’est ce qui amène Hollande à réaffirmer l’engagement d’augmentation du budget de la défense, pour atteindre les fameux 2% du PIB, à plaider pour une plus grande coordination des politiques de défense de la France et de l’Allemagne, une « plus grande intégration de nos forces », de « nos capacités d’armement et de nos outils de projection militaire »…
Ce plaidoyer pour la défense européenne renvoie au projet de la Communauté européenne de défense (CED), lancée dès 1952, à 6 Etats, sous la pression de l’impérialisme US, mais qui n’a pas abouti, notamment du fait de l’opposition forte à ce projet visant à faire monter les tensions avec l’URSS et les pays de l’Est. Ce projet revient en force, dans un contexte où on assiste à une accélération de la course aux armements et des dépenses militaires dans le monde, à une militarisation à marche forcée de l’économie et de la société.
Hollande et Merkel partagent l’objectif de défense européenne, présenté comme un nouveau départ donné à la construction européenne. Pour contourner l’opposition d’un certain nombre d’Etats qui ne veulent pas s’engager dans cette voie, Hollande et Merkel veulent mettre en place une construction européenne « différenciée », « avec des rythmes différents », selon les pays.
L’avenir dessiné par Hollande, peut être résumé de la façon suivante : une construction européenne entrainée par les puissances impérialistes sur le chemin de la militarisation plus poussée.
Cela veut notamment dire, consacrer plus de moyens à la « défense », c’est-à-dire, drainer plus de richesses, plus de cerveaux, vers les industries d’armement ;
Inciter les étudiants à s’engager dans des filières qui travaillent directement ou indirectement dans ces domaines ;
Inciter les jeunes chômeurs à s’engager dans l’armée ;
Participer activement à la montée des tensions en Europe ;
Maintenir et renforcer le couplage entre la politique de défense de l’Europe et l’Otan.
Une UE néolibérale sur le plan économique, réactionnaire sur le plan politique et de surcroît militariste !