Nous reproduisons le texte de nos camarades de Norvège, de l’organisation marxiste-léniniste Révolution, sur la question des bases US dans leur pays.
Le vendredi 3 juin 2022, le Storting (assemblée législative de Norvège) a décidé (14 voix contre) de céder la souveraineté sur quatre importantes parties stratégiques du territoire norvégien à une puissance étrangère : les États-Unis.
Pas une virgule n’a été changée dans le texte de l’accord que le gouvernement conservateur et l’ancien ministre de la Défense Frank Bakke-Jensen ont signé en 2021. Un « cadre juridique actualisé » formulé par les États-Unis était une exigence étasunienne indispensable, et aucun ministre norvégien n’a osé formuler d’objection.
Le soi-disant accord complémentaire de coopération en matière de défense (SDCA) entre la Norvège et les États-Unis a une « durée initiale » d’au moins dix ans. Les quatre zones militaires (trois aérodromes et une base navale) sont précisées dans une annexe distincte à l’accord. Cette annexe peut être étendue à d’autres domaines par accord écrit entre les autorités de la Norvège et celles des États-Unis. Cela peut probablement être fait sans impliquer le parlement, étant donné que le consentement et la base juridique existent déjà.
Le SDCA est en rupture totale avec la soi-disant «politique des bases» norvégiennes introduite lors de l’adhésion à l’OTAN en 1949. Le gouvernement social-démocrate de l’époque avait déclaré qu’aucune troupe ou base étrangère ne serait autorisée à rester de façon permanente sur le sol norvégien, sauf en période de guerre. Cela implique également l’interdiction d’armes nucléaires en Norvège. Depuis, cette position a été la doctrine officielle en matière de politique étrangère norvégienne. Par la suite, les armes chimiques et à sous-munitions ont été incluses comme étant officiellement inacceptables.
Bien qu’il se réfère au modèle des accords SDCA de l’OTAN en Norvège et dans d’autres pays, le nouvel accord est strictement bilatéral et non un accord OTAN. Par conséquent, un certain nombre de personnes – des politiciens, des officiers de réserve, le procureur général des forces armées, etc. qui soutiennent l’OTAN – ont néanmoins émis des objections ou ont rejoint la mobilisation contre la ratification du SDCA. Il en va de même pour un certain nombre de syndicats, Amnesty International, la Croix-Rouge, des organisations pacifistes et d’autres encore, y compris l’organisation de jeunesse du Parti travailliste social-démocrate (Arbeiderpartiet) actuellement au pouvoir.
Désormais, les États-Unis ont « un accès sans réserve » à ces zones en termes de personnel, d’armes et de soldats. Il n’y a aucune restriction sur le nombre et la quantité des forces étasuniennes. Les États-Unis imposent leur propre autorité sur les bases d’Evenes, Sola, Rygge et Ramsund. L’article XII de la SDCA implique aussi le transfert de la Norvège aux États-Unis de la compétence juridique pour poursuivre les membres de la force US, c’est-à-dire les actes criminels commis par des soldats ou des employés US dans le cadre de leur service ou en dehors, même en dehors de la zone des bases militaires.
En principe, du fait de cet accord, les États-Unis peuvent débarquer plusieurs bataillons en Norvège. Il est à noter qu’en 1940, l’Allemagne a occupé la capitale de la Norvège avec seulement quelques milliers d’hommes, sans avoir de bases dans le pays.
Le danger d’une occupation étasunienne dans le cadre d’une guerre préventive se rapproche. L’accord lui-même rend la Norvège beaucoup plus vulnérable en cas de confrontation entre grandes puissances dans le Nord. Croire que l’accord protégerait la Norvège de la Russie c’est se bercer d’illusions.
Les conséquences seront une nouvelle détérioration de la collaboration fructueuse de longue date avec la Russie (et l’Union soviétique) dans la région arctique, ce qui pourrait aggraver la militarisation et les tensions dans le Grand Nord.
Juin 2022
Organisation marxiste léniniste Revolusjon de Norvège, membre de la CIPOML.