Strasbourg : succès du meeting conférence sur Afrin

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Strasbourg : Conférence-débat du 16 mars sur AFRIN

Cette soirée a été organisée par un collectif d’organisations dont le DIDF (Association des travailleurs et des jeunes de Turquie) et notre Parti[1]. Dès le départ, notre parti a insisté sur l’importance de faire le lien entre l’agression militaire d’Erdogan sur Afrin et la situation interne de répression de toutes les forces d’opposition, même modérées et d’attaques sur la classe ouvrière. Nous avons proposé qu’un de nos camarades syndicalistes, connus des militants CGT intervienne sur la situation de la classe ouvrière et du peuple en Turquie et sur l’importance de la solidarité internationale (intervention en pièce jointe). Les deux autres intervenants étaient des journalistes. Un journaliste du journal l’Humanité et un journaliste turc qui a dû fuir le régime d’Erdogan.

Les deux journalistes ont apporté des éclaircissements sur la situation à Afrin, en Syrie et dans la région. Le journaliste de l’Huma est intervenu sur le droit international et a appelé au lobbying vis-à-vis des élus nationaux et européens. Le journaliste turc a fait un rapide historique des évènements qui ont amenés à la situation d’aujourd’hui. Il a amené des éléments de compréhension de la situation au Moyen Orient.

L’intervention de notre Parti a porté sur l’optimisme de la lutte (en rappelant que dans l’histoire actuelle, des peuples ont chassé « leur dictateur » – Tunisie, Burkina,…) et sur l’importance de développer la solidarité internationale avec le peuple et les travailleurs de Turquie. Combattre la politique de Macron, c’est combattre sa politique anti ouvrière et anti populaire en France et sa politique internationale; c’est dénoncer le soutien qu’il apporte aux régimes dictatoriaux, comme celui d’Erdogan.

L’UJR est intervenu en dénonçant la propagande de l’armée qui veut embrigader la jeunesse dans une armée impérialiste qui intervient contre les peuples, en Afrique, en Syrie, etc… et sur la nécessité de la solidarité internationale avec les jeunes et les peuples en lutte à Afrin, et également en Palestine, en Afrique, etc.

Nous avons diffusé dans plusieurs grandes entreprises et lors de la manifestation du 15 mars. Les discussions étaient denses. Devant certaines usines, les partisans d’Erdogan nous ont interpellés. Certains ouvriers d’origine turque critiquaient fortement la politique anti-ouvrière et anti-démocratique d’Erdogan, mais justifiaient l’intervention à Afrin. Le débat nous permettait de faire le lien entre la situation interne et la politique étrangère, qui relèvent toutes deux des mêmes objectifs. De très nombreux travailleurs et travailleuses condamnaient l’agression militaire. Ils sentaient que la situation était grosse de dangers et pouvait déraper très vite. Plus de 1500 tracts ont été diffusés.

La salle était pleine avec 120 personnes venues écouter les intervenants de la réunion publique et pour intervenir à leur tour pour dire leur colère ou leur analyse sur la situation. Il y avait principalement le milieu anti-impérialiste et anti-raciste, des personnes d’origine turque et kurde. Une délégation de jeunes kurdes portant les drapeaux de l’YPG est entrée pleine de dynamisme dans la salle pour assister au débat. Il y avait aussi des syndicalistes de classe. Les participants avaient tous les âges, des retraités et des jeunes. Le plus jeune avait 14 ans, venu avec son père syndicaliste.

Si les diffusions devant les entreprises ont montré l’intérêt des travailleurs pour ces questions, il a été difficile de les faire venir au meeting. Ce qui nous montre l’importance d’un travail internationaliste à développer aussi dans les syndicats. Car lorsqu’on aborde les questions de politique internationale avec les syndicalistes et les ouvriers, ils ont un point de vue et débattent de ces questions. Car c’est la solidarité ouvrière qui peut faire bouger les choses. Il est de la responsabilité du syndicalisme de lutte de classe de développer concrètement cette question de l’internationalisme. Ce travail a été entamé. Il ne peut avoir de résultats qu’en persévérant,

La conférence a été un succès. Elle a demandé beaucoup de travail et un effort très important a été réalisé pour les traductions. La propagande a été réalisée dans le milieu universitaire, dans certains quartiers et devant les entreprises. Il y a eu une conférence de presse. Le journal local a annoncé la tenue de la soirée. Cette conférence marque un point de départ important pour développer la lutte concrète contre les guerres impérialistes. Elle souligne l’importance du travail d’information sur les luttes de la classe ouvrière, des masses populaires et des peuples de Turquie qu’il faut développer, car les médias verrouillent et la censure frappe aussi les réseaux sociaux

La protestation se poursuit à Strasbourg : tous les samedis rendez-vous est donné par le collectif Kurde pour une manifestation de la Gare vers la place Kléber.

[1] Les signataires de l’appel sont les suivants : DIDF, Justice et Libertés, MRAP, PCF-Fédération du Bas-Rhin, PCOF 67, PG 67 – Soutien : Collectif Kurde – CJACP – Ras le Front – UD CGT 67 – UJR 67 – Zin pour les femmes

 

La table avec les intervenants

 

 

 

 

Intervention de Bernard Lembré,

syndicaliste de lutte de classe.

 

Les liens de solidarité entre travailleurs, entre syndicats de France et de Turquie sont anciens et c’est en tant que syndicaliste de lutte, internationaliste que je vais essayer d’expliquer la nécessité incontournable de la solidarité entre travailleurs par-delà les frontières.

La Turquie est la première puissance économique du moyen orient après Israël. La Turquie exporte des produits finis, fabrication métalliques, électroniques, automobiles, confection, denrées alimentaires, etc. elle doit importer des matières premières essentielles au développement de son économie : pétrole (elle n’en produit mais pas assez), gaz, machines équipement de transport, etc…

De nombreuses industries étrangères notamment françaises comme, Total, Renault, l’Oréal, Accor, St Gobain Unilever, Carrefour, Areva, Alstom, mais aussi de bien d’autres pays s’y sont établies

Parmi les banques on compte BNP PARIBAS, HSBC…et bien d’autres,

En fait ce sont plusieurs milliers de sociétés à capitaux étrangers qui sont installées en Turquie. Le gouvernement Erdogan garantit un taux de profit juteux aux investisseurs étrangers, sur le dos de travailleurs et peuple de Turquie.

L’Agence turque pour la promotion et le soutien de l’investissement (ISPAT) cite Erdogan qui en 2016 lors de sa visite à Washington, déclare devant un parterre de responsables de grandes entreprises internationales :

« …Les investisseurs internationaux présents en Turquie ne rencontrent pas d’obstacles en ce qui concerne les bénéfices. Ils sont d’ailleurs libres de les transférer à leur guise. Aucun investisseur international ne regrette son investissement en Turquie… »

Dans le Livre blanc des investissements français en Turquie préfacé par Bernard Emié, ambassadeur de France en Turquie, il est écrit : « …une marge de progression importante existe encore. Malgré la récession qui a frappé la Turquie durant l’année 2009, un nombre croissant de nos entreprises envisagent une progression rapide de leurs chiffres d’affaires dans les années à venir… ». Les monopoles français sont, comme on le voit, intéressés à s’implanter et à faire des affaires en Turquie.  Cela explique entre autres la discrétion de Macron face à l’agression contre AFRIN !

Avec 80 millions d’habitants la Turquie représente un formidable marché. Le coût de la main d’œuvre y est plus faible qu’en France et que dans les pays les plus riches. 27% de la population active est employée dans l’industrie, 23% en agriculture, 47% dans les services.

Si ce pays intéresse tellement les capitalistes, c’est que les retours sur investissement sont conséquents, et donc que l’exploitation des travailleurs y est de rigueur (EXEMPLES : sur les conditions de travail on peut citer 3 à 4 morts par accident du travail par jour). Et souvenons-nous de la catastrophe des mines de SOMA en 2014 qui a coûté la vie à plus de 300 mineurs, suite à la négligence sur la sécurité dans les mines.

Et les capitalistes ne se gênent pas pour licencier comme dans l’industrie textile : l’usine TEKSIF, 600 ouvriers, firme allemande fabricant pour les grandes marques, 11 ouvriers qui se sont syndiqués ont été licenciés, et la lutte pour leur réintégration se mène.

Cette exploitation est renforcée par l’état d’urgence qui a été instauré par le régime d’Erdogan.

Depuis le coup d’état avorté de juillet 2016, l’état d’urgence est devenu un moyen de pression pour interdire les grèves. La bourgeoisie turque profite de ce régime répressif contre le droit des travailleurs et des peuples. ERDOGAN est l’homme qu’il leur faut : il contribue à maintenir les travailleurs dans une situation de surexploitation et à mater toute résistance. Il faut dire qu’une augmentation des salaires réduirait le mécanisme de surexploitation et limiterait l’importation des capitaux étrangers d’où l’intérêt pour la bourgeoisie turque de maintenir les salaires au plus bas.

Malgré ces conditions difficiles, la classe ouvrière en Turquie se bat.

Les travailleurs résistent et mènent des luttes. En janvier de cette année un appel à la grève dans la métallurgie (concerne 130 000 ouvriers) a été lancé et ce malgré l’interdiction de grève du conseil des ministres. Cette menace de grève a contraint le patronat de la métallurgie à signer un accord avec les syndicats avant même que le conflit n’éclate.

La Turquie est la principale puissance militaire de la région. Elle fait partie de l’OTAN. Elle est présente militairement en Afghanistan, au Qatar, en Somalie, elle dispose d’une base en Irak et a des accords militaires avec le Soudan pour l’établissement d’une base militaire. Cette politique militaire accompagne la bourgeoisie de Turquie dans ses visées expansionnistes.

Dans le conflit syrien, une partie de la bourgeoisie turque y voit une opportunité de développer une politique plus conforme à ses intérêts. Elle profite de l’affrontement entre USA et Russie et autres impérialistes pour le contrôle du moyen orient, pour défendre ses propres intérêts de puissance régionale. Dans le dépeçage de la Syrie qui se dessine, la bourgeoisie turque veut sa part du gâteau.

La militarisation de la société, qui est une caractéristique de la situation actuelle dans de nombreux pays, se manifeste notamment par un contrôle accru des couches populaires par l’appareil de surveillance et de répression de l’état, dont l’état d’urgence. Elle se traduit aussi par une offensive idéologique en direction des couches populaires et notamment des jeunes pour essayer de les gagner à l’esprit de la défense de la patrie et par l’exaltation et la banalisation de l’engagement militaire dans d’autre pays. C’est le cas avec l’invasion du Nord de la Syrie, accompagnée d’une intense exaltation du nationalisme turc, au nom de la sécurisation des frontières de la Turquie.

Erdogan mène une politique de division du peuple, en appelant à l’unité nationale « pour défendre la patrie ». Il désigne les opposants au régime et les opposants à la guerre comme ennemis de la Turquie. C’est ainsi qu’il espère rallier la classe ouvrière et le peuple derrière la bourgeoisie turque ? Leur exploiteur et pour entraîner le peuple dans une guerre en-dehors des frontières de la Turquie. « l’unité nationale » est utilisée pour fourvoyer les travailleurs, pour les détourner de leur lutte de classe.

Le nationalisme est un poison qui tente de rallier le peuple à son exploiteur sous couvert du soi-disant intérêt supérieur de la nation, et quel que soit l’endroit du globe. Le nationalisme conduit aux guerres entre les peuples pour le profit des exploiteurs et des marchands d’armes.

Ce qui guide la classe ouvrière c’est la solidarité pour nos intérêts de classe et non pas la défense des intérêts des capitalistes de nos pays respectifs. Les impérialistes et les régimes réactionnaires comme celui d’Erdogan ne nous apportent que misère et souffrances. La classe ouvrière et les peuples veulent la paix.

Au lendemain de l’offensive turque contre AFRIN, Macron avait appelé Erdogan à la « retenue », sans trop insister car, comme le soulignait Le Drian, ministres des affaires étrangères, la Turquie est un « allié stratégique » de la France, notamment pour ce qui est de la Syrie ! Démonstration s’il en fallait que l’intérêt des peuples n’est pas leur principale préoccupation. Et que si les travailleurs veulent éviter les conflits armés, en aucun cas ils ne peuvent compter sur les dirigeants et doivent mener les luttes pour la paix.

La solidarité s’organise au plan international

Dans un communiqué du 16 février, la CGT condamne fermement l’opération turque contre Afrin et contre le peuple Kurde, rappelant que la prévention des conflits et le maintien de la paix sont indissociables du développement économique, social, de tous et toutes, de la justice, de l’égalité et de la démocratie.

La tâche du syndicalisme de classe est de faire connaître cette situation d’exploitation des travailleurs en Turquie, de dénoncer la politique de guerre d’Erdogan, de parler de leurs luttes et d’organiser la solidarité concrète dans les entreprises, dans les branches, dans toutes les structures syndicales, etc.

Cela signifie aussi d’argumenter avec nos camarades de lutte pour les convaincre que la ligne de démarcation pour l’émancipation et le bien être des travailleurs et pour la paix, se trace non pas entre les ouvriers des différents pays mais entre exploiteurs et exploités, entre capitalistes-impérialistes et classe ouvrière.

 

Ce meeting doit nous permettre de renforcer les liens de solidarité.

Nous devons nous solidariser avec la lutte des travailleurs de Turquie, leur lutte pour l’augmentation des salaires, pour l’amélioration de leurs conditions de travail, contre les licenciements,

mais aussi pour leurs droits démocratiques, celui de faire grève, de manifester, de s’organiser, de s’exprimer, d’exiger la paix.

Nous devons lutter contre la politique de guerre que mènent les puissances impérialistes et leurs alliés, contre les peuples et notamment dénoncer avec force et conviction, l’agression militaire contre Afrin car elle se fait contre les intérêts des travailleurs et des peuples.

 

Vive la solidarité internationale des travailleurs et des peuples !