Témoignages sur la mobilisation anti bassines à St Soline, le 25 mars, suivi de l’appel à se rassembler le 30, en solidarité avec les manifestants victimes des violences policières

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Le 25 mars, mobilisation contre les bassines à St Soline

Témoignage de Tours

Il y avait beaucoup d’informations sur le site « les soulèvements de la terre » – une des trois organisations qui appelait à la mobilisation concernant les différentes possibilités de parvenir à proximité de Ste Soline, le matériel à prendre ou pas, les précautions en cas de contrôle et/ou d’arrestation, le numéro de téléphone d’une aide juridique et le nom des avocats à contacter.

Le départ a été organisé en convoi au départ de Poitiers le samedi, avec rendez-vous sur le parking d’un centre commercial. La manif était prévue pour débuter à 10h. Plusieurs centaines de véhicules étaient présents au RV, il y a eu distribution de plans de la zone et d’une feuille de conseils avec diverses informations dont numéro de téléphone à utiliser en cas de problème ainsi qu’un canal d’info Télégram et une radio éphémère. Des consignes étaient également données en cas de blocage et/ou dislocation du convoi par la gendarmerie, ce qui n’a pas eu lieu. Six autres convois étaient aussi organisés, certains n’ont rejoint les cortèges qu’après le départ de la manifestation car entravés par la police. On nous a indiqué le lieu d’arrivée du convoi, Vanzay, à 6km de la bassine de Ste Soline.

Une fois sur place (à 1km du village, totalement saturé de voitures), nous avons suivi le mouvement et on nous indique qu’il y aura plusieurs cortèges, certains étant plus exposés que d’autres à la répression policière. Marche ensuite sur des chemins et à travers champs, avec en tête un char en bois très coloré représentant l’oiseau emblématique du lieu, l’outarde, porté par une vingtaine de personne. Ambiance festive (présence de musiciens et percussions) et très déterminée. Le long du cortège on nous propose de planter de jeunes arbres pour restaurer les haies. Nombreuses banderoles et pancartes très imaginatives. Une grande majorité de jeunes mais aussi de tous âges. Quelques figures connues (agriculteurs de Notre Dame des Landes, élus..…) 

Beaucoup portent un bleu de travail, (référence à l’eau et au monde ouvrier) ou tenue « black block ». On se rend compte petit à petit qu’on est très nombreux, venus de toute la France et même de l’étranger (Allemagne par ex.) ; au moins 30 000 en fait, soit 4 fois plus que la précédente manif.

Très nombreux drapeaux de la Confédération paysanne, des Verts, NPA, FI, CNT, JC, etc…et aussi Solidaires et quelques drapeaux CGT.

Arrivée à quelques centaines de mètres de la bassine, on voit qu’elle est entièrement encerclée par des camions de gendarmerie (ainsi que par des grillages, barbelés etc…) Il y aussi quelques flics à cheval, d’autres en moto cross et une vingtaine sur des quads. Posté au sommet de la bassine un groupe de gendarmes surveille les opérations, aidé par plusieurs hélicoptères (6 ou 8)

L’un des cortèges, pourtant encore loin de la bassine commence à se prendre des grenades lacrymogènes. La progression (assez difficile parfois sur terrain fraichement labouré et très collant), se poursuit pour entourer la bassine et les tirs de lacrymo ne cessent plus. Quand les manifestants parviennent au plus près possible de la bassine et des gendarmes, il y a aussi des tirs de grenades assourdissantes. En réponse, des mortiers d’artifices, des cailloux sont lancées. La manifestation fait front, plus ou moins près des gendarmes suivant les possibilités physiques et les protections de chacun. Très vite on entend et on voit un peu partout des manifestants lever la main et appeler les Medics. Ceux-ci courent partout par 2 ou 3, « protégés » par un parapluie. Les blessés les plus graves sont transportés à dos d’homme ou sur des brancards à l’arrière. On nous demande à plusieurs reprises de libérer le passage sur l’un des chemins carrossables dans l’attente d’une ambulance qui ne viendra que plusieurs heures plus tard. Deux fourgons de gendarmerie et une voiture sont incendiés. Une partie du cortège a brièvement pu pénétrer sur le site (mais on ne l’a pas vu). Les tirs des policiers allaient de plus en plus loin. A un moment, les quads sont rentrés en action pour tirer sur la partie arrière des manifestants provoquant quelques mouvements de foule.

Puis la consigne a été donnée de se retirer. Il n’y avait plus non plus la possibilité pour les médics de soigner les blessés. 4000 grenades, notamment des grenades de désencerclement ont été utilisées. Il y a des blessures très graves (mâchoires arrachés, une personne a perdu un œil…)

Mais les manifestants se sont tous regroupés à nouveau quelques mètres plus loin pour un goûter partagé et du repos. Nous avons pu voir quelques blessures causées par les tirs et les explosions de grenades. Nous apprendrons plus tard le bilan. Après cette pause, le cortège est reparti vers Vanzay, en musique et en chanson, toujours aussi déterminé. En chemin, des canalisations de la bassine ont été démontées et/ou endommagés, sous les applaudissements.

Le soir, une partie des manifestants se retrouvaient à Melle, village quadrillé par la police qui fouillait la plupart des voitures et base arrière de la manifestation à environ 20km de Ste Soline, pour des festivités autour de la défense de l’eau. Concerts, fanfares et repas.

Témoignage de Bordeaux

Dans le cortège dit « tranquille », jeunes ou personnes plus âgées, femmes ou hommes, nous avons déambulé à travers champs pour rejoindre la bassine de Ste-Soline. Ambiance chaleureuse et attentionnée avec des mots d’ordre, derrière l’outarde en bois de 15 mètres de haut, portée par une vingtaine de militants qui se relayaient. Outarde, loutre,… (nom des autres cortèges) sont en péril à cause du pompage des nappes phréatiques.

Nous marchions le long de plus de 300 mètres de haies qui ont été plantées par les paysannes et paysans de la Confédération paysanne, car les haies sont un moyen majeur pour retenir l’eau dans les sols. Une serre a également été montée sur une parcelle de Sainte-Soline pour montrer qu’il faut plafonner et prioriser l’eau. En effet, l’installation au maraîchage en Deux-Sèvres reste très difficile par manque d’accès à l’eau, accaparée par les promoteurs des bassines. Une pompe du chantier d’une bassine a été détruite pendant les affrontements.  

Au loin, à plusieurs centaines de mètres, on a aperçu les flancs de la bassine de 8 m de haut et les dizaines de camions de répression, des policiers à cheval, des véhicules blindés*. Une voiture de la police espagnole nous a doublés sur la route à l’aller. Le cortège de la loutre a été bombardé et pilonné en premier bien avant que les manifestants soient proches de la bassine : des motos-quads les approchaient et les enfumaient de lacrymos.

L’ objectif était de percer le barrage des camions de CRS pour atteindre la bassine. Mais nous n’avons pas réussi à cause des bombes lacrymogènes… Comme le vent détournait les fumées vers les policiers, ils ont fini par les envoyer plus loin à l’intérieur de la foule rassemblée dans le champ. Des manifestants ont éteint des lacrymos en posant des mottes de terre dessus puis en les frappant avec le pied, ce qui atténuait l’ampleur de la fumée agressive : 4 000 lacrymos et bombes de désencerclement pour 30 000 manifestants !!!!

On entendait les cris incessants « MEDICS, MEDICS » et on a pu voir des jambes brûlées, percées, un impact sur le front, des blessés en position allongée, d’autres dans des brancards… Mais s’ils voulaient nous f… la trouille avec leur pilonnage, ils n’ont pas réussi !

De nombreux drapeaux flottaient : Confédération paysanne, Bassines Non Merci, les Soulèvements de la terre, Attac, Via Campesina, Npa, Pcf, Jcf, LO… Notre parti avait un panneau « Non au vol de l’eau par l’agro-business ».

Félicitations aux organisateurs pour cette résistance populaire. No Bassaran !

Ce sont en fait les nouveaux engins de gendarmerie (bleus) et de police (blancs) commandés en 2022 qui commencent à être livrés au doux prix de 600 000 € pièces. Il y en a 90 pour chaque corps répressif soit 180 pour un montant total de 108 millions d’euros

🛑 Appel à se rassembler jeudi 30 mars à 19h devant les préfectures du pays. En soutien aux 2 manifestants dans le coma, aux blessé.es de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières. 

La brutalité concomitante de la réponse d’État à la poursuite du mouvement des retraites et à la mobilisation de Sainte-Soline est en train de marquer au fer rouge l’histoire du pays. Elle appelle aujourd’hui à faire front ensemble.

Face à l’inaction climatique du gouvernement, à son soutien intangible à des lobbys industriels écocidaires et à l’aggravation flagrante de la crise écologique, le mouvement contre les méga-bassines a, ces derniers mois, offert une prise. Si le peuple de l’eau, plus nombreux que jamais à braver les interdictions préfectorales, est allé de nouveau jusqu’au chantier de la bassine de Sainte-Soline le 25 mars ce n’était pas par goût inconsidéré du risque. Tout ce qui a été dit sur les soi-disantes motivations obscures des manifestant·es par Darmanin et consorts avant et après la mobilisation est à cet égard une profonde insulte à l’engagement des 30 000 personnes qui se sont rassemblées samedi. Si depuis un an et demi, ces foules grandissantes ne se contentent plus de défiler mais recherchent des gestes ad hoc pour freiner concrètement certains chantiers, pour empêcher le pillage de l’eau ou des terres, c’est bien parce qu’il y a une urgence vitale à agir. Et ce sentiment d’urgence ne fera qu’augmenter tant que l’on continuera à construire dans ce pays des infrastructures dont les conséquences sont telles qu’elles incarnent une violence écologique et sociale qui n’est plus aujourd’hui tolérable.

Cet élan vital, E. Macron l’a accueilli samedi avec une pluie de grenades létales, 4000 en 2h. Alors que 30 000 personnes s’approchaient d’un trou grillagé que l’État avait transformé en symbole de son autorité, 200 personnes ont été percées d’éclats dans leurs chairs, 40 gravement. L’une a perdu l’oeil, d’autres se sont faits arracher la mâchoire ou risquent de perdre le pied. Deux sont toujours aujourd’hui dans le coma, entre la vie et la mort. Comme à Malville face à la déferlante anti-nucléaire en 77 ou à Sivens en 2014 face à l’éclosion des zads en divers endroits du pays, l’État français a choisi délibérément le 25 mars de se donner sciemment la possibilité de tuer.

Ce 25 mars, le gouvernement Macron a tenté de faire taire un espoir politique par la mutilation de masse.

Il a ainsi affirmé brutalement que la montée en puissance du mouvement de défense de l’eau ne pouvait qu’être considérée comme un affront intolérable à son égard. Depuis des années, ce mouvement réitère pourtant les demandes d’ouverture d’un réel dialogue avec les habitant·es des territoires, les paysan·nes, les associations environnementales. La seule réponse gouvernementale à ces issues au conflit aura été est la terreur. Cette violence sourde face au mouvement écologiste est la même que le gouvernement Macron a déployé pour mater les gilets jaunes en 2019 et aujourd’hui contre le peuple qui persiste à refuser sa réforme injuste des retraites. C’est aujourd’hui cette réduction du champ politique à la grenade, ces cowboys en roue libre en quad ou en moto qui vont jusqu’à inquiéter les institutions internationales. A cette violence de rue, Darmanin ajoute aujourd’hui la persécution légale des mouvements organisateurs avec l’engagement d’une procédure de dissolution à l’encontre des Soulèvements de la terre.

De Sainte-Soline, ce week-end nous retenons heureusement aussi les tracteurs paysans qui déjouent les escortes de police, le camp qui surgit des champs au milieu du dispositif, les camarades des 4 continents, les animaux géants et les danses, la foule de tout âge qui serpente les champs à l’infini, son courage, sa solidarité inouïe face à l’adversité. Toute cette force est encore en nous et nous la retrouverons. Mais elle est aujourd’hui profondément entachée par les chairs mutilées, par ces vies encore en suspens. C’est pour nos blessé·es, pour leur rendre hommage, appui, pour que cela cesse qu’il y a un impératif à se retrouver de nouveau dans la rue. Non pas concentrés sur une même prairie cette fois. Mais partout dans le pays, devant les préfectures. Bien plus nombreux et nombreuses encore.

Alors que nous continuons à manifester contre la réforme des retraites, alors que nous continuerons à converger pour arrêter les méga-bassines, nous appelons à nous rassembler:

jeudi à 19h devant toutes les (sous)-préfectures. En soutien aux 2 manifestants dans le coma, aux blessées de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières, pour la dissolution de la brav-m et l’interdiction des grenades GM2L. Pour que celles et ceux qui étaient là de toute la France puissent dire et témoigner. Parce que le gouvernement est triplement coupable : d’avoir lancé des grenades létales, de l’avoir prémédité, et d’avoir ensuite obstrué l’arrivée des secours. Montrons leur massivement jeudi que nous ne les laisserons pas étouffer l’espoir à coup de grenades. Que nous sommes là. Toujours.

Confédération Paysanne – Bassines Non Merci – Les Soulèvements de la terre, les organisateurs de la mobilisation du 25 mars à Sainte-soline et toutes les organisations sociales, syndicales, et associations qui souhaiteront s’y associer.

Pour co-signer l’appel : https://cryptpad.fr/form/#/2/form/view/rrhj+rHU1B6GjNTtwnKQMEJ+p5Xd9cQDToQZ9J9nwzo/

Merci de partager largement cet appel.