Évolution récente de la situation au Burkina Faso : la pandémie du COVID 19 élément d’aggravation de la crise du système néocolonial.

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Ces derniers temps, l’apparition, l’expansion rapide et planétaire de la pandémie du COVID-19 devient le grand sujet de préoccupation internationale et met en alerte les puissances impérialistes et leurs alliés dans les pays dominés, les organismes financiers internationaux (FMI, Banque Mondiale, OMC) et les responsables des grandes agences internationales telles que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

Mais il convient de placer son évolution dans le cadre du contexte international et national pour mieux cerner les enjeux de cette crise sanitaire.

Contexte national en Haute-Volta dite Burkina Faso.

La situation demeure complexe dans un contexte de renforcement de la domination impérialiste, d’approfondissement de la crise du système impérialiste et ses conséquences dramatiques pour la classe ouvrière, les masses travailleuses dans les zones urbaines et rurales, la jeunesse populaire.

La vie chère, le chômage endémique, la misère, les problèmes de santé avec la persistance des épidémies comme la rougeole, le paludisme, sont le lot quotidien du peuple.

Le pouvoir MPP étale au grand jour son incapacité à résoudre les problèmes pressants des masses et leurs attentes exprimées avec force suite à l’insurrection populaire d’octobre 2014. Sur tous les plans, l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques, les libertés démocratiques, le pouvoir d’achat, l’insécurité, ce pouvoir poursuit la même politique réactionnaire, antipopulaire et antisociale du défunt régime de l’autocrate Blaise Compaoré chassé par l’insurrection populaire.

Il applique la feuille de route dictée par l’impérialisme français ; garantir ses intérêts géostratégiques dans notre pays et dans la sous-région Afrique de l’Ouest où il fait face à la rivalité des autres puissances impérialiste (USA, Chine, Allemagne, Russie, etc …) et des pays comme l’Inde, la Turquie, le Brésil. L’élément le plus important de cette feuille de route, c’est étouffer l’esprit de résistance et de lutte révolutionnaire du peuple qui a montré avec force ses potentialités à travers l’insurrection populaire et la résistance au coup d’Etat fasciste du général Diendéré en septembre 2015.

D’où les mesures de répression contre le mouvement démocratique et révolutionnaire, les attaques contre les organisations syndicales par la criminalisation des luttes, les arrestations et détentions arbitraires de citoyens et citoyennes, les assassinats ciblés contre des militants comme le cas des deux membres de l’ODJ ( organisation démocratique de la jeunesse) dans la province du Yagha au Nord du pays en mai 2019, les exécutions extrajudiciaires de populations innocentes par les Forces de Défense et de Sécurité sous le couvert de la lutte contre le terrorisme causant des dizaines de morts et de blessés en toute impunité.

Le peuple fait face également aux attaques terroristes des différents groupes armés qui sont une composante de la contre-révolution au sein de laquelle se trouvent également des éléments liés au régime défunt de la IVème République balayé par l’insurrection populaire. Ces attaques récurrentes dans les différentes régions du pays depuis 2015 ont provoqué une véritable catastrophe humanitaire qui plonge des populations dans la grande désolation. Le bilan macabre se manifeste ainsi : des centaines de personnes civils et éléments des Forces de Défense et de Sécurité tués, des dizaines de milliers de blessés, près de 800 000 personnes considérées comme des déplacées internes entassées dans des camps de fortune dans le dénuement total. Des centres de santé et des écoles détruites privant des milliers d’enfants de la scolarité dans les zones où sévit une grande insécurité.

Sous le prétexte de combattre le terrorisme, les puissances impérialistes occupent militairement notre pays et toute la sous-région du Sahel Sahara avec leurs troupes, leurs bases militaires et les instruments de domination qu’ils contrôlent (G5 Sahel, Opération Barkhane, MINUSMA).

Le mouvement démocratique et révolutionnaire poursuit son travail de mobilisation et d’organisation dans cette situation complexe où la contre révolution se manifeste à divers niveaux les groupes djihadistes, les milices et les escadrons de la mort utilisés par le pouvoir MPP et les diverses fractions de la bourgeoisie réactionnaire, la répression des Forces de Défense et de Sécurité contre les luttes populaires et la présence militaire des puissances impérialistes dans le pays

L’Etat néocolonial a totalement démissionné dans son rôle de défense de l’intégrité territoriale, la sécurité des biens et des personnes malgré ses gesticulations et déclarations contre le terrorisme.

Les mesures instaurées dans ce cadre, tels que l’instauration du couvre -feu et l’Etat d’urgence dans les régions du Nord et de l’Est, sont en réalité dirigées contre le mouvement démocratique et révolutionnaire. Elles impactent négativement les populations dans leur vie quotidienne et leurs activités rémunératrices. Le pouvoir remet en cause les libertés démocratiques en exploitant à dessein la situation sécuritaire (interdiction des manifestations des organisations syndicales et démocratiques, menaces contre la liberté de la presse, tentatives d’assassinats de journalistes d’investigation, enlèvement d’activistes et leur détention arbitraire, etc …)

Mais cette répression n’a pas entraîné les effets attendus par la bourgeoisie réactionnaire : semer la peur et la résignation au niveau des masses populaires.

L’esprit de lutte se manifeste et se développe dans les mouvements sociaux revendicatifs qui touchent tous les secteurs économiques et sociaux à l’échelle de l’ensemble du territoire national. Un exemple illustratif en est la grève générale unitaire lancée par les gigantesques marches meeting du 7 mars suivies de la grève générale du 16 au 20 mars 2020 largement suivie malgré les pressions et intimidations du pouvoir contre les travailleurs.

Au nombre des pressions, les mesures de confinement pour empêcher la propagation de la pandémie COVID-19. Les organisations syndicales ont maintenu la grève générale mais ont décidé d’annuler la marche meeting du 17 mars. A l’évidence, le pouvoir voulait utiliser la pandémie comme un chantage pour obtenir l’arrêt du mouvement gréviste.

Déjà les marches meetings du 7 mars dans tout le pays avaient connu un large succès. Des centaines de milliers de manifestants ont pris d’assaut les artères des rues dans toutes les grandes villes du pays et même les petites localités. A Ouagadougou (la capitale) et Bobo-Dioulasso (la deuxième ville), les cortèges des manifestants se sont étendus sur plusieurs kilomètres. Les organisations syndicales ont fait la preuve de leur capacité de mobilisation et d’organisation dans la discipline.

Les manœuvres de division des travailleurs pour opposer les fonctionnaires du public et ceux du privé ont lamentablement échoué. Car parmi les manifestants, on dénombrait des centaines de milliers de travailleurs des secteurs des télécommunications, des banques et établissements financiers, des systèmes financiers décentralisés, du commerce, de l’industrie, du textile, du transport, etc. Les populations exprimaient aussi leur soutien à ces mobilisations. La plate-forme revendicative autour de la quelle les diverses organisations syndicales ont fait l’unité s’articule autour de cinq points :

  • l’arrêt des mesures de baisse du pouvoir d’achat et l’amélioration de celui-ci en rapport avec le coût de la vie ;
  • l’arrêt des atteintes aux libertés démocratiques et syndicales ;
  • l’arrêt du pillage des ressources nationales ;
  • la garantie du droit à la sécurité des populations ;
  • le respect et la mise en œuvre des différents engagements pris par le gouvernement vis-à-vis des syndicats des travailleurs.

Ces grandes mobilisations dans un contexte de guerre rampante de la contre-révolution dans notre pays confirment amplement que le peuple reste débout et déterminé à poursuivre les luttes pour ses revendications immédiates et pour le changement révolutionnaire en sa faveur. C’est dans une situation nationale trouble, très complexe avec des processus contradictoires qu’intervient la pandémie du COVID-19.

La pandémie du coronavirus élément d’aggravation de la crise politique, économique, sociale.

Le Burkina Faso est le pays le plus touché par le coronavirus en Afrique de l’Ouest à la date du 28 mars avec plus de 200 cas déclarés positifs, 7 décès, 10 guérisons. Outre les mesures de fermeture des écoles, établissements secondaires et universitaires, des marchés, des bars et restaurants, des règles de confinement ont été annoncées par le gouvernement. Un couvre feu sur l’ensemble du pays de 19H à 5H a été décrété. L’état d’alerte sanitaire et la mise en quarantaine de Ouagadougou (la capitale) qui concentre la majorité des personnes infectées et de 7 autres villes. Ces différentes mesures adoptées pour freiner la propagation de la pandémie atteignent rapidement leurs limites. Le système de santé publique est dans un état de délabrement avancé et n’arrive pas depuis fort longtemps à assurer les soins primaires aux populations. L’application du Plan d’Ajustement Structurel imposé au début des années 1990 aux néo-colonies africaines par la Banque Mondiale et le FMI a entraîné le désengagement de l’Etat des secteurs de la Santé et de l’Education. Dans le cas du Burkina Faso, ces restrictions budgétaires ont mis à genoux les infrastructures sanitaires sous équipés et manquant de personnel qualifié. Le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale a constamment mené des luttes multiformes (grèves, sit-in, manifestations) pour exiger du gouvernement de meilleures conditions de travail, l’équipement des hôpitaux et centres de santé en matériel et médicaments, et la revalorisation du statut du personnel soignant. Du 21 au 25 mai 2019 ce syndicat bien implanté a observé une grève largement suivie avec un taux de participation de 99% sur toute l’étendue du territoire national et 100% dans certaines localités. La grève a été suivie de l’application du mot d’ordre de boycott des gardes et permanences du samedi 25 mai 2019 au 3 juin 2019.

Pour faire face au Covid 19, Ouagadougou abrite un seul centre opérationnel de prise en charge des malades infectés, les services de santé déjà débordés sont dépourvus de lits en réanimation, de respirateurs et de matériel de protection pour les agents de santé exténués devant la surcharge de travail.

La pandémie intervient dans un contexte où le système néocolonial avec le pillage des ressources agricoles et minières du pays par les monopoles impérialistes et leurs alliés de la bourgeoisie réactionnaire a comme conséquence le développement de la misère, la destruction de l’environnement surtout dans les zones d’exploitation minière avec l’empoisonnement des nappes phréatiques par les produits toxiques comme le mercure. Notre peuple n’a pas accès aujourd’hui dans de nombreuses zones rurales et urbaines à l’eau potable. Ce sont des conditions objectives qui limitent considérablement la riposte nécessaire au Covid 19 par les structures sanitaires du pays. A cela il faut ajouter les nombreuses coupures d’électricité (délestage) qui ont des conséquences graves pour les hôpitaux et les centres de santé.

Dans l’application du couvre-feu, certains éléments des forces de défense et de sécurité exercent des violences et des tortures sur les contrevenants. Ces méthodes ont été dénoncées par des magistrats et le Mouvement Burkinabe des Droits de l’Homme et des Peuples(MBDHP) en ces termes : « C’est le lieu pour le MBDHP de condamner les actes de torture et d’autres traitements inhumains et dégradants infligés par certains éléments des forces de défense et de sécurité (FDS) aux personnes appréhendées durant les heures de couvre -feu. Ces actes sont inacceptables dans un Etat de droit et ce d’autant plus que le Code de la santé publique prévoit une répression adéquate en cas de non respect d’une mesure sanitaire ».

Face au Covid 19, les organisations démocratiques et révolutionnaires tout en prônant le respect des mesures pour éviter la propagation de la pandémie interpelle le Gouvernement sur des décisions immédiates à mettre en œuvre sur le plan sanitaire, économique et social. La déclaration de l’Unité d’Action Syndicale (UAS) qui regroupe les six centrales syndicales du pays (dont la Confédération Générale du Travail du Burkina) et les syndicats autonomes, exprime les préoccupations des travailleurs et des populations : « Nous appelons le gouvernement à :

  • renforcer les capacités des agents en première ligne du combat et les doter du matériel nécessaire ;
  • faciliter l’accès au dépistage gratuit du virus et la prise en charge effective des personnes infectées ;
  • poursuivre et renforcer la sensibilisation des populations ;
  • appuyer l’ensemble des structures publiques et privées par la mise en place des dispositifs de lavage des mains et l’utilisation du gel hydro alcoolique ;
  • prendre les dispositions nécessaires pour contrôler les prix de vente des articles et produits nécessaires à la prévention contre le COVID 19 ainsi que des produits de grande consommation en vue de mettre fin à la spéculation et la surenchère.

Nous invitons le gouvernement à envisager à moyen terme et long terme des mesures telles :

la suspension de certains taxes et impôts, des factures d’eau et d’électricité, des loyers, pour accompagner les couches les plus vulnérables, etc.

le réaménagement des échéances des prêts bancaires de la population impactée ;

la baisse des prix des produits de première nécessité ;

la prise en charge des soins de santé primaire ;

l’augmentation de la capacité d’accueil des structures sanitaires.

Aux travailleurs et travailleuses en particulier l’UAS demande :

le respect des mesures de prévention de la maladie ;

l’engagement de tout un chacun en vue de rompre la chaîne de la propagation de la maladie. »

Cette crise sanitaire de coronavirus élément d’aggravation de la crise multilatérale du système impérialiste, met à nu la faillite des politiques néolibérales des puissances impérialistes et les organismes financiers à leur solde le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC qui ont toujours imposé la liquidation des services publics, la privatisation dans le secteur de la santé. Le constat amer aujourd’hui, c’est le désarroi devant le manque de moyens dans les hôpitaux pour faire face à la pandémie, au point où des personnels soignants dans les pays capitalistes développés tels que la France, l’Italie et l’Espagne manquent de matériel de protection comme les masques et les gants. Dans notre pays néocolonial agricole arriéré, la situation est encore plus dramatique.

La crise sanitaire va amplifier la crise économique et sociale. Avec les mesures de confinement de nombreux secteurs de l’économie comme les transports et surtout de l’informel dans les zones urbaines vont enregistrer des pertes énormes de revenus. Les masses importantes de personnes travaillant dans ces secteurs (vendeurs ambulants, vendeuses de légumes, ateliers de réparation, garagistes, petits métiers, etc…) sans aucun filet de sécurité vont se retrouver sans revenus.

Les fermetures momentanées de certaines entreprises y compris les mines vont entraîner la mise au chômage technique des ouvriers voire des licenciements sans la garantie de respect de leurs droits par le patronat.

Dans le même temps, les chiffres d’affaires des monopoles grimpent, les ressources nationales sont bradées aux compagnies minières exemptées de taxes et impôts, la bourgeoise réactionnaire s’enrichit à travers des détournements des fonds publics, des scandales financiers dans lesquels sont impliquées les plus hautes autorités de l’Etat néocolonial (ministres, députés, etc..).

Dans cette situation chaotique, notre parti

– appelle la classe ouvrière, le peuple dans ses différentes composantes à ne pas céder à la panique, à respecter les mesures de prévention en vue d’endiguer la pandémie.

 -Il appelle à développer la solidarité populaire aux personnes infectées, aux couches sociales vulnérables notamment les populations déplacées internes suite aux attaques terroristes, soutenir les revendications urgentes exprimées par l’Unité d’Action Syndicale.

-Poursuivre les luttes populaires pour des droits démocratiques et sociaux, notamment le Droit à la Santé Publique.

-Travailler à l’unité des forces combattantes, seul gage de victoires plus importantes.

-Faire l’unité autour du PCRV pour la réalisation de la Révolution Nationale Démocratique et Populaire par l’insurrection générale armée pour chasser l’impérialisme français et ses alliés locaux, constituer un Gouvernement Révolutionnaire Provisoire, convoquer une Assemblée Constituante et instaurer une République Démocratique Moderne pour l’application de son programme minimum transition au socialisme scientifique.