13 janvier : Grève massive dans l’éducation nationale. Echos de Strasbourg, Toulouse

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La journée de grève et de manifestations dans l’éducation nationale du 13 janvier a pris une ampleur sans précédent. Particulièrement suivie dans le primaire (75% de grévistes), très suivie dans les lycées et les collèges (62%), elle a également eu le soutien de plusieurs associations de parents d’élèves. Toutes les organisations syndicales des différentes catégories de travailleurs de l’éducation nationale ont appelé : depuis celles des directeurs, en passant par les syndicats d’enseignants et les syndicats des personnels administratifs, de la médecine scolaire aux assistants d’éducation… elles ont appelé ensemble. Même le privé s’est associé à cette mobilisation.

Les causes premières sont évidemment liées au protocole sanitaire dans les écoles : un protocole qui a changé deux fois, du jour au lendemain, que les personnels ont « découvert » dans les pages payantes d’un quotidien !

Le chaos engendré par ce protocole s’est vérifié dans et en dehors des écoles : enseignants passant leur temps à contrôler les attestations, responsables d’établissements collés au téléphone pour alerter les parents et leur demander de chercher leurs enfants, files interminables de parents et enfants devant les pharmacies, à la recherche d’un test…

En quinze jours, depuis la rentrée, les personnels se sont épuisés, beaucoup ont été eux-mêmes infectés par le virus, sans voir le bout du tunnel. Les cours ont été désorganisés, à l’approche d’examens qu’une partie des enseignants contestent depuis longtemps… le tout dans le contexte d’hystérisation du débat sur le passe vaccinal par l’exécutif.

Blanquer a cristallisé cette colère accumulée, d’autant que jusqu’à la veille de la grève, il campait sur ses positions autoritaires, réactionnaires et méprisantes vis-à-vis des personnels de l’éducation nationale. Le 7 janvier il faisait encore l’ouverture d’un colloque pseudo scientifique contre le « wokisme », à la Sorbonne, le 11, il parlait de « sujet logistique de santé » quant il était interrogé sur les problèmes rencontrés par les parents pour obtenir des tests…

Castex a repris la main, le 10, en annonçant une première « simplification » du protocole sanitaire à l’école. S’en sont suivie des déclarations au sein du gouvernement et du parti godillot, prenant des distances vis-à-vis du ministre que Macron ne peut pas congédier, à quelques mois des élections.

Mais plus fondamentalement, c’est la crainte de voir la mobilisation déborder le seul cadre du protocole sanitaire, pour mettre sur la table la situation générale du système éducatif, qui poussent Macron, Castex et Cie, à essayer de circonscrire la contestation sociale.

C’est pourquoi, Castex a reçu toutes les organisations, dans la foulée de la manifestation, pour annoncer un certain nombre de mesures (voir ci-dessous).

Ce que les personnels retiennent, c’est d’abord la force de leur mouvement, l’unité qu’il a permis et le soutien d’un grand nombre de parents. C’est le fait que le gouvernement a été obligé de les considérer, de cesser de les mépriser, le fait que la question de l’école soit (re)devenue une question concernant toute la société. Les annonces, ils n’y croient guère, mais ils ont repris confiance dans leur capacité à se battre ensemble, à avoir le soutien des parents.

Comme le soulignent les camarades qui ont participé à cette journée mémorable, la prise de conscience grandit, sur l’importance de placer ces questions dans la perspective politique du combat pour un changement de fond de la société. La diffusion du numéro de notre revue « Rupture » y contribue.

Premières mesures annoncées

-5 millions de masques FFP2 pour le primaire ;

-1500 assistants d’éducation pour les collèges et les lycées ;

-3300 contractuels pour 6 moi ;

-1500 vacataires administratifs…

-Report des évaluations dans le primaire et réflexion concernant les épreuves d’enseignement du bac, prévus en mars dans les lycées.

-Et Blanquer promet une « concertation » régulière avec les syndicats, sur la gestion de la crise sanitaire dans les écoles.

Macron n’a pas manqué de mettre en avant, comme une prochaine grande réforme – après les élections – sa solution consistant à donner « plus d’autonomie » aux chefs d’établissements, notamment en matière de recrutement et de rémunération des enseignants : du néolibéralisme pur jus.

Alsace : Manifestations dans de nombreuses villes

Le choix des syndicats était d’être présents partout dans les villes et devant les inspections académiques ou de circonscription. A Haguenau, Sélestat, Colmar, Mulhouse, Strasbourg, etc. De très nombreuses fermetures d’école, en ville comme à la campagne. Des directeurs n’ont pas assuré l’accueil minimum, faute de moyens, pour éviter la contagion et pour certains par conviction et soutien au mouvement.

C’est une première depuis longtemps, tous les syndicats appelaient à cette journée, contre la politique du ministre de l’éducation. Plus de 2500 manifestants dans les rues des communes d’Alsace. Les grévistes étaient bien plus nombreux, surtout dans les maternelles et le primaire : plus de 70% dans le Bas-Rhin et 50 % dans le Haut Rhin (selon la FSU) et plus de 30% des enseignants dans le secondaire et au total tous statuts confondus l’académie annonce plus de 25% de grévistes.

Strasbourg : un seul protocole : « des moyens pour l’école ! »

C’est ce slogan qui résume la plupart des revendications des manifestants. La colère des personnels de l’enseignement était visible : Ras le bol généralisé face au mépris du ministre, colère contre les protocoles qui changent chaque jour et deviennent ingérables. « On sait plus où donner de la tête et comment faire » s’exprime une ATSEM, « Des protocoles, sans queue, ni tête, y en a marre » annonce un panneau de parents d’élèves. Cette colère s’est fixée sur Blanquer, qui devient « le virus à éradiquer ». Au-delà de l’épidémie, ce sont les conditions de travail et de salaires qui ont mobilisé ; le nombre croissant d’élèves par classe, le manque de moyens de l’éducation surtout en personnel (postes non remplacés, précarité), le manque d’équipement de protection contre le virus. Et aussi le mépris dont témoignent le ministre et le gouvernement à leur égard.

Toutes les catégories de personnel étaient représentées, titulaires et contractuels, des enseignants jusqu’aux directeurs d’école ou proviseurs, infirmières et médecins scolaires, AESH, RASED, ATSEM, AED, CPE et surveillant-e-s, personnel de restauration, et bien au-delà. Des parents d’élèves défilaient, parfois avec leurs enfants. Venus en soutien, des militants d’autres secteurs, Cgétistes de la métallurgie, santé, chimie, territoriaux, services publics … et des organisations politiques et associatives. Une partie du cortège était animée par des chants et prises de paroles. Dans l’autre, les discussions allaient bon train. Des camarades présents, diffusaient le journal et la revue « Rupture » et ont invité au prochain rendez-vous de La Forge.

Toulouse

A l’appel de toutes les fédérations syndicales et de la principale fédération de parents d’élèves, la mobilisation a été forte lors de la journée de grève du 13 janvier : enseignants, AED, AESH, personnels administratifs et même inspecteurs et chefs d’établissements ! , mais aussi les personnels des collectivités territoriales (personnels techniques, de cantine, ATSEM…) et les parents.

Blanquer aura donc réussi  l’exploit d’unir toute la communauté éducative dans une même colère !

En Haute Garonne comme ailleurs, les taux de grévistes étaient importants : près de 80% dans le premier degré et entre 40 et 50% dans le second degré. A Toulouse la manifestation a réuni 4 000 personnes qui ont défilé en bravant le froid. Beaucoup de slogans bien sûr contre Blanquer, ses mensonges et son mépris, mais de façon plus générale pour dénoncer la casse systématique de l’éducation nationale par les réformes, les suppressions de postes, la précarisation, la précarité, les salaires au plus bas…

Plusieurs maman du Mirail étaient présentes, certaines avec leurs enfants. Elles avaient confectionné des panneaux : « En REP pas de remplaçants ! Heures de concertations supprimées… Le covid n’est pas une excuse ! On veut remplaçants ! Les enseignants ne peuvent pas travailler ! Maintenant ça suffit ! »

La gestion chaotique de la crise sanitaire n’a fait que renforcer et mettre en exergue l’état désastreux de l’éducation nationale. Une manifestation très animée et combative avec chants et slogans. Une mobilisation qui ne peut qu’avoir des prolongements, beaucoup en étaient conscients.