Il y a 6 ans, les réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima explosaient.

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A l’occasion de l’anniversaire de l’accident nucléaire de Fukushima, nous publions deux articles datant de 2011. La sortie du nucléaire, en tant qu’énergie utilisée pour produire de l’électricité, est une exigence que nous portons, avec d’autres organisations.

Notre parti milite pour la sortie du nucléaire civil et militaire, pour l’abandon de l’armement nucléaire.

 

 

L’accident nucléaire de Fukushima

L’accident nucléaire de Fukushima pose dans tous les pays « nucléaires » la question de la sortie de cette filière dangereuse. La centrale, où la fusion du cœur nucléaire n’est pas maîtrisée – et ne peut pas l’être – continue à déverser dans l’environnement des doses importantes de produits radioactifs dont les populations des villes environnantes sont les premières victimes. Des traces ont été relevées dans la glande thyroïde des enfants. C’est la conséquence du choix des autorités japonaises de relever le niveau des doses admissibles, refusant du même coup d’évacuer les populations, les condamnant à subir une contamination continue. D’ailleurs, après de brèves visites de responsables politiques nationaux, la population de la région ne peut compter que sur la mobilisation de volontaires et des élus locaux. Plus d’un million de jeunes japonais sont venus spontanément offrir leur aide, notamment pour nettoyer les millions de mètres-cubes de boue qui avaient tout enseveli après le tsunami.

Alors que plusieurs pays (Italie, Allemagne, Suisse) ont annoncé une sortie de la filière nucléaire à une échéance d’une dizaine d’années, les autorités françaises continuent à investir dans cette filière, prétendant prendre des mesures pour renforcer la sûreté des réacteurs. Les « stress tests » des centrales organisés par chaque opérateur, en l’occurrence EDF en France, sont des opérations de désinformation. Effectués en moins de trois mois, ils consistent à «simuler» des cas de séismes, de pannes… sans prendre en compte les enseignements des derniers accidents, qui mettent souvent en cause les équipements annexes, comme les systèmes de refroidissement qui peuvent être endommagés ou mis hors circuit par des phénomènes climatiques qualifiés d’exceptionnels jusqu’à présent, mais qui ont tendance à se multiplier. Il suffit de lister les incidents et accidents qui se sont produits en août dans plusieurs pays, comme le séisme du 26 août aux USA, qui a provoqué une panne de générateur, alimentant le système de refroidissement de la centrale de North Anna, à 110 km de Washington. «Si les quatre générateurs étaient tombés en panne, au lieu d’un seul, nous aurions eu le scénario Fukushima» a expliqué un scientifique sur une chaîne US. Or, il faut savoir que la centrale en question, construite par Westinghouse, est du même modèle que celui des réacteurs à eau pressurisée installés en France.

Un séisme de plus faible intensité a eu lieu au Tricastin, entraînant une panne sur un groupe de secours. Mais même incomplets et partiaux, les éléments qui commencent à être donnés sur l’état des centrales françaises, ont de quoi inquiéter. Sont notamment en cause la visserie des vannes sur toutes les centrales !

70 % de la population japonaise pour l’abandon du nucléaire

A Fukushima, le 19 août, une énième secousse a obligé les équipes qui travaillent sur la centrale à quitter rapidement les lieux. L’inquiétude grandit devant l’imminence de l’arrivée d’un bateau britannique chargé de déchets retraités dont une partie est destinée à alimenter la centrale de Rokka Shomura en MOX et une plus grande partie encore devrait être stockée dans un site géologique près de la centrale. Quant aux causes de l’accident à Fukushima, il apparaît que si l’inondation des sous-sols a joué un rôle considérable dans l’arrêt des pompes et du système de refroidissement, c’est le séisme lui-même qui a immédiatement provoqué des ruptures de canalisation du système de refroidissement. Autrement dit, ce n’est pas seulement l’ampleur du tsunami qui est responsable, mais de graves défauts de construction, défauts que l’organisme officiel de contrôle n’a pas pointé, parce que trop dépendant du lobby électronucléaire japonais.

La collusion entre ces grands monopoles, les dirigeants politiques et les hauts responsables de l’administration est une caractéristique du système japonais. Cela va jusqu’à la propagande sur la soit disant sûreté du nucléaire distillée à l’école, à travers les manuels scolaires, en passant par la désinformation médiatique permanente. Malgré cela et aussi à cause de cela, l’opinion publique évolue en profondeur, et ce sont 70 % de la population qui est aujourd’hui pour une sortie du nucléaire. Cette vague de fond n’a pas encore de débouché politique, mais elle marque une rupture dans la société japonaise. Elle creuse encore davantage le fossé entre les masses et les sphères dirigeantes qui mêlent étroitement les intérêts et les représentants des plus gros monopoles, dont ceux du complexe nucléaire, la haute bureaucratie administrative et les deux grands partis – le parti conservateur, néolibéral (PLD) et le parti social-libéral (le parti démocrate japonais, PDJ) qui est actuellement au pouvoir.

Le changement de premier ministre qui paie notamment sa gestion irresponsable de la catastrophe de Fukushima, ne va pas changer cette façon de gouverner pour les intérêts exclusifs des monopoles. Il a quitté ses fonctions après avoir annoncé un plan en faveur du développement de la filière solaire et éolienne de production d’électricité (qui doit représenter 20 % en 2020, contre 9 % actuellement), tout en précisant que les compagnies fournissant l’électricité seraient autorisées à répercuter l’augmentation des coûts. Autrement dit, ce sont les usagers qui paieront davantage.

Arrêter les centrales de 30 ans d’âge

Fillon, Kosciuso Morizet, Besson, sont allés à Bugey, dans une des centrales les plus dangereuses du pays, au vu du nombre d’incidents et de son âge (elle est aussi vieille que Fessenheim) pour réaffirmer le choix du nucléaire et pour vanter le programme de sécurisation lancé par EDF, Areva et le Cea. En Alsace, l’instance de contrôle de la sécurité nucléaire n’a pas hésité à donner son feu vert à une exploitation supplémentaire de 10 ans du réacteur 1 de cette centrale qui « fuit », et qui est une menace pour les populations des trois pays environnants.

Les exigences d’arrêt des réacteurs les plus anciens, qui dépassent les 30 ans de fonctionnement, l’arrêt programmé de ceux qui atteindront cet âge d’ici 5 ans, sont autant de terrains de mobilisation locaux, nationaux et même internationaux.

Nous les soutenons et les inscrivons dans le combat pour une sortie la plus rapide possible du «tout nucléaire».

Cette question a été très souvent abordée dans les discussions que nos camarades ont eues cet été, notamment au «remue-méninges» du front de gauche élargi, à Grenoble. Le succès de notre supplément est aussi le signe d’une attente d’arguments, d’analyse chez les militants.

Cette question va et doit traverser la campagne électorale qui s’ouvre. Un large consensus se dégage sur quatre points :

– La nécessité de sortir plus ou moins rapidement du «tout nucléaire» et son corollaire, la nécessité de développer le recours aux énergies renouvelables.

– La nécessité d’arrêter les centrales les plus vieilles, qui accumulent les incidents.

– La nécessité d’engager un débat de fond sur ces questions, pour contrer le matraquage médiatique des «croisés» du nucléaire.

La nécessité d’engager ce débat avec les travailleurs de ce secteur stratégique.

Partons de ce «socle» pour informer, mobiliser et imposer des mesures concrètes, notamment celles qui concernent la fermeture des anciennes centrales et faisons en sorte que la gauche de transformation sociale prenne des engagements précis sur les autres points.

La Forge n° 517, avril 2011 « Une catastrophe provoquée par l’homme »

La perception au Japon de la double catastrophe, la première, « naturelle », et la seconde « provoquée par l’homme », n’est pas la même qu’ici, en France. C’est d’abord le tremblement de terre, suivi du tsunami, qui ont choqué la population et cela se comprend, vu le nombre de victimes et l’ampleur des dégâts. L’accident nucléaire est venu après dans l’ordre des préoccupations. D’autant que les autorités politiques et celles de Tepco ont tout fait pour minimiser les conséquences de l’accident. Celui-ci est en passe de dépasser Tchernobyl, au niveau des conséquences concrètes, en matière de fermeture de sites, de débat sur la sortie de cette filière. Nous avons immédiatement contacté le Parti Communiste du Japon (de gauche) pour lui témoigner en premier lieu notre solidarité et pour lui demander son appréciation de la situation. Voici la traduction de son texte.

« Nous allons faire un rapport synthétique sur l’accident survenu dans la centrale nucléaire de Fukushima.

L’accident survenu dans le réacteur numéro 1 de la centrale nucléaire de l’entreprise Tepco (Tokyo Electric Power Corporation) a atteint un niveau très critique. Les mécanismes de refroidissement des réacteurs nucléaires se sont totalement arrêtés. Les barres de combustible commencent à fondre dans le coeur et on approche du point critique et du risque d’explosion.

Quatre enceintes de réacteurs ont été détruites par des explosions d’hydrogène.

Il y a un niveau élevé de radioactivité atteignant 400 millisiverts par heure dans la zone des enceintes, ce qui empêche les hommes de s’approcher.

La centrale de Fukushima a 6 réacteurs, construits sur la côte du Pacifique. Les quatre premiers réacteurs sont mitoyens. Les systèmes de refroidissement, y compris le système d’urgence, ont été détruits par le tremblement de terre de magnitude 9 et par l’immense tsunami. Les barres de combustible des trois premiers réacteurs ont commencé à fondre, car l’eau de refroidissement a diminué mettant les barres à l’air libre.

A cela s’ajoute le trou dans l’enceinte de confinement du réacteur numéro 2. Tepco a voulu injecter de l’eau dans les enceintes, mais la pression interne était si élevée que cela n’a pas été possible. Le résultat, c’est que des produits hautement radioactifs ont coulé à l’extérieur.

Concernant le réacteur 4, qui faisait l’objet d’une révision périodique au moment du tremblement de terre, Tepco a retiré du combustible nucléaire du coeur et l’a mis dans la piscine de refroidissement qui se trouve à côté de l’enceinte de confinement. A cela s’ajoute le fait que du combustible utilisé était placé dans la piscine de refroidissement du réacteur 3. Dans ce réacteur, du MOX est utilisé. Du fait de l’évaporation de l’eau de la piscine de refroidissement et de la destruction de l’enceinte du nucléaire, les risques de l’exposition du combustible à l’air libre est croissant.

A présent, des employés de Tepco et de ses sous-traitants et des membres des « forces d’autodéfense japonaises » essaient de refroidir les réacteurs en déversant de l’eau par hélicoptère ou par camions équipés de canons à eau.

Les réacteurs 1, 2, 3 et 4 de la centrale sont dans une situation critique.

Il y a des cas de personnes irradiées dans les populations vivant près de la centrale. Toutes celles qui vivent dans un rayon de 20 km doivent évacuer la zone et celles qui vivent dans un rayon compris entre 20 et 30 km sont obligées de rester cloîtrées. Les employés de Tepco, des sous-traitants, les membres des forces d’autodéfense participant aux opérations de refroidissement sont blessées ou sont exposés aux radiations. Les médias ne parlent pas des personnes blessées sévèrement.

Les mesures de radiations en Césium et en Iode augmentent dans l’eau du robinet.

Le gouvernement japonais cache la réalité de l’ampleur de l’accident. Alors qu’une explosion d’hydrogène venait d’avoir lieu, détruisant le bâtiment du réacteur, le chef de cabinet du premier ministre et les commentateurs de la télévision continuaient à affirmer : « la solidité de l’enceinte de confinement est assurée », « des effluent radioactifs se sont produits à l’extérieur, mais leur niveau n’affecte pas le corps humain »…

A présent, la situation empire et le gouvernement japonais ne le concède que quand il ne peut plus le cacher.

L’attitude du gouvernement s’explique par la volonté de minimiser l’accident pour poursuivre la politique en faveur du nucléaire. Au Japon, la technologie de la filière nucléaire est sous le contrôle des monopoles US, tels que General Electric, Westinghouse Electric. Elle dépend des USA pour l’enrichissement de l’uranium.

Le gouvernement va poursuivre cette politique. Il va prendre des mesures pour renforcer la résistance aux tremblements de terre, mais ne remettra pas en cause ce choix.

L’autre aspect, c’est la volonté de l’oligarchie japonaise d’arriver à se doter de l’arme nucléaire, ce que les USA refusent jusqu’à présent.

Beaucoup de personnes disent que « le tremblement de terre et le tsunami sont des catastrophes naturelles, mais l’accident de la centrale nucléaire est un désastre provoqué par l’homme ». Un ingénieur spécialiste en conception de centrale nucléaire a clairement affirmé qu’il était impossible de construire une centrale pouvant résister aux tremblements de terre.

Alors que le Japon est un pays sismique, les gouvernements ont promu la construction de centrales nucléaires.

Chaque centrale coûte des milliards de dollars et l’oligarchie y trouve une importante source de profits. C’est une « politique nationale » largement financée par l’Etat.

Au niveau des forces politiques et syndicales, il y a un consensus autour de cette politique : la confédération syndicale Rengo, la plus grande du pays, a réitéré son soutien à l’énergie d’origine nucléaire. Le PC Japonais ne soutient pas les mouvements qui contestent cette politique. La plupart des partis de gauche ont peu d’influence et une partie du parti socialiste a rejoint le parti démocrate au pouvoir actuellement.

Nous développons et soutenons le mouvement contre la bombe atomique, pour le retrait des bases militaires US et pour l’abolition du « traité de sécurité » qui lie le Japon aux USA. »