Le confinement ne s’applique pas aux exigences ouvrières et populaires

L’épidémie ne gomme pas les contradictions de classe
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Loi «d’urgence sanitaire» Aides massives aux entreprises et «dérogations» conséquentes au code du travail
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Dans notre prise de position du 13 mars, nous avons dit que l’épidémie ne gommait pas la lutte de classe. Mais les mesures de confinement, les mesures économiques, politiques… prises au niveau national et international, restreignent les possibilités d’expression du mouvement ouvrier et populaire. Elles limitent ses moyens de lutte, pour défendre la santé des couches populaires, et pour faire en sorte que ce soit le Capital qui paie le coût de cette crise sanitaire, sur fond de crise économique et non les travailleurs, les précaires, jeunes et moins jeunes.

Depuis le 16 mars, nous sommes soumis à un « confinement » sévère, qui limite considérablement les déplacements et les contacts, sans parler des réunions et des activités annulées.

Nous ouvrons une rubrique pour rendre compte des conséquences pour le peuple et pour les peuples de cette crise qui a une dimension internationale et qui est « gérée » par des gouvernements, des institutions, les Etats au service des monopoles. Nous voulons aussi rendre compte des résistances des travailleurs, les prises de position des organisations et personnalités démocratiques, des organisations syndicales, des partis politiques… mais aussi des associations, en première ligne pour venir en aide aux plus fragiles, à celles et ceux qui vivent « en marge » des systèmes de protection sociale. Et à l’opposé du repli nationaliste, à coups de fermetures de frontières, nous voulons faire connaître les combats des travailleurs et des peuples, confrontés aux mêmes politiques.

On nous enjoint de « rester chez nous » : nous refusons que cela conduise au « chacun pour soi », nous disons qu’il faut au contraire ouvrir des espaces d’expression, donner des moyens de faire connaître et développer les solidarités, les initiatives collectives et refuser de suivre l’appel à l’unité nationale autour de la défense d’un système capitaliste impérialiste responsable de la crise générale qui le secoue et qui veut nous faire payer cette crise sanitaire. Celle-ci jette aussi une lumière crue sur les faiblesses de ce système, et met sur la table des questions de fond, comme celle des conséquences dramatiques de la loi du profit maximum, de la concurrence, de l’austérité et de la casse des services publics, notamment de santé, et de l’individualisme poussé à l’extrême par ce capitalisme. Elle met en lumière la nécessité de rompre avec ce système et sa logique.

Nous publions ci dessous plusieurs textes :

Notre analyse de la situation au 18 mars : « Nous sommes en guerre ».
Des tracts de syndicats d’entreprises : CGT PUNCH, Strasbourg; CGT Carrefour Hyper.
La prise de position des organisations démocratiques qui alertent sur la situation des personnes précaires, les sans-toits…
Nous publions également les prises de position de nos camarades d’Italie et d’Espagne


« Nous sommes en guerre ».

Répétée à plusieurs reprises dans l’intervention de Macron, le 15 mars, cette phrase voulait marquer les esprits et montrer que l’exécutif prenait les choses en mains, pour faire oublier son cafouillage du premier tour des élections municipales. C’est Macron lui-même qui a créé la plus grande confusion en appelant à participer en masse ( !) à ces élections, en contradiction avec l’annonce, à la veille du scrutin des premières mesures de confinement. Dès lors, comment s’étonner que des dizaines de milliers de personnes aient voulu avoir une journée « normale », avant « confinement ? Comme si le fait d’aller voter dans des lieux où il y a beaucoup de monde, serait plus « sûr » que d’aller dans un parc, où on n’est pas forcément entassé. Comment justifier le maintien d’un scrutin, alors que le second tour était déjà compromis ? Comment prétendre tenir compte des recommandations d’experts et ne pas suivre leur avis quand ils disent qu’il faut reporter les élections ? Comment continuer à asséner des décisions avec aplomb, sans jamais reconnaître la moindre erreur et responsabilité ?

Le taux très élevé d’abstention sonne d’abord comme un refus de suivre l’injonction macronienne en faveur du « vote », qui est venu s’ajouter aux colères accumulées dans les milieux ouvriers et populaires qui se sont encore plus abstenus à ces élections qu’aux précédentes.

Mais l’intervention télévisée de Macron, du 15 mars, a surtout voulu culpabiliser les larges masses, en les accusant d’irresponsabilité, pour leur imposer un confinement quasi général, sous le contrôle de 100 000 policiers et gendarmes.

Castaner, promu gardien de la santé publique, multiplie les explications sur les contrôles, détaillant les étapes pour parvenir à l’augmentation des amendes, à hauteur de 135 €. Si le gouvernement continue à saluer l’implication des personnels de santé, il met de plus en plus l’accent sur le rôle de la police, de la gendarmerie et de l’armée. Il communique beaucoup sur le déploiement d’un hôpital militaire dans l’Est, alors que le nombre de lits supplémentaires est de l’ordre de 30 !

Plus fondamentalement, le climat qui est en train de se mettre en place, encourage la délation de celles et ceux qui ne respecteraient pas à la lettre les consignes, dont beaucoup sont laissées à l’appréciation des policiers et des gendarmes, qui, de leur côté, se plaignent de ne pas être suffisamment protégés pour effectuer les contrôles. Les témoignages de citoyens outrés par le manque de civisme des autres passent en boucle.

A l’inverse, on entend très peu de voix qui dénoncent la situation faite aux travailleurs et surtout travailleuses de la grande distribution, sommés de travailler, sans aucune protection. Des responsables de magasins ont dissuadé les femmes de se mettre en congé de maladie, comme elles en ont le droit, pour garder les enfants. Les pressions sont très fortes pour empêcher le droit de retrait, sous prétexte qu’il n’y aurait pas de danger grave et imminent ! Il faut rétablir les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avec toutes les prérogatives, une exigence qui a déjà été mise en avant suite à l’incendie de l’usine chimique Lubrizol.

Les monopoles de la distribution réalisent d’importants profits, de même que les grands groupes pharmaceutiques. Il n’est pas question que les actionnaires profitent de cet « effet d’aubaine » : ils doivent être taxés et les sommes doivent être allouées aux aides sociales et pour la remise en état du système de santé public.

L’Etat s’apprête à « nationaliser » de grands groupes, comme Air France-KLM, mais ce n’est qu’une mesure « préventive » et temporaire, qui ne vise qu’à éviter leur faillite, en aucun cas, une nationalisation avec expropriation des actionnaires privés.

La situation des ouvriers dans les entreprises qui continuent à tourner est grave car il y a peu de mesures pour assurer leur protection. Et déjà, des projets de restructurations, de suppressions de postes et des licenciements se multiplient, en prévision de « la crise qui vient ». C’est notamment le cas dans le secteur de l’automobile, où les directions des groupes ont décidé la fermeture de dizaines d’entreprises, en attente d’un recul drastique des ventes.

Cela pose notamment la question de l’interdiction des licenciements dans les groupes et les sous-traitants, une exigence qui avait été mise en avant au moment des « licenciements boursiers » et qui devient une exigence concrète aujourd’hui.

Le confinement ne s’applique pas aux exigences ouvrières et populaires !

Tract de la CGT de l’usine PUNCH de Strasbourg

Prise de position des organisations démocratiques