Le traitement policier des émeutes des jeunes des banlieues : un pas vers l’Etat policier

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L’assassinat du jeune Nahel, le 17 juin, par un policier de Nanterre, mis en examen et maintenu en détention provisoire, a été l’étincelle qui a déclenché les émeutes urbaines les plus importantes depuis les années 70. Une grande partie de la jeunesse qui vit dans les banlieues et les quartiers populaires s’est identifiée à Nahel : la moyenne d’âge des personnes arrêtées en masse (au nombre de 3500 le 6 juillet) est de 17 ans.

Cet assassinat, suite à un « refus d’obtempérer », vient s’ajouter à la longue liste de victimes de tirs policiers, et plus généralement des victimes des violences policières, dénoncés par les familles, les collectifs de soutiens et de plus en plus d’organisations sociales, associations, partis politiques.

Parmi les exigences qui rassemblent aujourd’hui, il y a notamment celle de l’abrogation de la loi de 2017 (dite loi Cazeneuve) sur l’usage des armes à feu par les policiers : comme le souligne une étude, « les tirs mortels sur les véhicules en mouvement ont été multipliés par cinq » sur la période 2017-2021, par rapport à celle de 2012-2016 ». C’est ce qui fait dire que le « refus d’obtempérer » et la légitime défense, sont interprétés comme « un permis de tuer ».

Les autres idées force qui s’imposent de plus en plus, c’est qu’il faut briser le refus des autorités – gouvernement, police, justice – de reconnaître les « violences policières », de parler d’impunité policière et du racisme au sein de la police, notamment vis-à-vis des jeunes issus de l’immigration.

Les réponses du gouvernement à ces émeutes ont été essentiellement répressives, avec une augmentation quantitative et qualitative dans les moyens humains et matériels mis en œuvre, qui aggrave le caractère policier de l’Etat.

Pour Véran, il n’y a aucun message, ni politique, ni social, dans ce qu’il appelle les « pillages » et le vandalisme. Pour B. Le Maire, il n’est pas question d’un quelconque « plan banlieue » et pour Macron, l’essentiel est la « reconstruction » des bâtiments détruits pour « rétablir l’ordre, la fermeté pénale et le sursaut moral », ce qui passe par « responsabiliser les parents », autrement dit, les sanctionner pour ne pas « tenir » leurs enfants…

Dès le 29 juin, le ministre et la haute hiérarchie policière ont déployé des unités policières et militaires spéciales – en l’occurrence la BRI, le Raid, le GIGN – équipées de blindés, de matériels de tir et de munitions spéciales ([1]) et entraînées à des opérations incluant la « neutralisation » des « cibles », qui n’ont rien à voir avec le « maintien de l’ordre classique ». Ce sont des unités qui « vont au contact », avec leurs armes et leurs véhicules blindés.

Les premiers blessés graves n’ont pas été immédiatement annoncés : dès le 30 juin, un jeune homme a été grièvement blessé à Mont St Martin (54), par un tir sur voiture, provenant vraisemblablement d’un tir de « sac de haricots ». Dans la nuit du 1 au 2 juillet, un jeune homme, Hedi, a été grièvement blessé « sans doute par un tir de flashball » et roué de coups par quatre policiers de la Bac de Marseille.

La justice a été, selon les mots mêmes du ministre, « rapide, ferme et systématique », avec des arrestations massives et des comparutions immédiates à la chaîne.

Il faudra attendre la « fin » des émeutes pour que les cas de violence soient rendus publics, sous la pression des victimes, de leurs familles et des avocats qui ont déposé plainte. Deux éborgnements, un mort (un jeune homme touché par une balle en plastique), sans compter les blessés : le bilan est très lourd !

Si Macron a qualifié la mort de Nahel « d’inexplicable et d’injustifiable », il n’a pas cessé de « rendre hommage » aux forces de l’ordre, même quand les violences policières ne pouvaient plus être tues.

Mais aux yeux d’une partie importante des forces de police, encouragées par des syndicats dans une surenchère permanente, pour toujours plus de moyens de répression, toujours plus de « droits » pour les policiers… cela n’est pas suffisant.

Depuis le 20 juillet, un nombre important de policiers sont en « arrêt de maladie », en « service minimum » pour protester contre la mise en garde à vue par un juge, d’un des quatre policiers de Marseille poursuivis pour « violences volontaires commises en réunion, avec usage d’une arme, par une personne dépositaire de l’autorité publique ». Cette décision de justice (qui ne se prononce pas sur la culpabilité de ce policier), a non seulement été attaquée par les syndicats de policiers (entre 70 et 90% des policiers sont syndiqués) – ce qu’ils font à chaque fois qu’un policier est poursuivi, mais cette fois, c’est le directeur général de la police nationale (DGPN) qui est allé dans leur sens. Il a notamment déclaré à la presse : « avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves, dans le cadre de son travail ». Des propos qui laissent entendre que ce policier n’a commis ni infraction, ni délit – peut être une faute ! – et qui remettent ouvertement en cause la décision d’un juge.

Le préfet de police de Paris, Nunez a dit « partager » les propos du DGPN et le ministre de l’Intérieur, Darmanin, a reçu les syndicats de police pour leur annoncer des mesures destinées à satisfaire certaines de leurs revendications, notamment un statut spécial pour les policiers en matière de garde à vue.

Une police au-dessus des lois communes, les questions sociales évacuées et enfouies sous la chape du « maintien de l’ordre », la politique du « passage en force » banalisée : il faut mettre un coup d’arrêt à cette politique !


[1] Parmi les munitions utilisées, il y a les « sacs à haricots », tirés par des fusils à pompe, qui ont une portée et une précision de tir plus grande que les LBD et qui provoquent des lésions plus graves. Ces munitions ont été utilisées dans les colonies (Antilles) lors des émeutes de 2021 et récemment, lors de l’opération policière à Mayotte (wuambushu).