Manifestation monstre à Copenhague, le 5 février

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Le 5 février, à Copenhague. Photo KPnet.dk

Nous avons demandé aux camarades du parti frère du Danemark, APK (Parti Communiste des travailleurs du Danemark) de nous donner leur appréciation sur la grande manifestation du dimanche 5 février. Cette manifestation de dizaine de milliers de personnes, dans les rues de Copenhague, n’a pas fait l’objet d’une grande couverture médiatique, en tout cas en France. Pourtant, à l’échelle du pays, elle est historique : un pays dont le gouvernement est très engagé dans le soutien à l’Ukraine, un pays membre actif de l’Otan et dont le gouvernement a réussi à faire passer un référendum en faveur de la participation du Danemark à la politique de « défense européenne ».

La manifestation dénonçait le projet d’imposer une journée de travail pour financer le budget de l’armement ! sous la forme de la suppression d’un jour de congé.

Le parti frère a participé à cette manifestation. Nous publions de larges extraits de l’analyse qu’il fait de la situation.

Sur la lutte de classe au Danemark

Le dimanche 5 février, une des plus importantes manifestations de travailleurs depuis de nombreuses années a eu lieu à Copenhague. Les manifestants sont venus de nombreuses villes du pays et ce sont les centrales syndicales qui l’ont appelée. En même temps, elle a pris un caractère populaire massif, avec la participation de nombreux groupes et organisations.

La raison spécifique à cette manifestation est le fait que le gouvernement veut faire passer une loi qui obligerait chacun à travailler un jour de plus dans l’année pour que cet argent aille au financement des dépenses militaires en augmentation, pour le budget de l’Otan et de la guerre en Ukraine. Cela se ferait en supprimant la journée fériée traditionnelle du « grand jour de la prière » ([1]) pour en faire un jour de travail ordinaire.

Cela a évidemment provoqué une grande indignation, qui vient s’ajouter à la colère grandissante contre le rallongement des heures de travail imposées de différentes manières (y compris à travers les rallongements de l’âge de départ à la retraite), contre l’inflation qui a continué à faire baisser les salaires réels et les prestations sociales. Les négociations collectives dans le secteur privé viennent de commencer et les patrons craignent que les travailleurs disent « non » aux piètres résultats qui sortiront de ces négociations et que cela ne déclenche des grèves.

Les sociaux démocrates ont gagné les élections en novembre 2022 et ils auraient pu continuer à gouverner avec des partis de gauche ([2]), mais ils ont décidé de former une large unité nationale et de constituer une majorité gouvernementale avec les deux plus grands partis ouvertement bourgeois, en mettant en avant le fait que les temps difficiles pour l’économie étaient devant nous et que cela nécessitait une unité au parlement pour faire face à une guerre sérieuse et mener une politique de crise.

Pour les secteurs les plus avancés de la classe ouvrière, il n’y aucun doute sur le fait que nous avons affaire à un gouvernement et un patronat réactionnaires et qu’il faudra combattre leurs attaques. Pour les secteurs de gauche et les larges masses des électeurs sociaux démocrates, cela a suscité de la frustration et de plus en plus de désillusions, mais ils continuent à croire qu’un changement peut intervenir, avec de meilleurs résultats électoraux.

Un aspect particulier et nouveau de ce gouvernement tient au fait que si les sociaux-démocrates ont été traditionnellement et toujours liés au mouvement ouvrier et au mouvement syndical, les deux autres partis au gouvernement sont anti-syndicats. En principe, au Danemark, les questions concernant le marché du travail ne sont pas fixées par la loi mais à travers des négociations tripartites entre le patronat, l’Etat et les directions des centrales syndicales (ce qu’on appelle le modèle « nordique »), ce qui fait que la proposition d’introduire un jour de travail supplémentaire par la loi est en contradiction flagrante avec la pratique actuelle.

Cette évolution risque de marginaliser la direction des syndicats et lui faire perdre son rôle central dans l’exploitation toujours plus poussée de la classe ouvrière (sans parler du taux de syndicalisation, plus faible que jamais). C’est pourquoi la direction centrale des syndicats a pris la tête de l’opposition à la loi du gouvernement et a organisé la manifestation de dimanche, faisant une déclaration qui soutient à fond les positions qui demandent de soumettre la loi à référendum.

Ce faisant, elle essaie de mettre la colère et le ressentiment derrière le charriot de la défense de ses propres intérêts. Elle ne s’oppose pas à la guerre, elle ne dit pas que des travailleurs tuent d’autres travailleurs pour des intérêts impérialistes, elle soutient les monopoles nationaux et leurs exigences plutôt que de développer la solidarité internationale de la classe ouvrière. Elle soutient le projet actuel du gouvernement d’introduire la conscription pour les femmes, d’introduire une option militaire spécifique dans l’enseignement supérieur, et est pour que le développement de la recherche et de la technologie soit plus étroitement lié à la branche militaire. Voilà quelques exemples de sa politique.

(…)

Notre parti s’efforce avec tous ses moyens de promouvoir une ligne de lutte de classe, de faire grandir la conscience que la lutte sociale et la lutte contre la guerre et la militarisation impérialiste sont deux faces d’une seule et même pièce, d’organiser et de développer la conscience politique.

Nous avons participé à la manifestation du 5 février avec les mots d’ordre suivants :

Bas les pattes de la journée de St Bede

Nous ne paierons pas les budgets de guerre de l’Otan

La guerre ne doit pas être payée avec l’argent de la protection sociale

Il y en a assez de s’user la vie au travail et des heures de travail à rallonge

Exigeons la réduction des heures de travail

Des hausses de salaires, maintenant, pour tous, du public et du privé : 20% c’est un minimum.

Indexation des salaires sur le coût de la vie

Il faut prendre l’argent au Capital.

Nos mots d’ordre et notre propagande politique ont eu un bon accueil.

Suivez les activités du parti frère du Danemark – APK

(9) KPnet.dk | Facebook


[1] Le Store bededag, ou en français « grand jour de la prière », est une fête danoise qui a lieu le 4e vendredi après le dimanche de Pâques.

[2] Le Parti social démocrate et la liste de l’unité (rouge vert) avaient dirigé le gouvernement jusqu’en 2022. Aux dernières élections, la dirigeante du parti social-démocrate a conclu une autre alliance avec les partis de droite.