Espagne : communiqué du PCE(m-l) « sur l’escalade répressive » de l’Etat à propos du référendum en Catalogne

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Nous publions la traduction du communiqué du Comité Exécutif du Parti Communiste d’Espagne (marxiste-léniniste) sur ce qui se passe actuellement en Espagne, en lien avec le référendum organisé en Catalogne, référendum que l’Etat veut absolument empêcher.

Nous avons ajouté des notes d’explication.

La conclusion de ce texte est claire :

« Par conséquent, ce que nous devons faire aujourd’hui c’est mettre toute notre énergie à approfondir la faiblesse politique de l’Etat monarchique pour avancer dans la rupture avec la putréfaction héritée du franquisme. Ceci est une tâche qui implique tous les peuples d’Espagne et qui se concrétise en soutenant sans réserves le droit des catalans à décider de leur futur ; en faisant front contre la coercition et les limitations des droits ; en dénonçant l’incapacité de l’Etat à affronter les problèmes cruciaux de nos peuples et de notre classe ; et en promouvant un large front antifasciste et républicain qui donnera une impulsion à la rupture avec le régime en s’appuyant sur la réaction générale à la vague répressive du PP, quel que soit le résultat du référendum. »

 

Face à l’escalade répressive

Communiqué du Parti Communiste d’Espagne (marxiste-léniniste)

Le gouvernement Rajoy a largement tenu ses menaces, en mettant en marche toute sa machine répressive dès que la Generalitat1(1) de Catalogne a formalisé la convocation d’un référendum pour le 1er octobre. Certes, il n’y a eu ni suspension formelle de l’autonomie catalane ni intervention militaire prévue par la Constitution monarchique, comme cela avait été évoqué. Mais il ne fait aucun doute que le Gouvernement a interprété à sa convenance ce que le PP (Parti Populaire – droite) entend par « légalité », en imposant un état d’exception de fait et en faisant fi des droits formellement reconnus : c’est la « force de l’État de droit », avec des relents franquistes, qu’ils ont l’habitude d’utiliser quand se pose un problème politique d’envergure.

Fonctionnaires menacés, sites web fermés, publications saisies, rédactions investies, activités et meetings annulés par la police, matériels de propagande confisqués, plus de sept-cents maires poursuivis, des centaines de policiers transférés en Catalogne pour chercher des urnes et réprimer les citoyens, un Tribunal Constitutionnel qui agit comme un simple homme de paille de l’Exécutif, le Ministère Public qui menace de procéder à des arrestations, un droit qui ne lui appartient pas…Voilà le tableau qui règne aujourd’hui en Catalogne et dans toute l’Espagne : la menace d’un fascisme qui revit (bien qu’il n’ait jamais disparu) avec la renaissance de facto du délit de « propagande illégale » et qui s’est manifesté de façon éclatante dans un PP catalan exultant, qui applaudit et accueille avec extase l’annonce de la saisie de cent mille affiches de propagande. Nos camarades, ceux qui ont subi la prison et la torture pour ce qui étaient également des délits sous la légalité fasciste, savent bien ce que tout cela veut dire.

Ceci n’empêche pas, bien au contraire, le Gouvernement de s’accrocher cyniquement à la défense de sa « légalité » : celle-là même que le Parti Populaire viole impunément ou bien interprète à son profit chaque fois qu’il en a besoin. C’est ce que montrent ses plus de 1300 représentants sous le coup d’une inculpation (2) et surtout la réforme express de l’article 135 de la Constitution pour « blinder » le paiement de la dette ; l’intégration de l’Espagne dans la structure militaire de l’OTAN, contre le résultat du référendum de 1986 ; les accords secrets avec les USA et aujourd’hui avec l’Arabie Saoudite …, pour ne pas parler des droits sociaux, inclus dans la Constitution monarchique, pour pouvoir la faire passer pour démocratique et qui sont systématiquement ignorés.

La bourgeoisie catalane appelle à la solidarité des peuples d’Espagne mais elle sait que sans un changement radical, une rupture, avec le régime de 1978 qu’elle a participé à asseoir, l’exercice du Droit à l’Autodétermination est impossible. En revanche, tout au long de ces dernières années (en dernier lieu, en 2012, quand les députés de CIU (3 ) ont appuyé les brutales réformes de Rajoy, y compris la réforme du droit du travail) elle a apporté son appui à un régime qui, dans les moments de crise, a toujours montré son vrai visage réactionnaire. Comment s’étonner que la majorité des travailleurs considèrent que ce défi politique met en scène deux bourgeoisies, chacune à mille lieux des intérêts et des besoins populaires les plus urgents ?

Cela ne fait aucun doute : après les lois bâillons (4), les partisans de Rajoy ont trouvé en Catalogne le prétexte pour donner un nouveau tour de vis au processus de dégradation des droits démocratiques et à la fascisation de l’Etat. Si le Gouvernement est incapable d’envisager une solution politique, c’est parce qu’il ne le veut pas, car en tant que bras exécuteur des intérêts de l’oligarchie, il veut opprimer encore plus les classes populaires – mais aussi parce que le cadre juridique de 1978(5) ne le lui permet pas. Le 1er octobre 2017 met à nu la véritable nature de l’Etat bourgeois qui, en situation de crise, se dévêt de ses habits démocratiques pour se montrer comme l’ l’instrument de domination d’une classe sur le reste de la société. Et c’est aussi la démonstration évidente que, comme nous les communistes l’avons répété jusqu’à satiété, le régime monarchique de 1978 est irréformable. C’est un fardeau pour les droits démocratiques et sociaux et une prison pour les peuples.

C’est pour tout cela que le référendum sur l’autodétermination de la Catalogne (plus qu’une éventuelle indépendance) peut être un point de rupture qui met en échec l’état monarchique.

Cela peut être un point de rupture, malgré la précipitation de certains dirigeants indépendantistes – qui se considèrent déjà « déconnectés » de l’Espagne avant-même le référendum –, ce qui donne au procés(6) un air d’opéra bouffe, indépendamment du résultat du vote, si vote il y a. Cela peut l’être également parce qu’il a réussi à revitaliser le large et dynamique mouvement populaire qui l’avait impulsé à ses débuts, avec l’inestimable appui du Gouvernement Rajoy et de son mot d’ordre « Santiago, et ferme l’Espagne !(7) » 

En partant de là, il faut signaler le lamentable comportement de la « gauche » espagnole, qui a fini par se cantonner à son vieux rôle d’opposition de sa majesté.

Que, sur une question de principe tel que le droit à l’autodétermination des peuples, les dirigeants de la gauche visible décident de raser les murs, en se cachant derrière des formules, cela est déjà grave ! Mais qu’ils exigent un référendum dans de bonnes conditions, sous le régime monarchique ( !), cela est indigne et vil. Leur problème n’est pas technique mais idéologique et politique : ils n’ont tout simplement pas de programme alternatif au régime de 1978. Ils l’ont déjà montré en 2014, quand ils ont éludé de se prononcer clairement pour la République au cours du processus d’abdication du Bourbon.

Aujourd’hui ils montrent une fois encore qu’ils n’ont aucune réponse à apporter, alors que l’Etat s’accroche à une loi qui est lettre morte pour justifier son escalade répressive.

Qu’une immense majorité de catalans veuillent exercer leur droit légitime à l’autodétermination, que ce soit légal ou pas, cela est indéniable, de la même façon qu’au moins une bonne partie d’entre eux tentera de le mettre en pratique le 1er octobre. Ce n’est certainement pas la tâche des révolutionnaires que d’examiner les aspects techniques de l’affaire ; de la même façon que la lutte pour les droits démocratiques et contre le fascisme ne concerne pas exclusivement le peuple catalan.

Par conséquent, ce que nous devons faire aujourd’hui c’est mettre toute notre énergie à approfondir la faiblesse politique de l’Etat monarchique pour avancer dans la rupture avec la putréfaction héritée du franquisme. Ceci est une tâche qui implique tous les peuples d’Espagne et qui se concrétise en soutenant sans réserves le droit des catalans à décider de leur futur ; en faisant front contre la coercition et les limitations des droits ; en dénonçant l’incapacité de l’Etat à affronter les problèmes cruciaux de nos peuples et de notre classe ; et en promouvant un large front antifasciste et républicain qui donnera une impulsion à la rupture avec le régime en s’appuyant sur la réaction générale à la vague répressive du PP, quel que soit le résultat du référendum.

C’est à ces tâches que nous appelons à développer conjointement avec toutes les personnes et les organisations qui se considèrent comme faisant partie de la gauche conséquente.

 

Madrid, le 19 septembre 2017.

Parti Communiste d’Espagne (marxiste-léniniste)

Le Comité Exécutif.

1 Generalitat : désigne l’organisation politique de la communauté autonome de Catalogne, régie par un statut d’autonomie au sein de l’Etat espagnol.

2 A l’heure actuelle, sur l’ensemble de l’Etat espagnol plus de 1300 représentants, élus ou non, du PP sont inculpés de corruption.

3 Convergència i Unió: Convergence et Union, fédération des deux principaux partis politiques catalans et centriste de droite, de 2001 à 2015.

4 Série de lois regroupées dans une Loi organique de 2015, et qui visent à réprimer des comportements citoyens mettant en cause les autorités ou leurs représentants (par exemple filmer des policiers en action de répression, empêcher des expulsions, etc.)

5 Il s’agit de la Constitution actuelle, entrée en vigueur en 1978, après la mort de Franco en 1975.

6 Mot catalan qui désigne le processus politique mis en marche par la bourgeoisie catalane pour aboutir aux élections pour l’indépendance.

7 « Saint Jacques, et ferme l’Espagne ». Slogan ou cri de guerre attribué à différentes personnalités ou périodes historiques. Dans la bouche de Rajoy, c’est un appel à défendre l’unité de l’Etat espagnol.