La dette sociale française : le point de vue de Pascal Franchet, militant du CADTM (collectif pour l’abolition de la dette du tiers monde)

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Le combat politique et idéologique porte sur des questions fondamentales de la société : sur la sécurité sociale, sur le « partage des richesses », sur la fiscalité…

Pascal Franchet nous a autorisé à publier sa récente contribution sur la question de la sécurité sociale.

La dette sociale française : un retour aux sources est nécessaire !

Par Pascal Franchet

29 novembre 2016

Le débat public sur le financement de la protection sociale a besoin de clarification. Il est aujourd’hui encombré de notions confuses et parfois contradictoires qui empêchent la construction d’une revendication claire.

Entre cotisation et impôt, entre cotisation salariale et cotisation patronale, entre répartition et logique assurantielle individuelle et privée, entre ce qui relève de l’État ou/et des collectivités locales et ce qui relève des caisses de sécurité sociale, un brouillard est volontairement et savamment entretenu sur la protection sociale.

Sur ce fond d’apparence compliqué, prolifère l’idée de la dette sociale que devraient les salariés et les retraités. Il est donc urgent et nécessaire que les termes du débat soient clarifiés et qu’émerge une revendication claire, sur laquelle une mobilisation puisse se construire et être victorieuse. Nous ouvrons le débat.

« Les jours heureux », LA référence ?

On a tendance, en France, à circonscrire la Sécurité sociale au programme du Conseil national de la Résistance (« les jours heureux »). La Sécurité sociale est considérée comme un acquis du mouvement ouvrier sans cesse remis en cause depuis sa création en 1945 et inspiré du programme du Conseil national de la Résistance.

Ce programme (1), souvent considéré comme LA référence, le dogme sacré, était en fait un compromis entre, d’une part, un mouvement ouvrier puissant et renforcé par la Résistance, mais trop faible politiquement pour une transformation radicale de la société, et d’autre part, une bourgeoisie et un patronat discrédités et rendus illégitimes par leur collaboration avec l’occupant nazi, mais encore fortement représentés par le mouvement gaulliste et chrétien.

Chacun sait que ce programme était un compromis destiné à construire non pas une alternative radicale à la société capitaliste, mais de la reconstruire et la consolider pour faire face au bloc soviétique (tout comme pour le cadeau fait sur sa dette à l’Allemagne (2) lors de la conférence de Londres en 1953).

Les « 30 glorieuses », c’était le bon temps ?

L’attitude de la France vis-à-vis de son empire colonial s’était clairement exprimée lors des manifestations du 8 mai 1945 à Sétif et à Oran où l’on comptât plusieurs milliers de morts parmi les manifestants qui avaient l’outrecuidance de considérer la victoire sur les nazis comme porteuse d’espoir pour eux. Le 26 décembre 1945, naissait le Franc CFA (toujours en vigueur) qui permettait (permet toujours) à la Françafrique de s’approvisionner à bas coût en matières premières et de perpétuer la domination française pour « se protéger des déséquilibres structurels en économie de guerre ».

Deux ans plus tard, en mars 1947, le massacre de la rébellion à Madagascar et l’engagement de la France dans la guerre d’Indochine, puis plus tard dans la guerre d’Algérie (dont la population n’était pas éligible à la protection sociale (3), situait nettement la France dans le camp impérialiste, capitaliste avant tout.

Le Plan Marshall (1948-52), d’un montant de 13 mds de $ de l’époque (un peu plus de 100 mds de $ d’aujourd’hui), était l’effort financier, non pas altruiste de la part des banquiers US, mais destiné à reconstruire une économie capitaliste solide face aux pays du camp soviétique.

Ce qu’on a appelé les « 30 glorieuses » a été de fait la construction d’une prospérité sur fond de pillage du Tiers-Monde. Et c’est dans ce contexte qu’il faut situer ce compromis sur la Sécurité sociale entre les forces du mouvement ouvrier et celles de la bourgeoisie.

Rien de tel que de revenir aux sources pour y voir plus clair !

La revendication d’une protection sociale universelle est, avec celles qui concernent le salaire et le temps de travail, la revendication la plus ancienne du mouvement ouvrier.

Dès la naissance du capitalisme industriel, au XIXe siècle, l’indemnisation du chômage est organisée par les caisses de résistance ouvrières d’abord légales puis interdites et clandestines.

De la lutte des canuts (1831) à celle des ouvriers du Creusot (1899) en passant par la Commune (1871), la question de la protection sociale (chômage, maladie, retraite) est au cœur des luttes sociales et politiques.

Les premiers syndicats (4) prennent le relais à compter de la loi du 21 mars 1884, actant leur création en gérant des sociétés de secours mutuel. Ces structures de solidarité ouvrière furent violemment combattues par les gouvernements et le patronat, par une répression féroce et par le dévoiement et l’intégration via le subventionnement.

Cette période marque le conflit entre la solidarité ouvrière autogérée, l’assistanat (héritier de la charité) et la logique d’assurance (financement privé), pour voir finalement cette dernière l’emporter.

La loi du 8 avril 1898, assurant la protection des salariés de l’industrie contre les accidents du travail, est la première loi visant à mutualiser les coûts liés à un risque. Elle oblige les employeurs à prendre en charge le risque lié aux accidents du travail en s’assurant. Le salarié bénéficie d’une protection et les dommages sont payés directement par l’employeur ou par des caisses. Ainsi, la loi reconnaît la responsabilité de l’employeur qui doit s’assurer pour y faire face.

Cette situation perdure aujourd’hui : la caisse Accident du Travail/Maladies professionnelles est la seule à être financée par les seules cotisations patronales.

La revendication du financement de l’assurance-chômage et de la misère entre sur le terrain parlementaire dès 1900. Pour Marcel Sembat et Édouard Vaillant, députés socialistes, le chômage et la misère étant inhérents au capitalisme, il appartient au seul patronat de financer une assurance obligatoire contre le chômage et la misère. Ce débat imprégnera le mouvement ouvrier du début du 20e siècle.

Pour eux, il était hors de question d’envisager une cotisation des salariés. Ce projet de loi ne fut pas retenu, mais fut à l’origine de débats et d’enjeux de congrès au sein du mouvement ouvrier français (Parti ouvrier français et CGT). Ces débats ne sont toujours pas tranchés aujourd’hui.

Mais du début du 20e siècle aux lois de 1928 et 1931 (5), la logique d’intervention de l’État et de l’assurance domine l’histoire de la protection sociale, et la résistance en faveur de la solidarité ouvrière devient marginale. La loi de 1928 instaure la cotisation salariale. Le Front populaire adopte les congés payés sous la pression des occupations d’usines et « marque une pause » sur la question de la protection sociale.

La Sécurité sociale, créée fin 1945 et début 1946 (6), représente toutefois des progrès sociaux indiscutables que nous devons défendre pied à pied. À titre d’exemple, la nature du financement de la Sécurité sociale qui est actée dans les ordonnances du 4 et 19 octobre 1945 (art.30 et 31).

« La cotisation sociale est un prélèvement sur la richesse créée par le travail dans l’entreprise, qui n’est affectée ni aux salaires ni aux profits, mais mutualisé pour répondre aux besoins sociaux des travailleurs résultant des aléas de la vie, indépendamment de l’État et de la négociation collective et dont le montant est calculé à partir des salaires versés. »

Cette définition est importante pour au moins 3 raisons :

  1. Elle permet de dire que la cotisation est un prélèvement sur la richesse produite par le travail, comme les salaires et les profits ;

  2. Elle affirme l’indépendance vis-à-vis de l’État et de la négociation collective (les « partenaires sociaux ») de la gestion du produit de cette cotisation destinée à répondre aux besoins sociaux des travailleurs ;

  3. Elle répond aussi à la question « qui doit à qui ? ». C’est l’employeur qui doit cette cotisation à la population au même titre qu’il doit les salaires aux salariés.

Cette dernière précision nous permet notamment de contester :

  • la fiscalisation du financement (ce n’est pas aux contribuables de payer ce qui est dû par les employeurs !) ;

  • la notion de cotisation salariale (ce n’est pas non plus au salarié de payer son salaire, fût-il indirect !) ;

  • la légitimité de la dette de la sécurité sociale et de l’indemnisation du chômage ;

  • la dissociation entre la sécurité sociale et le traitement de la misère.

Le rôle de l’État est, lui, précisé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (7) (toujours en vigueur) conforme aux textes qui fondent le droit international et reconnaissent le droit à la sécurité sociale comme un des droits humains fondamentaux (8).

L’État doit garantir à la population des moyens convenables d’existence. Concrètement, cela signifie, qu’en l’absence d’accord entre le patronat et les syndicats, il revient à l’État de légiférer pour garantir ces besoins sociaux  (9).

Ce compromis, entre des groupes sociaux aux intérêts opposés, a donné naissance à la Sécurité sociale de 1945 dont les textes fondateurs ont été rédigés par de hauts fonctionnaires et non par les organisations du mouvement ouvrier. Ils maintiendront un flou sur la double notion de cotisation patronale et de cotisation salariale, alors que la matrice, elle, est unique : la richesse créée par le travail !

De cette confusion originelle, dont saura tirer profit la bourgeoisie, est née la cogestion entre syndicats et patronat des caisses de Sécurité sociale. Cogestion d’abord majoritairement dirigée par les représentants des salariés dans les caisses locales de Sécurité sociale, puis paritaire, mais de fait tripartite entre l’État, le patronat et les syndicats (10).

Au lieu d’une caisse unique, 4 sont créées, malgré l‘opposition de la CGT, ce qui complexifie la lisibilité (assurance maladie-CNAM, assurance vieillesse-CNAV, allocations familiales-CNAF et accidents du travail/maladies professionnelles-ATMP).

En 1958, une cinquième branche voit le jour : l’Assurance chômage avec l’UNEDIC. Mais elle est résolument hors Sécurité sociale et paritaire après un accord entre De Gaulle et le syndicat CGT-FO pour contrer l’influence de la CGT  (11). D’ailleurs il fallait, selon les propos de de Gaulle : préparer le marché du travail à la construction de l’Union européenne.

Avec les ordonnances scélérates de 1967, les caisses deviennent autonomes financièrement. La « mutualisation » de la cotisation passe à la trappe.

Pour ce qui est de la représentation des salariés, les ordonnances de 1967 ont mis fin à la gestion majoritaire des salariés et les dernières élections ont eu lieu en 1983 (élections tronquées du fait de l’existence de quotas prédéfinis de représentation).

De fait, de par la division syndicale, c’est le patronat (CNPF puis MEDEF) qui dirige la Sécurité sociale. Les syndicats, dont la liste a été figée par un arrêté du 31 mars 1966 qui n’intègre pas la réalité syndicale d’aujourd’hui (ni les mouvements de chômeurs), désignent leurs représentants dans les différents organismes. La démocratie n’est pas invitée à la table des négociations…

La Sécu, elle est à nous ! On s’est battus pour la gagner ! On se battra pour la garder !

Ce slogan est omni-présent dans les manifestations pour défendre la Sécu en France depuis 40 ans et illustre bien notre propos.

« Elle est à nous » peut signifier 2 choses :

Elle est issue des richesses créées par le travail. Ce n’est pas aux salariés de payer pour être en bonne santé et se faire exploiter dans les entreprises. Il appartient aux seuls employeurs de cotiser et non pas aux salariés ou aux contribuables (en majorité des retraités et des salariés) de contribuer à son financement. Ce qui exclut la fiscalisation de la protection sociale et réaffirme que la cotisation, c’est avant tout du salaire.

Il appartient également aux seuls salariés et non à un paritarisme bien arrangeant pour le patronat de décider de la destination des fonds collectés et destinés à satisfaire les besoins sociaux de la population. Les négociations récentes sur l’indemnisation du chômage ont échoué à cause du patronat.

La convention obtenue par les intermittents du spectacle (12) a fait l’objet d’un décret motivé par la crainte de voir les festivals chahutés durant l’été 2016, ce qui aurait offert un prolongement au mouvement social contre la loi-travail du 1er semestre. Cette convention n’est pas pérenne. Ce qu’un décret a fait, un autre peut le défaire à tout moment.

« On s’est battus pour la gagner » ne fait pas uniquement référence au programme du Conseil national de la Résistance mais à la totalité de l’histoire des luttes du mouvement ouvrier depuis l’instauration du capitalisme industriel au 19e siècle. Il s’est déroulé plus d’un siècle de luttes sociales avant l’ordonnance du 4 octobre 1945. Cette dernière n’est pas le produit d’une lutte sociale mais l’expression d’un compromis politique dans le contexte d’un rapport de forces favorable au salariat. En 1945, il n’y a pas eu de grèves ou de manifestations pour obtenir cette avancée sociale.

On se battra pour la garder implique une réappropriation par la population de la protection sociale en commençant par la débarrasser du fardeau de la dette sociale qui ne lui incombe pas. Le meilleur chemin pour y parvenir est l’audit citoyen de cette dette, au nom de laquelle les réformes néolibérales sont appliquées.

Les résultats rendus publics de cet audit doivent alimenter les mobilisations sociales pour défendre et étendre la protection sociale due par les employeurs au-delà du champ des 4 caisses actuelles de la Sécurité sociale (maladie, vieillesse, allocations familiales, accident du travail/maladie professionnelles). Il convient en effet d’intégrer également comme une dette du patronat le financement de la misère (comme le RSA, l’allocation adulte handicapé et autres), aujourd’hui (mal) financée par le budget de l’État et des collectivités locales, via l’impôt payé principalement par les salariés et les retraités.

L’accès à cette protection sociale étendue est un droit humain fondamental et sa gestion doit appartenir à ceux qui créent les richesses par leur force de travail. Le rôle de l’État sous sa forme actuelle doit se limiter à garantir l’exercice de ce droit. Le patronat n’y a pas sa place et le paritarisme doit être remplacé par une gestion directe et transparente par et pour les salarié-es, les privé-es d’emploi et les retraité-es.

Pascal Franchet

Les Autres Voix de la Planète n°69 – CADTM avec le CNCD 11.11.11 : Dette sociale – Qui doit à qui !

*****

Petite histoire de la financiarisation de la dette sociale en France

La dette sociale ou le « trou de la Sécu » sert de prétexte aux gouvernements néolibéraux pour mettre en place des réformes régressives. Cette dette sociale doit être relativisée.

De sa création jusqu’en 2006, les comptes de la Sécurité sociale étaient soit excédentaires, soit légèrement déficitaires. Le recours au financement externe était marginal et relevait souvent du jeu d’écriture. Le tournant néolibéral de l’économie et des politiques qui y sont associées date du début des années 1980.

Jusqu’en 1980, l’ACOSS13 avait recours à deux sources de financement :

le Trésor public pour des avances à court terme ;

la Caisse des dépôts et consignations pour des prêts relais.

Début 1980, se mettent en place, au sein de l’ACOSS, des Conventions d’objectifs et de Gestion (COG) qui introduisent 2 nouveautés : la comptabilité séparée des caisses et la facturation croisée des excédents et des besoins de financement, avec productions d’intérêts entre caisses. Cette nouvelle logique comptable d’entreprise privée marque le début de la financiarisation des comptes de la Sécurité sociale.

C’est avec l’UNEDIC, une association créée hors Sécurité sociale en 1958 sous forme associative et à gestion paritaire pour contrer l’influence de la CGT et redonner une position dominante au patronat avec le paritarisme, que s’ouvrent les portes du financement de la dette sociale par les banques privées.

En septembre 1981, l’UNEDIC (assurance-chômage) emprunte 6 mdsF auprès des assurances et des mutuelles sur lesquelles l’État reste influent et peut imposer des taux très faibles (14).

En 1994, l’UNEDIC souscrit un emprunt obligataire de 10 mdsF à 5,25%.(15)

En 2002, elle renouvellera l’opération avec un emprunt obligataire de 12 mdsF au taux de 5,50%.

En 2004, l’ACOSS (la « banque de la Sécu ») sera autorisée à emprunter 7 mdsF auprès des banques spécialistes en valeurs du Trésor (celles qui financent la dette de l’État). Ce recours à l’emprunt, garanti par l’État, marque l’ouverture définitive de la Sécurité sociale à la financiarisation.

En 2007, la loi de financement de la Sécurité sociale autorise l’ACOSS à avoir recours à des billets de trésorerie pour ses besoins de financement à court terme.

On peut lire sur le site de l’UNEDIC, qu’à la fin de l’exercice 2007, 9,17 mds€ d’autorisation d’emprunts on été utilisés comme suit :

Obligations = 6,2mds€ ;

Billets de Trésorerie = 2,87mds€ ;

Titrisation = 0,1md€.

La titrisation consiste à transformer en titres négociables sur les marchés financiers des créances de l’UNEDIC. Les cotisations sociales servent à la spéculation !

En 2010, on touche le fond ! Une convention est signée entre l’ACOSS et l’AFT (Agence France Trésor) portant sur un programme d’émissions pour des financements à court terme sur les marchés financiers. Ce programme s’appelle « Euro Commercial Paper », basé à la City de Londres. On y trouve des entreprises, des sociétés financières (banques centrales, assurances, «Hedge Funds», « Mutual Funds », des sociétés de « Trading », etc. Comme dans tout paradis fiscal, l’origine des fonds est incertaine, douteuse et souvent mafieuse. La Sécu blanchit de l’argent sale !

Dans sa note de présentation aux investisseurs émise en septembre 2014 (16), l’UNEDIC vante la fiabilité de ses capacités à rembourser et présente les économies à réaliser sur le dos des chômeurs (1,6md€ sur 2 ans) comme un gage de la soutenabilité de ses remboursements.

En 2016, le site de l’UNEDIC ne rend public que 11 des 31 mds€ de contrats souscrits. Agir dans l’ombre pour mieux détruire les droits humains fondamentaux est leur stratégie.

Cette incomplète énumération des dérives de la dette sociale, sur le chemin de la financiarisation de son financement, illustre le marigot dans lequel la protection sociale est tombée.

Ces banques du marché primaire (17, créancières de la dette sociale, sont toutes impliquées dans des faits délictueux et des scandales rendus publics. Très peu d’entre elles ont connu des poursuites judiciaires. Le comportement de ces prédateurs de biens publics n’a pas changé malgré quelques amendes qu’ils s’empressent de faire payer aux particuliers et à leurs employés. Les paradis fiscaux continuent de prospérer en l’absence de réelle volonté politique de changement. Il est urgent de mettre fin à ce pillage du droit fondamental à la protection sociale pour toutes et tous.

Un coût exorbitant pour la population

Il est difficile de chiffrer avec précision le coût de cette financiarisation mais il se chiffre assurément en dizaines de milliards d’euros. Avec la baisse des prestations et cette logique financière, nous enrichissons ces créanciers. La population paie le prix fort d’une dette qui n’est pas la sienne mais celle du patronat qui organise, avec l’État, le trou de la Sécu afin de mieux la privatiser.

Plus que jamais, un audit public et citoyen de cette dette s’impose. À l’heure où de nouvelles réformes de la protection sociale sont exigées par le FMI, l’OCDE et la Commission européenne, au nom de la réduction de la dette publique et des déficits, il devient impératif de construire et multiplier des collectifs d’audit de la dette sociale. Le fruit de ce travail, mené de façon transparente et publique, est une pierre à ajouter à l’édifice de nos revendications et mobilisations.

Nous devons nous réapproprier notre protection sociale, en évincer le patronat et l’État de sa gestion, rendre publique la réalité des comptes, remettre en cause cette financiarisation qui, non seulement enrichit les nantis mais sert de prétexte aux reculs sociaux. Il nous faut faire payer au patronat et au Capital la dette envers la protection sociale. Une autre redistribution des richesses produites par le travail est possible et nécessaire.

Notes

1 De ce programme au titre évocateur : « Les jours heureux » sont nées les nationalisations des principales industries et banques de dépôt, la création de services publics nationaux à réseaux (EDF et SNCF) ainsi que l’instauration d’une sécurité sociale universelle.

2 Le 27 février 1953 : les alliés désendettent l’Allemagne : http://www.cadtm.org/Le-27-fevrier-1953-les-allies

3 Les allocations familiales et l’Algérie coloniale, Antoine Math : http://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_1998_num_53_1_1825

4 Essentiellement, des ouvriers de métier, syndiqués et qualifiés. Cf. les statuts de 1901 de la fédération française des travailleurs du livre (FFTL).

5 Art 2 de la loi du 5 avril 1928 : Les ressources des assurances sociales sont constituées, en dehors des contributions de l’État, par des versements pour moitié à la charge de l’assuré et retenus lors de sa paye au moins une fois par mois, et pour moitié à la charge de l’employeur.

6 La loi du 22 mai 1946 généralisera la Sécurité sociale à toute la population, à l’exception des travailleurs non-salariés non agricoles qui s’y opposeront.

7 Articles 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 voir annexe 1 de la brochure « Que faire de la dette sociale »

8 Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (art. 25.1 et 25.2) ; pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (art. 9) ; Comité de l’ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels. Source : Brochure élaborée par Melik Özden, Directeur du Programme Droits Humains du CETIM et représentant permanent auprès de l’ONU.

9 Ce qu’il a fait en 1992 pour augmenter les cotisations patronales de la caisse AT/MP (accidents du travail/maladies professionnelles), c’est ce qu’il n’a pas fait en juin 2016 après l’échec des négociations sur l’Assurance chômage, le décret concédant aux intermittents du spectacle un accord est une avancée réelle tout en étant d’une extrême fragilité juridique, Un nouveau gouvernement pourra l’abroger aisément.

10 Aux premières élections en 1947 la CGT obtient 60 % des voix. Depuis 1945, la gestion des caisses était administrée pour les 2/3 par les représentants des salariés et pour 1/3 seulement par les employeurs et les associations familiales. À noter que, dès 1945, les pouvoirs publics avaient fait de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, non pas un organisme privé à statut mutualiste, mais un établissement public à caractère administratif avec un conseil où les représentants des salariés étaient en minorité.

11 Dès 1951, la CGT revendiquait l’intégration du risque chômage dans la Sécurité sociale (28e congrès de la CGT).

12 http://www.cip-idf.org/

13 L’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS), créée par les ordonnances de 1967, assure la trésorerie au quotidien des 4 branches du régime général (maladie, famille, vieillesse et accidents du travail/maladies professionnelles)

14 Lire à ce propos l’excellent livre de Benjamin Lemoine : L’ordre de la dette, Editions La Découverte, 2016, sur le « Circuit du Trésor » et l’annexe 6 de la brochure « Que faire de la dette sociale ? » http://www.cadtm.org/Que-faire-de-la-dette-sociale

15 Pour mémoire, l’inflation était de 1,2% en 1994 et ne dépassera pas 1,6% jusqu’en 2002.

16 http://www.unedic.org/rapport-et-publication/presentation-investisseurs

17 Ces titres et obligations sont revendus sur le marché secondaire.On ignore qui sont les créanciers réels de la dette sociale tout comme pour celle de l’Etat.