« La montagne se soulève contre le Lyon-Turin »

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C’est « pour que ce projet ne voit jamais la lumière au bout du Tunnel ! », qu’un appel national et international avait été lancé pour une grande mobilisation, en Maurienne, les 16-17 et 18 juin 2023.

Vieux de 30 ans, ce projet de liaison Lyon-Turin par train à grande vitesse (TAV, comme Treno Alta Velocità, en italien) est contesté des deux cotés des Alpes :  en France par de nombreux collectifs, associations, par la Confédération paysanne… et en Italie, par le grand mouvement populaire « No TAV » qui a réussi à bloquer des chantiers et à organiser des manifestations de plus de 70 000 personnes.

Ce chantier pharaonique est dénoncé comme un grand projet coûteux, inutile, polluant et destructeur de ressources naturelles. Inutile, parce que la ligne existante n’est utilisée qu’à 20 % de ses capacités. Coûteux, vu la dimension des travaux nécessaires :  pas moins de 11 tunnels, dont le plus grand d’Europe, le « tunnel de base » composé de deux tubes parallèles de plus de de 57 km.  Mais aussi « programme de destruction massif » des ressources alpines, comme le précise l’appel des « Soulèvements de la Terre » : « Aujourd’hui, dans la vallée de la Maurienne et en Val di Susa, les travaux préparatoires du tunnel de base ont débuté. Déjà, des dizaines de sources drainées par les machines ont tari ou perdu du débit, des nappes phréatiques ont été percées, 1500 hectares de terres agricoles seront artificialisés. Tout ça pour mettre en place les zones de chantiers, entreposer les millions de mètres cubes de gravats arrachés à la montagne, ouvrir les centrales à béton et les carrières nécessaires à l’extraction des matériaux et à la construction des tunnels. » Les arguments qui vantent un projet « écologique » -par le développement du rail en remplacement des milliers de camions qui polluent les vallées alpines- n’ont pas plus de consistance que ceux qui présentent le nucléaire comment une « énergie verte ». Les opposants à ce projet sont pour une amélioration de la ligne existante et le développement du ferroutage, mais aussi pour une amélioration des lignes et dessertes locales sacrifiées, alors que des milliards sont dépensés pour la construction d’une ligne TGV qui fera gagner à peine plus d’une heure aux hommes d’affaires voyageant entre Lyon et Turin.

Si à Paris comme à Rome, gouvernements après gouvernements, les décideurs politiques soutiennent ce projet, c’est précisément pour ces milliards auxquels ne veulent pas renoncer les monopoles du BTP, notamment Vinci et Eiffage qui raflent les deux plus gros contrats de plus de 1,4 milliards d’euros chacun (1). Ce sont leurs intérêts que sont venues défendre, en nombre, lesdites « forces de l’ordre »

La manifestation interdite s’est quand même tenue

Interdite par un décret préfectoral validé par le tribunal administratif de Grenoble, la manifestation du 17 juin a été précédée par des dizaines d’interpellations préventives. Tout a été fait pour limiter le nombre des personnes venues d’Italie. Mais cela n’a pas empêché certaines d’être présentes aux côtés de manifestants et manifestantes venu.e.s de toutes les régions de France. Plus de 4000 personnes se sont rassemblées, sans se laisser impressionner. De nombreux forum ont été organisés dans le camp de base situé hors de la zone interdite de Haute Maurienne. Un début de manifestation a été tenté le 17, mais elle s’est vite heurtée à un mur de lacrymos et grenades assourdissantes. Des élu.e.s et des représentant.e.s politiques, notamment d’EELV ont tenté en vain de négocier. Plusieurs manifestants ont été blessés et certains se sont retrouvés à l’hôpital.

Avoir pu tenir ce rassemblement malgré les graves entraves au droit de manifester est important. Comme le souligne un camarade qui a participé à ce rassemblement, la solidarité entre manifestants est loin de l’image de jeunes voyous déchaînés qui a été agitée pour faire peur est dissuader de participer. C’est un appui de taille  pour tous ceux qui, depuis des années, dénoncent ce projet, dont la contestation dépasse à présent largement les vallées alpines de Maurienne et du Piémont !

Au-delà des polémiques techniques que certains veulent soutenir, ce qui est fondamentalement mis en accusation, c’est bien le modèle économique qui génère sur toutes les routes d’Europe et du monde une circulation de marchandises à flux tendus, sans répondre aux besoins humains et au prix d’une destruction accélérée de la nature.

(1) Le chantier est piloté par la société de droit français TELT, (Tunnel Euralpin Lyon Turin) détenue à 50% par l’Etat français et à 50% par l’Etat italien ». Côté français, la réalisation du tronçon n°1 (1,47 milliard d’euros) a été attribuée à Eiffage Génie Civil associé à Spie Batignolles, Ghella et Cogeis. Le lot n° 2 (1,43 milliard d’euros) à Vinci Construction Grands Projets, dans un consortium incluant Dodin Campenon-Bernard, Vinci construction France TP Lyon et WeBuild.   Le 3ème contrat, d’un montant plus modeste -225 millions d’euros- a été attribué à un consortium mené par le Suisse Implenia, dans lequel figure également le Français NGE. Côté italien, les contrats à empocher représenteraient environ un milliard d’euros.