Pour y voir clair dans la situation de chaos qui règne en Équateur : la position du PCMLE

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L’Équateur est dans une situation de chaos, largement relayée par les médias qui insistent sur l’intervention de l’État pour maintenir l’ordre.

La mafia et le narco trafic organisent une déstabilisation générale, violente, dont les masses populaires subissent les graves conséquences. Le gouvernement de Noboa, récemment élu, dit déclarer la guerre aux narcotrafic, en militarisant le pays, prépare déjà un plan d’austérité renforcée pour faire payer ce plan aux travailleurs, à la jeunesse, aux peuples d’Équateur.

Nous publions la position des camarades du parti frère, le Parti Communiste Marxiste Léniniste d’Équateur (PCMLE) qui permet de saisir la complexité de la situation et de connaître les positions défendues par le parti (texte traduit par nos soins).

SUR LA SITUATION ACTUELLE EN ÉQUATEUR

L’Équateur vit des moments critiques ; les événements de ces derniers jours influenceront profondément la vie économique et politique du pays. Ils marqueront un avant et un après, même s’ils se déroulent dans le contexte de la crise d’insécurité qui existe depuis plusieurs mois.

Ce qui s’est produit ces dernières heures a pour point de départ l’évasion du dénommé Fito de la Prison Régionale N°4 (c’est le chef de la bande connue sous le nom des Choneros). Cela a motivé la déclaration de l’état d’exception par le gouvernement, le lundi 8 janvier et, dans la foulée, cela a entraîné une vague d’actions de délinquances dans plusieurs villes du pays ; Colon Pico (leader de la bande des Loups) et environ 40 prisonniers se sont échappés d’une prison de Riobamba. Pico était détenu depuis à peine trois jours quand il a pris la fuite.

Le mardi 9 janvier, dans 20 des 24 provinces, les actes d’actes de violence délinquante les plus intenses ont eu lieu : incendies de véhicules, explosions de bombes, séquestrations de membres de la Police, détentions d’agents pénitentiaires, tentatives de saccages… L’acte qui eut le plus d’écho, est la prise des installations de TC Television, à Guayaquil.

Tout ceci a été accompagné d’une intense offensive médiatique, de photos, de vidéos et de « fake news » sur les réseaux sociaux, qui a créé un état de terreur dans la population, et la sensation que la situation était devenue incontrôlable.

La réponse du gouvernement à ces évènements fut la publication du Décret 111, qui déclare l’existence d’un conflit armé au niveau national et ordonne aux forces armées de combattre les groupes délinquants, auxquels on attribue la qualification de groupes terroristes. 27 groupes ont été catalogués comme tels.

L’objectif que visaient les groupes délinquants par les actions de lundi et de mardi était atteint : générer le chaos dans le pays et provoquer la terreur dans la population.

La réponse du gouvernement et des forces qui l’appuient à été échelonnée : en premier fut publié le décret 110 qui déclarait l’état d’exception ; ensuite, l’Assemblée Nationale annonça son appui total au gouvernement dans le combat contre la délinquance. Le président de l’Assemblée, Henry Kronfle, a annoncé l’octroi de grâces et de remises de peines pour les membres des forces de police qui pourraient être impliquées dans des poursuites judiciaires dans le cadre de la lutte contre la délinquance. Plus tard c’est le Décret 111 sur l’existence d’un conflit armé interne qui a été publié.

Toutes les forces politiques bourgeoises ont déclaré leur soutien au gouvernement, et ceci au nom de l’unité nationale et de la défense du pays. Le corréisme s’est vu obligé de faire un revirement tactique ; il a cessé toute critique contre le gouvernement et lui a donné son appui total dans le combat contre la délinquance. Correa a dit : « c’est dans la victoire que nous définirons les différences ». La droite internationale parle de fournir de l’aide au pays pour faire face à la situation. Les USA n’ont pas perdu l’occasion d’exprimer leur volonté de « collaborer ». Concernant les USA, on sait que le gouvernement de Lasso avait signé un accord pour que des troupes yankees puissent agir dans notre pays en cas de conflit ; le document doit être approuvé par la Cour Constitutionnelle.

Dans la récente campagne électorale et depuis sa prise de fonction en tant que président de la République, Daniel Noboa a parlé d’un Plan Phoenix, qui définirait la politique et les moyens faire front à la délinquance organisée et garantirait la paix dans le pays. Mais Noboa a été critiqué parce qu’aucune action articulée du gouvernement pour faire face à ce vaste problème n’a été perçue, à tel point que l’on peut se demander si, réellement, il y a un tel plan.

La violence de la délinquance dans le pays a allée croissante ; les assassinats dans les rues et en plein jour ont augmenté, principalement dans les provinces de la côte ; les prisonniers conservent le contrôle des prisons ; la délinquance ordinaire ne se cache plus. Une méthode s’est généralisée, connue sous le nom de « vaccin », qui consiste à payer chaque semaine ou chaque mois les délinquants pour ne pas être victime de vols et d’assassinat. La population vit dans la terreur. L’Equateur est aujourd’hui un des pays où les pourcentages de violences délinquantes sont parmi les plus élevés au monde, où les pourcentages d’homicides sont également les plus élevés.

Depuis déjà plusieurs années on parle de la pénétration du narco trafic dans le pays et des maffias dans les plus hautes sphères des institutions bourgeoises : dans les cercles de la police, des forces armées, des organes de justice, dans l’exécutif, dans le législatif, dans les moyens de communication, dans les puissants groupes financiers et patronaux. Le cas « Métastases » a permis de mettre des noms sur les auteurs, mais tout le monde sait qu’ils n’y sont pas tous ; on désigne seulement un des groupes de délinquants. Il y a des preuves de la pénétration du narcotrafic et de la délinquance organisée, depuis le gouvernement de Rafael Correa, en passant par ceux de Moreno, Lasso et jusqu’à celui d’aujourd’hui.

Le cas « Métastases » se rapporte à un procès judiciaire ouvert par la Procureure de l’État, Diana Salazar, dans lequel on voit clairement les liens entre des juges, des membres de la direction de la Police et de l’Armée, des avocats, des entrepreneurs, des dirigeants politiques de droit, avec un des groupes qui travaille dans le narcotrafic. Pour ce cas-là, le président du Conseil de la Magistrature, Wilman Teran, est aujourd’hui sous les verrous, de même que près de 40 autres personnes. Parmi les preuves présentées par l’accusation on trouve des entretiens entre des délinquants, qui rendent compte du paiement de juges pour obtenir la liberté de l’ex-président Jorge Glas (Vice-président de Rafael Correa). Il y a également des messages dans lesquels ils recommandent « d’acheter » des institutions de l’État (comme les douanes), car ils ont un lien avec un haut fonctionnaire du gouvernement de Guillermo Lasso, qui les « vend ».

La déclaration de l’existence d’un conflit armé dans le pays, et l’ordre donné aux Force Armées et à la Police d’utiliser un armement létal changent la perception des gens sur l’action du gouvernement. Une population proche de la panique trouve facilement comme justifiées les politiques qui mettent en avant l’usage de la force, de la violence militaire, la politique de « la gâchette facile ». Les forces politiques les plus réactionnaires du pays ont toujours été partisanes de ce type de mesures, et aujourd’hui elles amplifient leur discours pour approfondir cette politique.

De pair avec ce discours, toutes les forces politiques bourgeoises, et bien entendu les groupes patronaux, parlent de la nécessité de l’unité nationale pour faire face à la situation. Derrière cet appel se trouve l’objectif d’imposer la politique néolibérale, d’attaquer les droits des travailleurs et du peuple, et d’aggraver encore plus leurs conditions de vie. Mauricio Pozo (néolibéral et ex-ministre des finances) a dit que pour financer la guerre il fallait augmenter le prix du carburant ; le ministre actuel des Finances a signalé que « l’élimination des aides pour les combustibles va de soi ». Il y un certain nombre de questions dans la consultation populaire qui font partie de son projet néolibéral, qui incluent la question de l’exploitation des mines, ce qui bénéficierait au capital international, les contrats horaires, qui précarisent le travail, l’arbitrage international pour trancher les débats sur les investissements étrangers.

Il est évident qu’il existe un plan pour droitiser encore plus l’action de l’Etat ; c’est une politique organisée par l’ambassade yankee : ils cherchent simplement à appliquer ce que serait le « Plan Equateur », et pour cela il faut de l’argent.

Pour le projet politique présidentiel de Noboa, le moment actuel est d’une très grande importance ; il peut sortir grandi ou bien couler à pique.

Notre Parti est obligé de regarder de façon multilatérale ce qui se passe dans le pays, et il doit le faire depuis une vision de classe, qui nous permette d’évaluer objectivement ce qui arrive, quelles en sont les causes, le processus existant jusqu’à aujourd’hui et les perspectives que nous posent les circonstances actuelles. Les évènements sont en cours, il faut les analyser pas à pas, prendre en compte que de nouveaux phénomènes continueront à se produire, et que les différentes forces sociales et politiques cherchent, et chercheront, à utiliser les évènements à leur profit.

Nous condamnons les actes de violence commis par les groupes délinquants organisés, liés aux maffias et au narco trafique ; nous demandons que l’Etat garantisse la vie et la sécurité de la population.

Nous appelons à l’unité du peuple pour faire face à la situation, affronter collectivement les problèmes, organiser la solidarité pour protéger le quartier, le lieu de travail ou d’activité ; nous levons les drapeaux de la défense de la vie ; nous exigeons des mesures concrètes pour être efficaces dans la lutte contre la délinquance. Le gouvernement doit garantir la sécurité des hôpitaux, des services publiques, pour que la société ne soit pas paralysée, que soient prises des dispositions concrètes dans les « zones chaudes » (foyers de délinquance).

Les problèmes du peuple sont d’une grande ampleur et ils sont concentrés sur les terrains de la sécurité, de l’éducation, de la santé et de l’emploi. Si on ne s’occupe pas de cela, la délinquance va persister, il faut donner une réponse structurelle. Nous savons que les résultats ne sont pas immédiats, c’est pourquoi nous réclamons l’action urgente sur ces terrains, pour que les moyens économiques puissent être canalisées de façon immédiate.

Le gouvernement doit instaurer d’urgence la sécurité, pour distribuer rapidement des budgets aux différentes institutions, pour évaluer et épurer (depuis le haut) la force publique, pour un contrôle effectif des frontières ; pour que soit renforcé le travail de renseignement pour désarmer les bandes, pour reprendre le contrôle des prisons.

Tout le monde sait que le narcotrafic lave l’argent à travers des activités commerciales les plus diverses. Il a été dit que 5 milles millions de dollars ont été lavés dans le système financier. Que fait l’UAFE (Unité d’Analyse Financière et Économique) pour contrôler cela ?

Ceux qui aujourd’hui sont présentés comme les leaders des bandes ne sont pas, en réalité, les principaux responsables des groupes mêlés au narcotrafic, ils n’en sont que des exécutants. Ceux qui dirigent tout cela sont placés bien plus haut; on doit trouver les véritables têtes et les capturer.

Le gouvernement a convoqué une consultation populaire qui, selon ses prévisions, aura lieu en mars. Un premier lot de 11 questions proposées a été durement contesté par divers secteurs, y compris proches du gouvernement, car ces questions sont considérées comme inutiles puisque faisant déjà l’objet de plusieurs lois. Ces questions traitaient, fondamentalement, de l’action des Forces Armées et de la Police dans le contrôle de la délinquance. Au cours de l’actuelle crise le gouvernement a posé neuf questions supplémentaires, auxquelles nous avons fait référence quelques lignes plus haut.

Nous avons dit que, par principe, nous ne nous opposons pas à cette consultation ; le peuple doit participer aux décisions très importantes pour le pays. C’est pourquoi nous proposons que soit soumis à consultation un autre type de questions, comme celle de déclarer ou non l’urgence dans la sécurité, ou bien celle de continuer ou pas à payer la dette externe en 2024, entre autres questions.

Notre Parti, à travers ses différents organismes et instruments, continue son action politique, en mettant en avant ses points de vue, en travaillant à la direction politique des masses.

11 janvier 2024

Secrétariat du Comité Central du PCMLE