Depuis la sortie de notre journal de juillet-août, qui consacre plusieurs articles sur les révoltes et les émeutes des quartiers, le gouvernement a renforcé les dispositifs de surveillance et de répression des quartiers populaires. Darmanin a annoncé la mobilisation de 130 000 policiers et gendarmes pour jeudi 13 et vendredi 14, dont 40 000, rien que pour la soirée du 14 juillet à Paris et en banlieues. Tout l’arsenal de la BRI, GIGN, Raid avec les armes de gros calibre, leurs véhicules blindés, hélicoptères et drones, étaient ostensiblement déployés, prêts à intervenir contre les « émeutiers », contre lesquels les porte-parole de droite et d’extrême droite se sont déchaînés à travers des discours ouvertement racistes.
Macron dit encore « s’interroger sur les leçons à tirer » de cette explosion de la jeunesse discriminée, qui subit le taux de chômage le plus élevé, les provocations policières et qui est la principale victime des tirs policiers. Les rapports et les plans ne manquent pas sur la situation des banlieues et la question des violences, de l’impunité policières et du racisme ne peut plus être niée. Or c’est précisément ce que refuse de faire Macron.
Quelques jours avant l’assassinat de Nahel, il y a eu celui d’Alhoussein, à Angoulême, sans parler des blessés par tirs de LBD, notamment à Marseille où plusieurs fonctionnaires de police ont été placés en garde à vue pour des faits de violence en réunion. 21 enquêtes sont diligentées par l’IGPN à l’encontre de policiers.
Après le rassemblement et la manifestation du 8 juillet en soutien au comité « justice pour Adama », la manifestation de la coordination nationale contre les violences policières a été elle aussi interdite le 15 juillet. Elle a, malgré tout, tenu une réunion au cours de laquelle des responsables de comités ont témoignés de leur combat.
Il faut souligner le fait que les organisations (associations, collectifs, syndicats, partis…) qui s’étaient exprimées le 8 juillet continuent à travailler ensemble, autour de la plate-forme de départ, déjà enrichie d’autres terrains de mobilisations. Notre parti participe à ce travail.
Le 14 juillet de l’armée, et des marchands de canons
Macron a préféré renoncer à intervenir le 14 juillet, comme il l’avait annoncé en avril, pour faire le bilan des « 100 jours » qui devaient prouver que la « page des retraites » était définitivement tournée et que son gouvernement avait repris la main. C’était « raté », le privant du même coup de l’annonce du vote de la Loi de programmation militaire (LPM) de 413,3 milliards sur 7 ans. La commission mixte parlementaire avait adopté le texte le 10 juillet, et le 14, le Parlement a définitivement voté la loi ; si 37 députés ont voté contre (notamment des députés de la Nupes) certains se sont abstenus (notamment des députés EELV). Les macronistes, la grande majorité des LR, le RN et le PS ont voté pour ([1]).
Macron s’est adressé le 13 aux armées, pour souligner le caractère de « fête de l’armée et de la nation » pour ce 14 juillet. Il avait invité Modi au défilé, le premier ministre de l’Inde qui est le deuxième acheteur d’armes françaises. Courtisé par les dirigeants des puissances impérialistes occidentales, Modi prône le « multi-alignement » pour faire des affaires aussi bien avec la Russie qu’ avec les USA, la France… mais pas avec la Chine, son concurrent. Aucun de ses « alliés » intéressés par le marché de ce vaste pays de plus de 1,4 milliards habitants, ne va lui reprocher sa politique raciste contre les musulmans (200 millions), ni sa politique de répression de toute opposition interne.
Modi a beaucoup apprécié sa visite en France, durant laquelle il a annoncé la commande de 26 Rafale « marine », pour équiper le porte-avions indien lancé en 2022 et 3 sous-marins d’attaque. En réaffirmant la solidité du « partenariat stratégique avec la France », il sert aussi les ambitions de l’impérialisme français qui se veut une puissance de l’Indo Pacifique à travers ses colonies, notamment la Nouvelle Calédonie.
L’Ukraine n’entre pas dans l’Otan, mais les armes continuent à alimenter la boucherie
Comme nous l’avons dit dans l’article sur la guerre en Ukraine dans le dernier numéro de notre journal, les dirigeants ukrainiens n’ont pas eu gain de cause concernant l’entrée de l’Ukraine au sein de l’Otan. « Trop tôt » et aussi « trop risqué, maintenant, alors que la guerre continue » leur ont opposé les dirigeants étasuniens qui ont la haute main sur l’Otan. Mais Zelensky, qui a tenu un meeting à Vilnius, où il savait qu’une grande partie de la population est favorable à l’entrée rapide de l’Ukraine au sein de l’Otan, est reparti avec l’engagement US de lui livrer des obus « à sous-munitions » et celui de Macron de livrer des missiles de 350 km de portée. La guerre peut continuer…
L’Otan s’est élargi à la Suède (après la Finlande), car Erdogan a levé son « veto » qui lui a permis de faire pression sur plusieurs gouvernements d’Etats membres de l’Otan, à commencer par les USA, dont les dirigeants sont davantage disposés à vendre des F-16, et ceux de l’UE, qui sont notamment prêts à rouvrir les négociations sur les visas d’entrée, sur les accords commerciaux et les investissements financiers dont le régime d’Erdogan a grand besoin.
L’Europe forteresse et l’Europe de la réaction.
La commission européenne s’est distinguée sur plusieurs questions :
L’accord UE-Tunisie, qui paie le régime réactionnaire de Kaïs Saïed pour empêcher les migrants de partir des côtes tunisiennes. Elle veut conclure le même type d’accord avec le Maroc et l’Egypte.
La commission veut imposer la généralisation sans contrôle des « nouvelles techniques génomiques » qui sont une nouvelle variété d’OGM, qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation sur les risques qu’ils peuvent entraîner. C’est une nouvelle et grave entorse au « principe de précaution », qui permet aux grands groupes semenciers – qui sont en même temps ceux qui produisent les pesticides – de renforcer leur contrôle et leur domination sur le marché des produits pour l’alimentation.
L’interdiction du glyphosate, « l’herbicide emblématique du système agricole dominant », est une nouvelle fois remise en cause par un avis de l’autorité européenne de sécurité des aliments « qui n’a pas vu d’élément de préoccupation critique ». Un avis contraire à plusieurs autres qui attestent de la dangerosité de ce produit. La bataille pour son interdiction reste à l’ordre du jour.
Solidarité avec les journalistes du JDD
Le JDD ne commentera certainement pas le remaniement ministériel dont Macron essaie visiblement de minimiser l’importance.
La rédaction du JDD est en grève depuis plus de 4 semaines, pour s’opposer à la nomination de l’ex-rédacteur en chef de Valeurs actuelles à la tête du JDD. Cet individu porte ses affinités d’extrême droite en bannière et a étalé son racisme abject à travers une « une » et des articles qui ont attaqué la député LFI, Danièle Obono. C’est Bolloré qui veut imposer ce choix, avalisé par Lagardère qui détient le JDD, mais qui a déjà passé la main au magnat de la presse : Bolloré dont les chaînes d’info promotionnent Zemmour et ses idées. Cette grève et le refus de cette nomination méritent d’être soutenus, quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir sur le JDD : c’est un combat contre la montée de l’extrême droite.
Il y a quelques jours, le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, avait dénoncé la promotion de l’extrême droite par le groupe Bolloré. Il n’y a pas que l’extrême droite et la droite qui sont montées au créneau pour l’attaquer : les macronistes se sont tus, les autres ministres ont fait de même : il devenait évident qu’il ne serait pas dans le gouvernement remanié. Le congédiement de ce ministre, qui a surtout servi de caution pour la poursuite de la politique de liquidation de l’enseignement public, est un « cadeau » à la droite.
Un remaniement a minima pour la même politique néolibérale, sécuritaire et austéritaire
Pap Ndiaye est remplacé par G. Attal, une « valeur sûre » de la Macronie qui a réussi à s’imposer, sans jamais faire d’ombre à Macron.
Le départ de M. Schiappa empêtrée dans le scandale du « fonds Marianne » était attendu, de même que celui de Carenco, au ministère des outre-mer, largement critiqué pour son incompétence, alors que la crise coloniale s’approfondit et que la revendication de l’indépendance est toujours aussi majoritaire chez les Kanak et que Macron entreprend un voyage en Océanie. Le départ de Braun à la Santé peut être vu comme le signe de l’échec de son « plan de sauvetage des urgences », comme celui de Klein (ville) est sans conteste une conséquence des émeutes des banlieues. S. El Haïri, secrétaire d’Etat chargée du SNU, est promue à la « biodiversité » : là aussi, le fiasco de la caravane SNU a forcément influé sur cette décision, sans remettre en cause le projet SNU lui-même.
Macron promotionne des « fidèles » pour montrer que c’est toujours lui qui est aux manettes et que la politique ne changera pas et fera payer la crise aux travailleurs et aux masses populaires. Pour preuve :
Les prix de l’électricité vont augmenter de 150 euros en moyenne, par foyer.
Les orientations du budget sont clairement à la baisse des budgets sociaux ; pas d’argent ni pour les quartiers, ni pour la santé, mais de l’argent pour l’armée, la police, pour plus de prison.
[1] Il est très difficile d’avoir les informations précises concernant ce vote.