Toulouse : 20 ans après l’explosion de l’usine AZF, les plaies sont toujours ouvertes

25 septembre, journée internationale pour la paix
28 septembre 2021
Les manifestations du 5, pour l’augmentation des salaires (Paris, Grenoble, Alsace, Cher, Tours, Bourges, Pau, Toulouse)
7 octobre 2021

Le 21 septembre, à la bourse du travail de Toulouse

Le 21 septembre 2001 l’usine AZF explosait. Le bilan était très lourd : 31 morts, plus de 20000 blessés, des milliers d’habitations ravagées, une centaine d’établissements scolaires touchés dont 2 lycées détruits, 5000 entreprises impactées… Le plus grave accident industriel de l’après-guerre en France.

20 après, à l’heure de l’explosion (10H17), environ 200 personnes se sont rassemblées au « rond-point du 21 septembre » avec la Cgt 31, la Fédération de la Chimie et le syndicat CGT Total et les associations « Plus jamais ça » et « les sinistrés du 21 septembre ». Parallèlement, une cérémonie « officielle » réunissait les représentants de Total, de la mairie et du gouvernement sur le site.

Le rassemblement syndical et des associations a une nouvelle fois mis en évidence les responsabilités « des stratégies patronales et des choix politiques qui privilégient l’intérêt économique et financier au détriment de l’humain et de l’environnement » comme l’a exprimé dans son intervention Gilsèle Vidallet qui était secrétaire de l’UD CGT 31 en 2001. Elle a aussi fait le lien avec l’explosion de Beyrouth l’an dernier « l’explosion du port de Beyrouth pour des causes similaires démontre que la course aux profits n’a pas de frontières. » La présence d’une délégation rouennaise de riverains de l’usine Lubrizol et de la CGT locale a été saluée.

Le 21 septembre au soir à la bourse du travail de Toulouse une soirée était consacrée à cette commémoration à l’initiative de l’UD CGT 31 et de la fédération CGT de la chimie,

A la tribune plusieurs intervenants se sont succédé : Des représentants de la fédération CGT Chimie, des représentants de l’association des victimes d’AZF (les riverains et passants touchés par la catastrophe, habitations, blessés, familles des décédés) … des représentants des avocats de la partie civile, l’inspecteur du travail qui suit les conséquences de la catastrophe de Lubrizol.

Dans la salle sont aussi intervenus des représentants CGT de Total Grandpuits de Rouen, Air Liquide de Fos, Sanofi,

Des riverains de l’usine Lubrizol venus en solidarité étaient présents pour ces commémorations.

La représentante des avocats :

A dénoncé la longueur de la procédure contre Total qui a duré 18 ans et a donné lieu à 3 procès. Procès qui concernaient les salariés et les sinistrés qui malgré les divisions préexistantes ont pu en partie se regrouper dans ce combat juridique.

2009 : Le premier procès de taille exceptionnelle a eu lieu à Toulouse avec 1800 parties civiles dans une salle municipale. il s’est traduit par un non-lieu vis à vis de Total et les victimes ont fait appel (ce qui, d’après l’avocate, est toujours le cas dans les procès en correctionnelle).

2012 : Le procès en appel à la demande des victimes a été délocalisé à Paris ce qui rendait leur présence impossible, fait dénoncé par les avocats. En effet, difficile pour les victimes d’aller 6 mois à Paris et se loger durant une période aussi longue, alors qu’un procès avec de nombreuses victimes dans la salle crée un rapport de force et attire les médias. De plus, Total a déployé une « armada » d’avocats à plein temps. Sans compter pour les avocats des victimes la difficulté d’obtenir les dossiers et l’intervention immédiate de Total sur le site de la catastrophe… Total a pratiqué une entrave vis à vis de l’accès aux dossiers pour les avocats (moins nombreux) de la partie plaignante.

En 2017 Le directeur de la société La Grande paroisse, Biechlin, a été jugé coupable d’homicide et blessures involontaires et condamné à 15 mois de prison avec sursis et une amende de 45000 euros. La société Grande Paroisse elle même a été condamnée à 225 000 euros d’amendes : « du personnel non formé, des manquements dans la gestion des déchets, le recours excessif à la sous-traitance, activité qui n’aurait pas dû être sous traitée, l’absence d’évaluation des risques. » constate le tribunal.

La procédure a pris fin en décembre 2019 soit 18 ans après l’explosion.

Même si l’entreprise Total en tant que telle n’a pas été condamnée en se défaussant sur sa filiale locale AZF Grande Paroisse, cela reste une grande victoire d’avoir obtenu ces condamnations !

Concernant les victimes, le travail de l’association qui gère les dossiers des plaintes des victimes pour réparation est considérable et des victimes touchées par des effets sur leur santé à long terme continuent à se faire connaître. (problème auditif ou autres)

L’inspecteur du travail a témoigné sur la catastrophe de Lubrizol : ila expliqué le travail fait par la CGT avec les riverains pour éviter toute division en mettant entre parenthèse la question de la réouverture de l’usine afin de créer un rapport de force avec les riverains. Il a aussi dénoncé les réglementations qui ont vu le jour pour se substituer à celles qui précédaient la catastrophe en expliquant qu’elles sont très loin de correspondre à la nécessité de prévention des risques et ne sont qu’un artifice.

Le représentant CGT de la chimie a rappelé que les modifications des structures d’intervention des salariés en fusionnant les CSE et les CHSCT ne permettaient pas de donner aux salariés des moyens d’intervention efficaces pour prévenir des risques.

Un représentant CGT de Total Grandpuits à Rouen a expliqué qu’ils se battaient actuellement contre les licenciements,

Un représentant CGT de Air Liquide a dénoncé l’usage de la sous-traitance comme un risque supplémentaire car face aux risques il faut des travailleurs attachés au site et formés sur ces questions. Il a dénoncé les conditions de travail et les pressions exercées par le patronat sur ces salariés qui ont une formation incomplète et sur qui pèse la menace de rupture de contrat et de licenciement.

20 ans après, nous constatons les avancées au niveau de la conscience.

Le rassemblement commun des associations et la CGT illustre la nécessité de la liaison entre salariés et riverains et de leur solidarité comprise comme un moyen de créer le rapport de force face au patronat pour obtenir les meilleures conditions pour tous.

La cellule Gabriel Saurat du PCOF salue cette avancée. Pour avoir vécu cette catastrophe de près (habitations endommagées, blessés), nous avons lutté pour obtenir réparation et fait un travail politique pour combattre la division salariés riverains orchestrée par Total et qui traversait aussi la CGT. Nous avions alors défendu, politiquement et syndicalement, le mot d’ordre : Total est coupable Total doit payer pour les salariés et les sinistrés. A titre d’exemple des tensions de l’époque, nous avions confectionné une banderole avec ce mot d’ordre pour une manifestation des salariés de la chimie venus en masse soutenir leurs collègues à Toulouse ; la banderole avait alors été attaquée par des militants CFDT de la chimie. Ce mot d’ordre a fini par unir syndicat et associations.

Nous pouvons aussi constater

– que la conscience des risques pour les salariés et riverains est prise davantage en compte ;

-que le mouvement qui s’opère dans le phénomène de sous-traitance souvent vers le moins disant que ce soit en termes d’interventions techniques comme de service de secours sur place (dont les effectifs ne cessent de décroître) mettent toutes et tous en danger,

La catastrophe d’AZF, comme celle de Lubrizol, et les catastrophes industrielles au niveau international posent en fin de compte la nécessité de la rupture avec ce système capitaliste broyeur de vies pour les profits.