Paul Hudson, PDG du laboratoire pharmaceutique français Sanofi, a déclaré, mercredi 13 mai, que si le vaccin qu’il développait avec des financements publics américains était agréé et produit dans ses usines américaines, il servirait d’abord les Etats-Unis avant les autres pays du monde : « Le gouvernement américain a le droit aux plus grosses précommandes », car les Etats-Unis « ont investi pour essayer de protéger leur population ». C’est effectivement ce que nous écrivions dans l’article de notre journal de mai à propos de la guerre au vaccin.
A peine connue, la déclaration du PDG de Sanofi a suscité les foudres du gouvernement français qui, par la voix de sa secrétaire d’Etat à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, a déclaré : « Pour nous, ce serait inacceptable qu’il y ait un accès privilégié de tel ou tel pays sous un prétexte qui serait pécuniaire ». Quelle hypocrisie de la part de ce gouvernement qui n’a cessé d’appliquer des politiques de marchandisation de la santé et qui aujourd’hui considère que parler d’argent est indécent !
En fait, à travers ces déclarations, le monopole Sanofi veut faire monter les enchères vis à vis de la Commission Européenne pour qu’elle fasse de gros investissements pour la recherche d’un vaccin contre le coronavirus. Il s’agit bien, dans tous les cas, de gros sous dont Sanofi veut aussi pouvoir profiter. Guerre économique, technologique, géopolitique, la course au vaccin est entre les mains des monopoles et des Etats impérialistes à leur service.
Le monopole Sanofi
Sanofi est une entreprise française dont les activités incluent la pharmacie (notamment des médicaments de prescription dans les domaines du diabète, des maladies rares, de la sclérose en plaques et de l’oncologie, des produits de santé grand public et des génériques) et les vaccins. Dans le secteur de la santé, Sanofi occupe le troisième rang mondial ; l’entreprise réalise 72,6 % de son chiffre d’affaires hors d’Europe et emploie plus de 100 000 personnes dans une centaine de pays (dont 25 400 en France). Troisième capitalisation boursière (Bourse de Paris) derrière Total et LVMH, Sanofi est la première en matière de recherche et développement (5,894 milliards d’euros investis dans ce domaine en 2018 (17,1 % du CA). C’est un des leaders mondiaux des médicaments sans ordonnance, avec des marques fortes (Doliprane, Lysopaïne, Maalox, MagnéB6 … ) dans un marché en croissance régulière et non concurrencé par les médicaments génériques. L’entreprise est également leader dans la production de vaccins : vaccins contre les maladies bactériennes (choléra, diphtérie, polio, coqueluche, tétanos, tuberculose, typhoïde…) et contre les virus (de la grippe, de l’hépatites A et B, de l’encéphalite, de la rougeole, des oreillons, de la poliomyélite, rubéole, varicelle … ). Les bénéfices de l’entreprise, comme de toute l’industrie pharmaceutique, sont essentiellement garantis par le versement de fonds publics consacrés à la santé par la sécurité sociale. En 2017, Sanofi a ainsi bénéficié de 561 millions de remboursements de l’assurance maladie française. Alors que le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait appelé le 24 mars les entreprises à « la plus grande modération » dans le versement de dividendes en 2020, eut égard à la situation économique, SANOFI France indiquait par la voix de son dirigeant, Olivier Bogillot : « La distribution de dividendes aura lieu. Ça sera un peu supérieur à l’année dernière, un peu en dessous de 4 milliards (…) C’est important, car c’est une partie de l’actionnariat français. Dans un contexte où l’économie s’arrête, il est important que des entreprises ayant la capacité de faire circuler leurs dividendes le fassent ». Rappelons qu’il y a un an, en mars 2019, Sanofi annonçait vouloir supprimer 230 postes en France. Ce plan intervient après plusieurs plans de restructuration et de diminution drastique de l’emploi dans plusieurs de ses centres (notamment à Toulouse et Montpellier) dans les années 2008 à 2012. Il faudrait encore parler de la pollution de son usine de Mourenx et de la résistance ouvrière et populaire qu’elle suscite (dont nous parlions dans notre journal d’octobre 2018) ; de son procès pour la Dépakine, médicament antiépileptique qui, administré aux femmes enceintes, a provoqué de graves séquelles chez leurs enfants. Condamné, Sanofi refuse toujours de participer à l’indemnisation des victimes.